LE TEMPS QU’IL FAIT LE 22 MAI 2015 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 22 mai. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le vendredi 22 mai 2015, et ces jours derniers, j’ai été sur la route, comme ça m’arrive assez souvent ces jours-ci, enfin ces années récentes. Et avant-hier, j’ai participé à un débat avec deux économistes belges : Bruno Colmant, que vous connaissez déjà, avec qui j’ai écrit un livre qui s’appelle : « Penser l’économie autrement », et avec Étienne de Callataÿ, qui est l’économiste en chef de la banque Degroof. Et c’était la banque Degroof qui organisait ce débat, et nous parlions devant des investisseurs, des clients de cette banque d’affaires belge. Alors, je précise tout de suite à l’intention de ceux qui me posent toujours rapidement la question : « Est-ce que vous étiez payé pour le faire ? » Non, je n’étais pas payé pour le faire. Les soucis de ces gens-là, qui me posent la question, ce n’est pas qu’on oublierait de me payer, mais qu’au contraire ils s’inquiètent beaucoup du fait qu’on pourrait me payer dans un cadre comme celui-là. En général, ce sont des gens qui, eux, n’ont pas de soucis du même ordre : quand on les paye, ils ne sont pas aussi, comment dire, sourcilleux. J’ai été « payé » : j’ai reçu – comme on fait dans ces cas-là – une bouteille, et je peux vous dire que cette bouteille a été partagée hier soir avec des amis du blog de Paul Jorion de la bonne ville de Liège.

Et pourquoi parler de cet événement ? Parce qu’il y a quand même une chose qui me frappe, et j’en ai discuté hier avec les amis du blog de Paul Jorion à Liège. C’est le fait que je suis toujours très bien reçu dans un cadre comme celui-là. J’ai affaire à un public enthousiaste, des gens qui sont contents qu’on leur explique comment les choses fonctionnent, avec qui j’ai des heures de discussions par la suite. Qu’il s’agisse d’une dame qui se reconnaîtra sans doute, qui a été une infirmière de personnes en fin de vie et qui m’a expliqué que le système de valeurs que je représente, eh bien, c’est quelque chose qu’elle partage, et ça, bien entendu, ça m’a fait très plaisir. Ou de jeunes entrepreneurs, des gens qui ont fait de l’informatique, qui continuent d’en faire, mais qui voudraient aussi que l’argent soit utilisé autrement que ce qu’on leur propose d’habitude. Voilà, des discussions très intéressantes sur l’avenir de gens qui aiment bien qu’on secoue leur système de croyances, qu’on leur propose autre chose, qu’on leur propose un peu de lucidité.

Et dans la discussion qu’on avait hier soir, je faisais le contraste, je faisais la différence entre la manière dont je suis reçu dans des banques, et la manière dont je suis reçu, par exemple dans des syndicats. Et là, quand j’ai eu l’occasion de le faire – et l’occasion ne s’est pas souvent présentée (en fait, les [syndicalistes] sont des gens qui m’invitent très très peu) – mais quand j’ai l’occasion de le faire, eh bien, là, la réception est très froide, j’ai affaire à des gens relativement hostiles.

Et, évidemment, la question se pose à moi : pourquoi des gens que je considèrerais a priori plutôt comme des adversaires politiques me reçoivent à bras ouverts, et pourquoi des gens que je considèrerais comme des alliés naturels, je dirais, dans un projet politique, pourquoi ceux-là m’accueillent extrêmement froidement, si pas de manière hostile ? Et je crois que justement, la raison n’est pas sur le plan politique – parce que sur le plan politique, les choses se passeraient autrement – mais j’ai l’impression – et ma réflexion à ce sujet ne fait que commencer – que ce qui est en question, c’est le système de croyances, et qu’il y a, d’un côté, des gens qui sont prêts à remettre en question leur système de croyances, et de l’autre côté, des gens qui ne sont pas prêts à le faire. Et c’est-à-dire que, si on parle, je dirais, en termes de conservatisme, que finalement, c’est dans les syndicats que j’ai affaire aux gens les plus conservateurs, les gens les moins disposés à remettre en question les choses qu’ils pensent déjà savoir, et que, je dirais plutôt, qu’ils croient. Alors que, parmi ces gens, comment dire, dont l’intérêt principal ou dont une préoccupation principale est l’argent, eh bien, ces gens-là, au contraire, sont prêts à remettre en question la manière dont ils voient le monde. Sur le plan de convaincre, évidemment, c’est bien. C’est bien pour moi que je puisse convaincre des gens qui ne sont pas convaincus d’avance de ce que je vais leur dire.

Et hier après-midi, ce que nous avons fait, c’est enregistrer une émission, qui s’appelle : « Noms de dieux », qui est une émission de la RTBF, la télévision belge, et dont le thème est, je dirais, un petit peu : « ce que je crois ». Ce que je crois : expliquer ce qu’on pense. Et on demande à des personnes dont on imagine qu’elles ont une certaine autorité morale pour s’exprimer. Et le projet me paraît un projet intéressant. On vous donne 55 minutes, donc ce n’est pas négligeable, on peut parler de ce qu’on veut.

Mais ce qui me donne un tout petit peu de, comment dire, de souci, c’est la forme extrêmement solennelle dans laquelle ça a lieu. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup, je dirais, de temps de pauses, il y a beaucoup de jeux de lumières qui sont là pour souligner une certaine solennité, pour dire : « Attention, la personne qui est interrogée là est une personne dont les propos sont extrêmement importants ». Et là, bon, bien que j’ai la possibilité, là – et je l’ai fait ! – de dire exactement ce que je pense, j’ai le sentiment que justement, toute cette mise en scène déforme, d’une certaine manière. Elle donne une importance excessive aux propos qui sont tenus là, parce qu’après tout, eh bien, je suis une personne comme les autres : je pense telle et telle chose, je me bats bien entendu, dans la vie, pour défendre mes opinions à moi, mais je ne suis pas sûr que me mettre comme cela avec certaines auréoles de lumière ne déforme pas mes propos. Alors, bien entendu, quand on est invité dans une émission, elle a son format, et il faut l’accepter. Il faut savoir que si le format ne plaît pas entièrement, eh bien, c’est par les propos qu’il faut essayer, je dirais, de remettre ce cadre en question.

Alors voilà. Je regarderai comment ça s’est passé, on me montrera, et tout le monde pourra regarder la manière dont ça se passe. Ma réserve, c’est justement une solennité qui, à mon sens, déforme légèrement le sens de ce qui est dit.

Voilà une réflexion pour la semaine qui s’écoule. À la semaine prochaine.

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