De premières offres gouvernementales d’accueil de réfugiés succèdent au long silence qu’Angela Merkel avait rompu de sa seule autorité en dérogeant aux accords de Schengen pour les accueillir. Les dirigeants européens les calquent sur la proposition de la Commission qui sera officialisée mercredi, mais qui devra être ensuite formellement adoptée. L’asile devrait être accordé à 160.000 d’entre eux au total, à condition que la répartition proposée soit entérinée, ainsi qu’une clause financière dérogatoire destinée aux récalcitrants qui semble être toujours d’actualité. Si plus se présentent dans le cours de deux années qu’elle entend couvrir, comme très vraisemblable, il faudra revoir la copie. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) fournit en effet un décompte très précis de 366.402 personnes déjà arrivées par la Méditerranée depuis le début de l’année, 2.800 autres étant mortes ou portées disparues.
Il y avait Calais, il y a désormais Budapest, en attendant d’autres points de fixation. Mais il va falloir se rendre à l’évidence : s’il est toujours possible de bloquer ponctuellement les réfugiés, on ne peut arrêter un exode en marche. Antonio Guterres, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR), a d’ailleurs appelé à répartir 200.000 demandeurs d’asile, dépassant déjà les objectifs de répartition des réfugiés sur lesquels un accord européen ne s’est pas encore fait. En attendant, une course poursuite est engagée avec la construction du mur à la frontière hongroise : hier, 5.600 réfugiés sont entrés en Macédoine venant de Grèce, d’après le HCR. Et les sauvetages se poursuivent toujours en Méditerranée. Les flux ne tarissent pas.
La police tchèque inscrivant au marqueur le numéro de la pièce d’identité des réfugiés sur leurs mains, et les autorités hongroises les trompant pour les faire monter dans des trains les menant dans des camps afin qu’ils quittent Budapest, l’ignominie aux résonances douteuses aura atteint des sommets, pour ne parler que des vivants. Les réfugiés sont des êtres humains rappellent sur des pancartes les volontaires qui se portent à leur secours, comme si cela n’allait pas de soi. Eux continuent à être laissés à eux-mêmes quand ce n’est pas aux passeurs, et traités par les autorités comme des illégaux alors qu’il devrait leur être accordé d’office des visas afin qu’ils ne tombent pas sous la coupe de ces derniers.
Les êtres humains ont besoin d’être protégés contre la réalité choquante qui les entoure. Je ne parle pas bien sûr d’ouragans, de volcans ou de tremblements de terre cataclysmiques : nous avons le coeur suffisamment bien accroché pour leur faire tête, il s’agit plutôt des atrocités que nous nous infligeons à nous-mêmes et qui elles nous font nous voiler la face.
Tout fout le camp ! la zone euro était hier menacée d’éclatement, aujourd’hui c’est l’espace Schengen qui est en passe de ne pas résister. L’Europe, décidément, ne se porte pas bien du tout. A qui la faute ? Dans les hautes sphères, la perte de repères et de sang-froid est manifeste.
L’Europe est ainsi l’objet d’un nouveau flux migratoire. Ce qui n’est pour qui s’est penché sur son histoire ni nouveau, ni révolutionnaire.
L’ampleur est pour l’instant réduite, mais ce qui frappe c’est que ces réfugiés (qui ne sont pas des migrants) prennent tous les risques pour échapper à un pays devenu un enfer.
Les apôtres de la bonne gouvernance de l’Europe ont déjà exercé leurs talents sur le dos de la Grèce, et l’on a perdu le décompte des réunions de l’Eurogroupe ou des sommets de chefs d’État et de gouvernement qui se sont succédés dans l’improvisation afin de boucler in extremis un troisième plan qui, comme les précédents, ne résoudra rien.
RÉFUGIÉS – Leur nombre est la jauge infaillible de nos défaillances de gouvernance. On notera que les refuges les moins accueillants sont souvent ceux offerts par les états les plus défaillants. Un état défaillant est un état qui, directement ou indirectement, crée sur son sol ou dans un autre pays les conditions d’une émigration forcée et qui, en tant que point de départ, lieu de transit ou point d’arrivée de celle-ci, bafoue les droits imprescriptibles qu’il a reconnus à tout homme en signant la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). En juin 2013, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estimait à 45,2 millions le nombre de personnes « déracinées »[1], un Everest jamais atteint depuis 1994 et dont l’ombre commence à toucher les derniers eldorados du je-m’en-foutisme. Existe-t-il un point de comparaison dans le passé ? Non.
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