Comme j’avais signalé à Annie Le Brun, dans une conversation jeudi dernier, que je m’apprêtais à écrire quelques billets consacrés à Keynes et au groupe de Bloomsbury, mes trois billets ayant été mis en ligne (I, II et III), je lui ai demandé ce qu’elle en pensait. Voici sa réponse, qu’elle m’autorise à reproduire.
Oui, Paul, j’en ai aimé la conclusion mais aussi tout le reste.
Une seule réserve cependant: je crois que la comparaison, dès le début de votre 3e partie, de Bloomsbury avec les « bobo » d’aujourd’hui, affaiblit l’éclairage, parce qu’en décalage avec tout ce que vous dites. Et cela vaut aussi pour la conclusion.
En fait, vos amis de Bloomsbury sont en train d’inventer le lieu qui permet à chacun de discerner le chemin de sa liberté. Et vous en rendez très bien compte. C’est la réussite de votre évocation de Keynes : on perçoit qu’il s’agit d’une quête, qui n’est bien sûr en rien préméditée. Mais d’une quête qui consiste à s’en remettre d’abord à la liberté à l’état naissant, si je puis dire. De ce point de vue, son attitude à l’égard de Bekassy est significative, avec tous les risques que cela suppose. Sa vie et sa pensée se confondant avec cette aventure d’une liberté qui se découvre chemin faisant. Et il me semble qu’aucun des habitants de Bloomsbury ne s’est engagé dans cette aventure sans en accepter les risques.
Du coup, rien n’est plus éloigné de l’actuelle « boboïtude » qui est un leurre de plus, une fausse sortie en kit et en toc. Un hors-cadre préfabriqué pour mieux s’intégrer dans le cadre. Les « bobos » n’incarnent rien, ils jouent le rôle que leur assigne la fallacieuse esthétisation du monde menée par le capital à travers son exploitation du domaine sensible, devenu la source inespérée d’une multitude de nouveaux marchés.