Le bénévole (2007) de Jean-Pierre Mocky

Quand en 1952 le cinéma nous fait voir la lutte d’influence drolatique entre le curé d’une petite paroisse et le maire communiste du village, les spectateurs en masse se bousculent pour voir Le petit monde de don Camillo.

Quand en 2007 (tourné en 2005) le cinéma nous montre un archevêque provoquant dans une joute nautique un ancien syndicaliste, devenu fou par la suite puis fou évadé, parce qu’il a réussi à transformer les bénévoles en salariés, Pathé refuse de sortir en salles Le bénévole, et Mocky va présenter le film en personne dans les 167 salles ayant répondu à son dépliant.

Que s’est-il passé entre-temps ? La réponse est que si en 1952 chacun sait dans son quotidien ce qu’est un curé et un maire communiste, en 2005, seuls les gens de plus de 60 ans savent encore ce que sont un archevêque et un syndicaliste et, l’antipsychiatrie ayant exercé ses ravages, le personnage du fou échappé a cessé de faire rire.

Mocky a expliqué qu’il s’agissait, comme toujours chez lui, d’une indignation devenue film. En l’occurrence, le spectacle des bénévoles nettoyant dans des conditions insalubres les plages après le naufrage du pétrolier Erika en 1999, et d’avoir appris de la jeune fille qui le reconduisait à son hôtel lors d’un festival, qu’elle était bénévole, ne touchait rien pour le service qu’elle rendait à 2 heures du matin. Deux dimensions donc, les deux facettes de « Toute peine mérite salaire ! », toutes deux traitées dans le film : l’exploitation des bénévoles et la spoliation des chômeurs qui pourraient faire le boulot à la place du ou de la bénévole.

Le thème méritait donc certainement un film, et les acteurs n’ont en rien démérité : un Michel Serrault passablement diminué mais jetant ses derniers feux avec le génie qu’on lui a connu et une très craquante Samantha Benoit (qui mériterait certainement une notice Wikipédia, avis aux… bénévoles !). Ce qui accrochait, c’était le traitement : en 2007, un film sur les ambiguïtés et la misère du bénévolat, ça se passe à Seraing, les frères Dardenne sont à la plume et derrière la caméra, et c’est une tragédie christique au lieu d’une farce bouffonne. Autres temps, autres mœurs, mon néanmoins admirable très cher Jean-Pierre Mocky. 

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