LES CONSÉQUENCES TRAGIQUES D’UNE HABITUDE INEPTE ?

J’étais donc à Dublin cet après-midi, à ces journées dont je vous avais parlé, organisées par l’Institut de la protection sociale européenne et dont le sujet s’annonçait passionnant : « La protection sociale face aux plans d’austérité ».

Je fus le premier appelé à parler et je parlai du capitalisme, de la concurrence, et de l’agressivité qui a si bien servi notre espèce à une époque, avant que nous n’ayons tout cassé de cette manière, et que le temps de la solidarité ne soit nécessairement venu.

Et puis la discussion se mit à s’animer. Un monsieur s’en est d’abord pris avec véhémence à la spéculation et à ses méfaits. Ce qui me donna l’occasion de vanter l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix. Comme il avait évoqué aussi le moyen de sauver par la simplification ce qui peut l’être de la notion d’une zone euro, j’expliquai mon plan d’une unification fiscale instantanée de la zone euro à l’occasion de son défaut simultané. Un autre intervenant se fit alors l’avocat du diable et posa la question : « Pourquoi nos dirigeants prendraient-ils des mesures dont l’implication serait un changement de la situation alors que la vie n’a jamais été aussi belle pour eux ? », chiffres à l’appui.

Bref, les esprits s’échauffaient. Sur quoi, l’un des organisateurs m’interpella de la salle : « Quel serait le bénéfice éventuel d’une chambre de compensation multilatérale internationale, telle celle prônée en son temps par Keynes, et que vous préconisez dans Le capitalisme à l’agonie ? »

L’excitation était à son comble, mais les aiguilles de l’horloge tournaient. Un monsieur monta alors à la tribune pour présenter les conclusions des deux journées (j’avais perdu le bénéfice de la première pour cause de leçon inaugurale à Bruxelles).

Et là, consternation : ses conclusions, lues consciencieusement, avaient manifestement été rédigées avant même que le séminaire ne débute, et absolument rien ne transparaissait dans son résumé, du feu sacré qui avait transporté l’assemblée en fin de journée.

Je me suis alors pris à songer à ces G7, G8, G20, dont on nous communique toujours à titre confidentiel les conclusions sans imagination quelques jours avant que les réunions ne se tiennent, et dont la fin est signalée par la réédition solennelle du même texte.

Et s’il s’agissait en fait de la même chose : et si un vent révolutionnaire agitait en réalité ces réunions, tout comme celle d’aujourd’hui ? Et que ce soit cette habitude inepte des conclusions préalables, suivies de leur seconde édition-confirmation, qui nous avait fait croire à tort, tout au long de ces années, que ces G7, G8, G20 n’étaient rien d’autre que de vastes foutaises ?

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