Au Conseil européen qui vient : LA GRANDE AFFAIRE QUI VA NOUS ÊTRE VENDUE, par François Leclerc

C’EST TERMINÉ !

Billet invité. En débat ici aujourd’hui mercredi 18 décembre, de 11 à 14 heures

La situation des pays ayant bénéficié de soutiens financiers conditionnels à divers titres n’étant pas spécialement exemplaire et réjouissante, les dirigeants européens ne vont pas s’appesantir à ce propos et passer directement au chapitre suivant. En ces temps de préparation des élections européennes et afin de dégager leur vision de l’Europe (soulignant que leur regard porte loin), ils travaillent à un nouvel accord portant sur des « engagements contractuels », présentés comme la réalisation d’une nouvelle étape de son intégration. Le gouvernement de coalition allemand constitué, le prochain Conseil européen de ce week-end en sera la rampe de lancement, bouclant un raisonnement qui était en suspens : si l’insuffisance de cette intégration a été la cause de tous nos malheurs, la renforcer est la solution toute trouvée. Mais pas n’importe comment…

Le levier choisi repose sur un super plan de sauvetage de la zone euro, dont les modalités seront négociées pays par pays. Rien ou presque ne leur échappant, ces contrats bilatéraux avec la Commission couvriront pratiquement tout le champ de la politique économique, depuis l’organisation du marché du travail jusqu’aux performances du secteur public, de la recherche et l’innovation ainsi que de l’éducation… Sans qu’il soit question de créer un gouvernement économique européen, comme le gouvernement français l’a longtemps proposé.

A l’instigation de celui-ci et des gouvernements du sud de l’Europe, les débats préparatoires portent sur les contreparties financières que de tels contrats pourraient comporter, présentés comme des « mécanismes de solidarité » pour donner au dispositif une connotation positive. De nombreuses options sont explorées – prêts, subventions, garanties – mais selon les rumeurs véhiculées par la presse, le flou serait loin d’être dissipé. On retombe toujours sur les mêmes obstacles, dès qu’il s’agit de financement.

Cette nouvelle construction sera-t-elle aussi performante que l’ersatz d’union bancaire qui très péniblement se profile ? Mario Draghi, le président de la BCE, a dit tout le mal qu’il pensait de cette dernière devant le Parlement européen, convaincu qu’il ne va plus rester à l’Institut de Francfort que de continuer de tenir à bout de bras le système bancaire. Une étude de l’Autorité bancaire européenne (EBA) portant sur 64 banques vient de montrer que si celles-ci ont renforcé leurs fonds propres dans la dernière période, elles se sont en priorité chargées à cet effet d’obligations souveraines de leur pays. Ce qui accentue leur fragilité, les rendant vulnérables à une hausse des taux et la baisse de la valeur des titres en résultant, tandis que le gouvernement espagnol accélère ses émissions obligataires pour profiter d’une fenêtre de tir qui risque de se refermer.

C’est en ayant cette perspective en tête que Mario Draghi a ouvert une autre fenêtre devant le même comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. A propos de la sortie du Portugal de son plan de sauvetage en juin prochain – un retour sur le marché n’étant pas tenable étant donné les taux longs pratiqués – il a évoqué la possibilité d’un dispositif d’accompagnement. Celui-ci pourrait ne pas se limiter à l’obtention d’une ligne de crédit de précaution, mais être également l’occasion d’enclencher le programme OMT d’achats de titres de la dette sur le second marché. La BCE prendrait ainsi le relais des banques portugaises qui croulent sous celle-ci. Tout se tient.

Un autre sujet d’inquiétude n’a pas encore donné lieu à commentaire : le remboursement anticipé de prêts du programme LTRO de la BCE par les banques qui en ont les moyens se poursuivent, dans le but de présenter un bilan plus avenant lors de l’examen de passage qui se prépare. Mais cela n’est pas sans conséquences sur le marché interbancaire, où le taux EONIA monte en raison du rétrécissement des liquidités qui en résulte. Un phénomène qui n’est pas non plus sans rapport avec la crainte que la Fed ne finisse par diminuer ses achats de titres – avec le même effet – ne serait-ce qu’à titre symbolique dans un premier temps. Cette hausse de l’EONIA ne fait pas l’affaire des banques qui se refinancent sur le marché et pourrait être une justification supplémentaire au lancement d’un nouveau programme LTRO dont les modalités sont toujours à l’étude. Tout se tient toujours.

