Hier, dans la troisième livraison de mon compte-rendu de l’événement « 20 ans de marché unique », j’avais mentionné les noms de deux personnes dont les propos détonaient par rapport à la componction commune aux autres interventions, et faisaient déraper du coup la belle logique de l’autosatisfaction : Bianca Schulz, directrice du Centre Européen des Consommateurs, et Veronica Nillson, secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats. J’ai voulu les voir chacune et les entendre en-dehors du cadre de l’événement pour leur poser la question : qu’arrivez-vous en fait à obtenir ?
Je ne vous rapporterai pas leurs paroles individuelles, mais l’image globale qui se dégage de leurs propos.
Je ne surprendrai pas les lecteurs du blog en leur disant que les rapports de ces organisations avec la Communauté européenne se situe manifestement à l’intérieur d’un vaste rapport de force, et que celui-ci n’est, pour commencer, pas spécialement favorable aux institutions qu’elles représentent l’une et l’autre, vus les moyens financiers dont disposent les interlocuteurs qu’elles ont en face d’elles.
Intervient ensuite la pesanteur de l’Union Européenne en tant que telle : 27 nations avec pratiquement autant de langues différentes, plus 27 susceptibilités nationales, auxquelles s’ajoutent encore des susceptibilités régionales à l’intérieur-même de ces nations (je vous écris de la Belgique où a eu lieu avant-hier un scrutin communal haut en couleurs de ce point de vue là). Du coup, ces textes proposés au vote se voient affaiblis dans un premier temps par une cacophonie de considérations clochemerlesques, le manque de souffle soulignant l’absence d’un véritable projet européen en provenance des peuples.
Ces textes sont encore affaiblis davantage dans un second temps par une complication surajoutée, censée refléter la complexité technique des problèmes à résoudre. Quelques questions précises de ma part portant sur les mesures proposées en ce moment en vue d’une unification bancaire m’ont rapidement convaincu cependant que dans ce cas précis en tout cas, la prétendue complication est à usage stratégique et vise à décourager les interlocuteurs « citoyens » pour qui le rapport de force est a priori déjà défavorable.
J’ai quitté chacune de ces deux jeunes femmes de bonne volonté en l’assurant du soutien du Blog de Paul Jorion et je l’ai encouragée à se tourner vers nous si nécessaire. Proposition bien reçue car, me suis-je entendu dire, c’est la même petite clique que l’on retrouve dans la quasi-totalité des think tanks prétendument rivaux.
Au moment de se quitter j’ai perçu dans chacun de ces deux regards la même interrogation : « Est-il complètement fou pour manifester un tel enthousiasme par les temps qui courent ? » Si celui-ci devait s’avérer contagieux, ce serait déjà un premier pas en avant.