Quand en 1952 le cinéma
nous fait voir la lutte d’influence drolatique entre le curé d’une petite
paroisse et le maire communiste du village, les spectateurs en masse se
bousculent pour voir Le petit monde de
don Camillo.
Quand en 2007 (tourné en
2005) le cinéma nous montre un archevêque provoquant dans une joute nautique un
ancien syndicaliste, devenu fou par la suite puis fou évadé, parce qu’il a
réussi à transformer les bénévoles en salariés, Pathé refuse de sortir en
salles Le bénévole, et Mocky va présenter
le film en personne dans les 167 salles ayant répondu à son dépliant.
« Les saisons du plaisir » (1988) est un film où tout le monde, les jeunes, les vieux, les hétérosexuels, les homosexuels, les zoophiles, ne pense qu’à baiser, ce qui le rapproche du documentaire plutôt que du film de fiction où l’on rencontre en général ce qu’on appelle des « sentiments plus élevés ».
Ceci permet au spectateur transporté d’entendre dire des horreurs pendant 1h22m par Bernadette Laffont, Jean Poiret, Eva Darlan, Fanny Cottençon, Richard Bohringer, Sylvie Joly, Stéphane Audran, Bernard Menez, Judith Godrèche, Darry Cowl, Jean-Pierre Bacri, Jacqueline Maillan, Jean-Luc Bideau et Sophie Moyse puisqu’on est chez Mocky.
Dans un supplément qu’on trouve sur le DVD, Mocky explique qu’à cette époque il en avait marre que les femmes qu’il avait finissent toujours par partir avec les enfants qu’ils faisaient ensemble. Du coup, il cherchait à adopter, mais c’était trop compliqué. On comprend alors que c’est par frustration avec la vraie vie, qu’il a décidé de faire ce film, une course poursuite échevelée « à la Benny Hill », avec blagues foireuses, folle évadée de l’asile, flic qui prend feu, tout ça sur une musique de cirque, où Aurélien, le personnage que joue Mocky, ancien pilote de course à la fière devise « Un conducteur qui freine est un lâche ! », et la petite Sarah, une orpheline fugueuse parce que la SPA veut confisquer son chien Toto, interdit par le règlement de son institution pour enfants « de parents non-vivants » comme il est écrit au-dessus de la grille, tentent d’échapper à leurs méchants poursuivants.
Le critique du Monde a été déçu. Il écrivait : « Qu’arrive-t-il à Mocky ? Il tourne trop, ne soigne plus rien, radote. » Mocky lui-même a aussi été déçu, parce que ses fans ne sont pas venus : « Ils étaient habitués à du violent, du sexuel », il n’y a eu que les enfants, « si bien qu’on n’a plus passé le film qu’en matinée ». C’est difficile en effet de faire plaisir à tout le monde. En tout cas, la petite Sarah (Laura Martel) et le chien Toto, se sont eux bien amusés !
Bonjour, nous sommes le vendredi 9 août
2019 et aujourd’hui, ma petite vidéo s’intitulera « Paul Jorion est un
homme raisonnable (il n’est pas fou) ».
Qu’est-ce qui m’a fait penser à vous faire un petit exposé de ce type-là ? C’est un ensemble de choses. J’ai en particulier réfléchi hier. Il s’est fait que j’ai appris la mort, comme nous tous, de Jean-Pierre Mocky quelques minutes avant de devoir sortir. Et donc, j’ai mis deux lignes, je suis revenu un peu plus tard et j’ai complété avec les idées qui m’étaient venues par la suite. Et, Jean-Pierre Mocky, vous le savez, c’est quelqu’un qui a fait de l’excellent cinéma. On a dit souvent à propos de ses films que c’était fait par un fou et, à ce moment-là, tout le monde pouvait dire : « Non, regardez, c’est Jean-Pierre Mocky. Regardez ce qu’il a déjà fait. Ce n’est pas un fou ! C’est quelqu’un de très raisonnable mais qui choisit, à certains moments, de parler de certaines choses de telle et telle manière ». Parce que, vous le savez, il y a toujours un message. C’est un message toujours d’une grande humanité. Il emploie tous les moyens qui sont à la disposition des gens qui n’ont pas beaucoup de pouvoir, c’est-à-dire la dérision, l’ironie, se moquer des imbéciles comme ce monsieur, vous avez dû le voir, qui est devenu viral. C’est-à-dire qu’il y a 2 cinglés de partisans de Trump dans une réunion et ce monsieur habillé en vert ne peut pas s’empêcher d’éclater d’un fou-rire qu’il n’arrive pas à arrêter. On voit bien que c’est de bon cœur. Il se dit : « J’ai affaire à des cinglés », mais là, de vrais cinglés. Il suffit de les voir avec leur casquette « Make America Great Again ». Manifestement, des suprémacistes blancs qui n’osent pas s’appeler de cette manière-là, en particulier.
C’est une leçon de choses, en noir et blanc, avec de très beaux éclairages, sur par exemple quatre visages dans un ascenseur.
C’est l’histoire d’un couple, où il découvre lui au bout d’un an, ou de trois (ça dépend à quel moment on est du film), que ce n’est plus la même chose. Elle découvre elle, plus tard que, comme elle le dit alors : « Il y a toujours quelque chose d’autre, chez quelqu’un d’autre ».
C’est effectivement comme ça la vie.
Et comme on est chez Mocky, il y a bien d’autres choses encore. Comme deux garnements effrontés qui sont comme Zazie dans le métro, pour nous rappeler que les dialogues sont de Raymond Queneau. Comme Francis Blanche dans un rôle à la Francis Blanche. Comme des hommes qui pensent à Marilyn Monroe en faisant l’amour avec leur femme, et des femmes qui pensent à Marlon Brando en faisant l’amour avec leur mari. Comme la gaudriole toujours en arrière-plan. Comme des amants qui se déshabillent l’un l’autre comme on le fait chez soi mais pas au cinéma. Comme ce monsieur au béret alpin qui se couche par-dessus sa femme tous les soirs après avoir nettoyé la laitue et l’avoir pendue dans son panier au volet, dont le chien dort dans une cage à canari, et qui lui dit : « Blouson noir ! » quand il lève la patte sur un mur dans la cage d’escalier.
Jean-Pierre Mocky, qui nous a bien fait rire – mais d’un rire tout particulier : celui du cancre, de l’insolent, du rebelle-à-tout faire.
Il tournait tout ce qui lui passait par la tête, dans un style puis dans un autre, ça plaisait ou pas au public, il s’en foutait, trouvant son inspiration dans sa foi en lui-même et dans rien d’autre, confiant au monde le soin de s’adapter comme il le pouvait au cinéma sous sa forme à la fois brute et purifiée telle qu’elle bouillait en lui et telle qu’elle émanait de lui.
Adieu. Ou à plus tard (j’aimerais bien !).
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