Comme ils viennent d’y être incités par Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, les chefs d’État et de gouvernement vont prendre leur part en adoptant le principe d’« engagements contractuels », dont le mécanisme effectif est l’enjeu du prochain Conseil, au-delà des effets d’affichage. Mais, en réalité, l’essentiel va continuer à dépendre de la BCE : la pause actuelle repose sur le fait que celle-ci va continuer à contenir les taux obligataires et à financer les banques qui n’ont pas accès au marché. Et plus le moment s’en approche, moins elle dispose de marge de manœuvre pour réaliser l’examen des bilans bancaires. Tout est lié.

La prochaine échéance électorale européenne va voir s’opposer ceux qui n’ont pour viatique que l’Europe dont les contours se dessinent de plus en plus clairement à ceux pour qui elle est désormais associée à la rigueur budgétaire et salariale, à la précarité instaurée en principe et à la diminution de la couverture sociale publique : c’est la même ! Des analystes financiers s’interrogent parallèlement sur un autre terrain : certains continuent de craindre la japonisation rampante de l’Europe, d’autres ont des réminiscences latino-américaines et se rappellent les Brady bonds des années 80 : les créanciers de nombreux pays de la région s’étaient vu proposer des emprunts à 30 ans garantis par les États-Unis, à condition d’abandonner 50% de leurs créances. Mais tailler ainsi dans le vif est-il aujourd’hui dans les moyens des banques européennes et demain de l’Eurosystème dont les garants sont les États ?

Devant de telles contraintes, l’opportunité d’une autre construction européenne va-t-elle parvenir à se frayer un chemin ou son rejet sous toutes ses facettes va-t-il dominer tout en restant minoritaire ?

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34 réflexions au sujet de « Au Conseil européen qui vient : LA GRANDE AFFAIRE QUI VA NOUS ÊTRE VENDUE, par François Leclerc »

  1. Nouvelles du matin : La grande affaire des « engagements contractuels » n’en est qu’à ses prolégomènes. Selon la Frankfurter Allgemeine, les discussions vont devoir se poursuivre, aussi bien à propos de l’identification de ceux-ci pays par pays, que des contreparties financières (pour que ces mécanismes puissent être qualifiés de « solidarité »). Un corps de réformes structurelles bien connues inspire néanmoins le projet. L’objectif serait désormais de conclure en juin 2014. Devant les députés allemands, Angela Merkel prévoit également qu’une évolution des traités européens sera indispensable si l’on veut faire progresser l’intégration. Le cadre est tracé dans lequel les dirigeants européens vont évoluer et tenter de négocier au mieux, ouvrant la porte à l’affirmation d’un autre cadre européen.

  2. Les fonds de réserve à constituer sont beaucoup trop lourds : une seule approche possible, réduire considérablement les risques à couvrir, or ce ne sont pas les particuliers et les entreprises qui constituent un gros risque mais les opérations spéculatives : retour à la loi qui interdisait la spéculation, abrogée en 1885 par Jules Ferry – la même année tiens, tiens ! – que son lancement en grande fanfare de la colonisation par la France.

    • Pour sûr, diviser le risque par quatre ou cinq plutôt qu’augmenter la prime d’assurance (i.e assurance de pacotille de ratios de solvabilité voués à l’impuissance) ou que militer pour une illusoire isolation du risque (i.e préservation cumulée et de la bonne conscience et du patrimoine du « BPF » – Bon Père de Famille – par effet supranaturel de la « DSB » – Divine Séparation Bancaire…).
      Mais faudra le répéter encore et encore (ad lib…) avant que ça n’entre (trop tard ?) dans des cerveaux aussi obstrués, quoique bien disposés, que ceux rassemblés derrière des entités politiques engagées dans une quête soi-disant missionnaire et post-rooseveltienne de propositions « radicales, européennes et de gauche » (Nouvelle Donne évidemment) ou seulement dans les discours ou le programme de son triumvirat médiatique aux initiales pourtant chatoyantes et pour ainsi dire miraculeuses (i.e « L’AGAPE » de LArrouturou/GAccio/PElloux)…
      ND de L’AGAPE, Notre Dame de L’AGAPE, nous la joue petit bras.

