Le 14 octobre dernier, dans ma chronique du journal Le Monde intitulée L’effet de cliquet, ennemi de la démocratie, j’évoquais « les effets de cliquet dont notre système économique est friand ». J’écrivais :
Il s’agit de l’équivalent de ce mécanisme d’échappement à ancre utilisé en horlogerie interdisant tout retour en arrière : une absence de facto d’alternative. […] Ainsi, par un subtil montage des règles de vote, les institutions européennes requièrent un vote unanime si l’on veut adopter une mesure progressiste, alors qu’une mesure réactionnaire se satisfait d’un vote majoritaire. Des privatisations ou le détricotage de l’État-providence s’instaurent ainsi aisément cran par cran, tandis que les renationalisations ou les mesures sociales sont bloquées par l’effet de cliquet. […] Tout ceci va à l’encontre du principe de fonctionnement des institutions démocratiques, qui suppose la réversibilité des décisions prises.
Bien entendu, pour que l’effet de cliquet puisse jouer son rôle, il faut qu’il continue de rester secret, ou en tout cas qu’il n’y ait qu’un Paul Jorion quelconque ici ou là pour en dénoncer le mécanisme pervers.
C’est pourquoi l’effet de cliquet a pris un très mauvais coup quand M. Juncker, ancien Premier ministre d’une petite nation très inventive (quoi ? qu’ai-je dit ?), et nouveau président de la Commission européenne, a déclaré l’autre jour : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».
Quelle imprudence ! l’effet de cliquet, comme chacun sait, n’aime guère la lumière ! Il aime précisément laisser entendre le contraire de ce à quoi il sert, à savoir : « Si, si : malgré les apparences, la démocratie est QUAND MÊME respectée ! », alors que là, c’était plutôt du genre « Si nous avons pu vous rouler dans la farine autrefois, nous ferons en sorte que ce soit pour de bon ! ».
L’effet de cliquet ultime existe bien entendu, il a pour nom « colonels » mais ceux qui nous dirigent aimeraient mieux ne pas devoir en parler trop ouvertement : ça fait toujours un peu désordre !