Billet invité.
LE PETIT THÉÂTRE VA RECOMMENCER
Cela fait déjà deux fois qu’une chronique consacrée à la crise monétaire est repoussée au prétexte de l’actualité. La première en raison de la situation irlandaise – ce qui semble a posteriori justifié, de nouveaux éléments montrant à quel point elle est inextricable dans le cadre européen qu’elle est censée respecter, qui est donc mis en cause – la seconde en raison d’une série de première annonces européennes à propos de la régulation financière, qu’il est difficile d’ignorer même si l’on en fait bien peu de cas.
En se demandant, cette fois-ci, si ce nouveau report est bien circonstancié. Car l’ascension irrésistible du yen japonais est en train, sous l’effet de la baisse du dollar américain et à la faveur des gigantesques mouvements quotidiens de capitaux du Forex – le marché mondial des devises – d’enfoncer le Japon dans sa crise déflationniste. Celui-ci n’ayant les moyens ni de s’y opposer, ni d’enrayer la progression de sa dette publique qu’il lui est intimé de stopper, qui seule lui permet de rester en surface. L’immobilisme n’est pas une solution mais il finit toujours par s’imposer, peu ou prou.
Jusqu’où et jusqu’à quand ? C’est la même question que l’on peut se poser vis à vis de la dette américaine.
Pourquoi abandonner provisoirement ce sujet, pour traiter de la régulation financière européenne ? Son destin semblant tout tracé : rejoindre peu glorieusement sur le banc de touche la réglementation américaine qui s’y trouve déjà, dont on sait à quel point elle laisse à la finance un jeu ouvert.
C’est l’effet de la dictature de l’actualité, cette grande oublieuse qui fait se succéder sans répit et sans laisser le temps de les analyser les grands phénomènes dont nous sommes les témoins. Qui mériteraient d’être mieux hiérarchisés.
Certes, on remarque aux Etats-Unis que certains régulateurs tentent, dans le cadre des prérogatives que la loi Dodd-Frank leur a accordée, de durcir ses dispositions. Pouvant faire espérer que tout n’est pas joué. Mais tout cela ressemble à des batailles d’arrière garde, comme vont l’être les tentatives européennes d’encadrer la spéculation sur les matières premières, ou bien de promouvoir une taxe sur les transactions financières, deux campagnes qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy entendent bien mener à grands renforts de flons flons.
Avec pour objet dérisoire – pour ne pas dire pathétique – de masquer derrière un frêle paravent l’essentiel de la politique qu’ils ont suivie depuis le début de la crise, et qui a spectaculairement échoué. C’est à dire préserver à tout prix le système financier, dans l’espoir insensé et naïf qu’il relancera l’économie et que tout repartira comme avant. On appelle cela une manoeuvre de diversion, une de plus, accréditant l’idée que contrairement à l’adage, gouverner ce n’est pas prévoir, c’est faire semblant d’agir. Diriger les regards vers l’accessoire pour préserver l’essentiel.
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