  3. Comme les pays de la zone ont laissé un passif s’accumuler, la méfiance entre eux n’a pas arrêté de croître, et maintenant quand ils montent quelque chose, c’est une usine à gaz justifiée par un million de méfiances réciproques.

  4. Bonjour,
    à quand surtout le retour à un peu plus de démocratie? Tous ces plans sur la comète, qui pour l’instant ont échoué, n’ont été validé par aucun peuple…

  5. Hans-Werner Sinn, le respecté président de l’IFO (Institut d’études économiques allemand), préconise la tenue d’une conférence européenne sur la dette ! Mais il n’a aucune chance d’être entendu…

  6. En plus, bien sûr, ils planifient la constitution de leurs fonds de réserve sur dix ans, et se perdent alors dans les détails sur ce qu’il faudrait faire si les fonds à puiser dépassaient les sommes réunies à titre provisoire.

  7. Les créances douteuses continuent de grimper dans les bilans des banques espagnoles et atteignent 13% des crédits, ce qui représente 190 milliards d’euros. Les promoteurs immobiliers sont de loin les pires créanciers. La création d’une bad bank, la Sareb, avait permis de baisser ce taux mais il est depuis reparti irrésistiblement à la hausse. La dette ne passe pas !

  8. Et comme toutes les mesures prises sont assorties de politique de rigueur, c’est le cercle vicieux qui perdure…
    Ils finiront bien à moyen terme par bidouiller les traités pour transformer la BCE en Fed ou en BOJ malgré les réticences de l’Allemagne…

    • Mais oui, c’est ça, petit à petit ils vont recréer une Fed. Mais pas de Fed sans une zone euro… fédérale !

      • Dans le projet d’union bancaire, c’est ce qui manque ! La BCE n’est pas sensé intervenir et le montage financier prévu manque totalement de réalisme, reposant sur les cotisations des banques et les États en dernier ressort. Cela ne tient pas debout.

  9. Et quid su M.E.S? J’avais crû comprendre que cette entité avait emprunté sur les marchés financiers il y a quelques temps…

    • Le MES vit sa vie et il n’est pas question qu’il puisse recapitaliser directement les banques, ce qui revient à charger la barque des États pour les renflouer, en contradiction avec les objectifs de réduction du déficit (sauf si l’on ne prend pas pas en compte les dépenses de cette nature !)

  10. De manière générale, on pourrait baisser les niveaux de réserve pour les banques si on résolvait certains des problèmes créateurs de risque. Mais cela impliquerait quelques (gaspation !)… interdictions ! Et là on enfreindrait le sacro-saint principe de la « complétude des marchés ». Mais comme Adair Turner le souligne : la complétude des marchés peut atteindre des rendements décroissants.

    • C’est on ne peut plus vrai, mais devrait néanmoins s’accompagner d’une diminution du volume global de la dette dont la fonction est de suppléer à la répartition inégale de la richesse, jusqu’au moment où son édifice craque…

  11. Et ès que cela cassera dans une banque quelque part, ils appliqueront la solution chypriote! tout cela est bien foutu…
    Ils sont loin d’être stupides, juste aveuglés par une idéologie.

      • Oui c’est même limpide: se sera le fédéralisme à marche forcée et le servage des populations… LTRO, OMT, on roule la dette, on sauve les banques et malgré cela: pas de croissance!
        Ils n’arrivent même plus à la créer de manière artificielle… Sans croissance, pas de salut: voila leur message!
        Désolé les gars, ont a tout essayé, cela ne marche pas mais il faut continuer dans le même sens, ça finira bien par revenir!

  12. Bref, tout ça devient de plus en plus incompréhensible (en tout cas pour moi !)…Y’a t-il encore un pilote sur le radeau de l’Euroméduse !?

  13. La rémunération du travail reste la seule valeur d’ajustement : contemplant un paysage espagnol dominé par 26% de taux de chômage, l’OCDE appelle à poursuivre la modération salariale et à réduire à nouveau les indemnités de licenciement pour « renforcer son marché du travail ».

  14. Il y a fort à parier que devant tant d’irrévérence envers la volonté des populations, le « parti » qui sortira vainqueur lors des prochaines élections européennes soit celui des abstentionnistes… Mais cela ne changera rien. Ils continueront à mener la même politique mortifère sans en tenir compte…
    Si tous les abstentionnistes pouvaient se donner la main… 😉

  15. Avant la fermeture imminente de cette session parlementaire où les députés du Jorion’s blog auront fait preuve, une fois n’est pas coutume, d’un fort absentéisme 😉 , je voudrais remercier, cela ne mange pas de pain, Paul, François et tous les auteurs de billets. Bravo pour votre travail.
    Bon courage à toutes et à tous.

  16. Bonjour François,

    Tout d’abord un grand coup de chapiot pour cette exploration au long-court bouillon du Styx des sous, terrains liquides de l’emprise des « systèmes » financiers sur les « autres », nous-même et nous-mène Kons-fondus.

    Passeurs « schizophrènes » de bulles savonnant la pente raide des ardeurs chiffrées de pouvoirs déroutant plus que des trains de couleuvres, dont Sigmund commença par chercher l’emplacement génital – intuition doctorante géniale ? – pour serpenter sur les chemins ardus de ce qui se nomme usuellement la raie-hussite, faire école et fonder son marché en termes autrement formulés de l’intérêt plus ou moins re-perçus comme communs (aux chi..l’arbitre hein ?).

    Alors cette obole, de philia tissant son contrepoint aux déchirements de trames, solitonesques en-cours des faillants aux morts comme aux vivants, sans logique car de fondement axiomatique, telle les nécessités d’état, divers tant au commun qu’à l’un personnel, nécessité faisant loi, foi, parfois changeant de genre quand déclinés aux imparfaits du pluriel (des foies prométhéennes ?), tel amour en française langue ou grandes orgues de tuyauterie, vestigiaux rites totémiques jamais délaissés par toutes les formes d’association imaginées, jusques aux rêves bizarres de l’étrange des grandes plumes, nous serions de bien drôles d’oiseaux, comme à l’autruchienne paradoxalement dressés.

    D’estrades en parlement, les sourcils s’arquent de cravates comme de buses pour rappeler le florilège des espèces volatiles, les imberbes eux-mêmes frappés de par dantesques hypernoeuds borromégordiens, où les raisons fusionnent, où se forgent les dogmes, outil, matière et vivant s’entre-possédant dans toutes ces non verbales biochimies de synthèse.

    Gare au gorille chantait le Georges, rappelant en douceur l’aime-effet, des bonnes intentions les mieux tranchées, abolissant pour un temps, autant que le schreiber servant, le couperet des définitions finales, auprès du prince du moment d’alors.

    François, de sous le chapeau d’une folie, cervantés ambidextrement mouline à l’atlas comme à l’axis ces deux cervicales premières, qui sous maintes et normes pressions bloqueraient leur propre derrière.

    Merci Françoué, pour ce manteau de plume, ni romain ni d’assises coupé, découvre l’oeil froid des brûlantes qu’on bine, à l’ornière des charniers comme à l’or des combines, gracieusement permomifiées en la matière chiffrable appelée statistique, avec ses peintres sidérants et ses écoles de chat-pîtres poly-tiques.

    De catharsis en kata-lyse généralisées, ni oeuf ni poule n’omettraient de craindre les jolis pas-niés, mais ça c’était avant, les algogos et leur rythme insolent, niant à l’espèce le droit de leur temps (un chat, une noeudvaine de vite alors), les havres lourds aux peaux , pierres closes, comme il y a peu les zhommes le firent au vivant animal et végétal confondus, des rocs évidences de longtemps déjà crocs n’ét-rions plus.

    Atchoum et rubhardes de serres veau, doré mis à poings et genoux griffonnants !?
    Salsita & salsifis si ça t’soufi pas, bouffidusciant ?

    http://www.youtube.com/watch?v=h_R3HE7Qsrw
    Lavilliers – La salsa

    Belle journée, l’françoué du soliton 🙂 , lâche pas le fer des bottes !

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