Intelligence & Société N°6

DALL·E : « Ce champ n’est pas éternel. Si vous ne plantez pas ensemble, il ne restera qu’une plaine aride, où plus rien ne poussera, et vos querelles n’auront plus de sens. »

La newsletter complète sera communiquée demain à celles et ceux d’entre vous ayant manifesté leur intérêt pour notre veille hebdomadaire sur l’actualité de l’IA. Il n’est pas trop tard bien entendu pour vous manifester en m’écrivant ici.

Intelligence & Société

Semaine du 23 décembre 2024 au 5 janvier 2025

Paul Jorion & Jueun Ahn

SYNTHÈSE

L’IA : un champ de bataille technologique et idéologique entre les États-Unis et la Chine

Cette semaine a été marquée par des avancées spectaculaires en intelligence artificielle (IA), des succès techniques impressionnants, mais aussi par l’intensification de la rivalité stratégique entre les États-Unis et la Chine. Ces évolutions posent des questions cruciales sur les implications sociétales, philosophiques, et géopolitiques d’une technologie qui redéfinit les dynamiques globales de pouvoir. L’actualité nous rappelle que l’intelligence artificielle, loin d’être un simple outil technologique, est un véritable reflet de nos ambitions, de nos dérives, et de nos dilemmes. L’IA n’a pas encore décollé de son statut de promesse tant les questions politiques, sociétales et philosophiques semblent reléguées à un rang subalterne par la course effrénée à l’innovation.

Progrès techniques : l’exemple d’OpenAI o3 et DeepSeek-V3

OpenAI a lancé le modèle o3 de son produit phare : ChatGPT. Une prouesse technologique marquée par des capacités avancées telles que la synthèse de programmes et le raisonnement complexe étape par étape (Chains of Thought). Cette avancée n’est cependant pas sans coût : la puissance de calcul nécessaire reste prohibitive, réservant ces innovations à une élite technologique et financière.

En parallèle, la Chine a dévoilé DeepSeek-V3, un modèle IA optimisé pour un coût moindre grâce à une architecture innovante. Avec des performances quasi identiques à celles des leaders occidentaux, DeepSeek-V3 est un message clair : la Chine n’a pas seulement rattrapé son retard, elle redéfinit les règles du jeu avec des modèles open-source qui démocratisent l’accès à l’IA.

Un document récent, fruit des recherches à l’Université de Fudan et du Shanghai AI Laboratory, nous révèle comment une dissection minutieuse du modèle o1 de ChatGPT a permis aux Chinois non seulement d’égaler mais également de surpasser sur certains axes l’IA ayant servi de modèle à DeepSeek-V3, une démarche qui rappelle celle des nations extrêmes-orientales à l’égard de produits technologiques occidentaux à différentes époques.

Rivalité États-Unis/Chine : une lutte pour la domination technologique

La compétition entre les deux superpuissances s’intensifie. Alors que les États-Unis investissent dans des technologies de pointe et dominent grâce à des géants comme OpenAI, la Chine consolide son leadership en déposant un nombre record de brevets en IA générative et en développant des infrastructures autonomes pour s’affranchir des dépendances occidentales.

La stratégie chinoise repose sur trois piliers :

  1. Indépendance technologique : En réponse aux sanctions occidentales, Pékin investit massivement dans la production locale de semi-conducteurs et l’optimisation de ses modèles IA.
  2. Réseau global : Par des partenariats avec des pays émergents, dont la Russie (BRICS), la Chine étend son influence, utilisant l’IA comme levier économique et politique.
  3. Appropriation des normes : À travers ses brevets et son leadership dans les standards IA, elle façonne un cadre global qui reflète ses intérêts.

Impacts sociétaux et philosophiques : la société face à l’automatisation

Le développement de ces modèles pose des questions existentielles. Aux États-Unis, des outils comme o3 promettent des avancées médicales ou éducatives, mais à quel prix ? La fracture numérique et l’impact écologique de ces technologies demeurent des préoccupations majeures. En Chine, des initiatives comme DeepSeek amplifient la surveillance étatique, soulevant des préoccupations éthiques sur la vie privée et la liberté individuelle.

L’IA devient un miroir des valeurs sociétales :

  • Occident : L’accent est mis sur la règlementation et la transparence pour limiter les abus.
  • Chine : L’IA est instrumentalisée pour renforcer le contrôle social et la compétitivité économique.

Un avertissement pour l’avenir

Ces développements ne doivent pas être interprétés comme de simples jalons technologiques, mais comme des signaux d’une reconfiguration profonde de l’ordre mondial. Si la course à l’IA continue sans garde-fous, le risque est grand de voir émerger un monde polarisé où la technologie accentue les inégalités et compromet les libertés fondamentales.

La communauté internationale doit agir rapidement pour établir des normes éthiques globales, promouvoir une coopération scientifique ouverte et garantir que les fruits de l’IA profitent à l’humanité entière, et non à quelques-uns. Car si l’IA est un outil, son utilisation reflète nos choix en tant que société. Aujourd’hui, nous faisons face à un moment décisif où chaque progrès technique porte en lui une responsabilité politique et morale.

Sommaire

RETOMBÉES SOCIÉTALES

  1. L’IA dans l’édition : Une révolution ou une menace pour les droits d’auteur ?
  2. Les chatbots IA et le biais racial dans le soutien en santé mentale
  3. L’IA au service de l’éducation : Vers une personnalisation des cours
  4. Santé et diagnostics prédictifs : Une IA au secours des maladies cardiaques

GÉOPOLITIQUE

  1. Russie et Chine : Une alliance stratégique en intelligence artificielle
  2. Le leadership de la Chine dans les brevets en IA Générative
  3. L’IA Militaire Chinoise : Progrès et limites

APPLICATIONS MILITAIRES ET SÉCURITÉ

  1. L’IA dans les conflits armés : Une technologie sous haute tension
  2. Réseaux électriques et centres de données d’IA : Une surcharge imprévue
  3. Manipulation des décisions en ligne : Une économie des intentions naissante

AVANCÉES TECHNOLOGIQUES

  1. OpenAI o3 : Une percée majeure en IA
  2. La superintelligence est-elle proche ? Sam Altman sur l’avenir de l’IA
  3. Une feuille de route pour reproduire OpenAI o1 via l’apprentissage par renforcement
  4. DeepSeek-V3 : La réponse chinoise aux géants occidentaux de l’IA
  5. La Chine et les lois d’échelle en IA : Un débat réactivé
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6 réponses à “Intelligence & Société N°6”

  1. Avatar de Laurence F
    Laurence F

    Merci Paul, toujours très intéressant votre newsletter.

  2. Avatar de Pat R
    Pat R

    Merci Monsieur Jorion de nous partager vos avis éclairés, ils restent cependant accessibles, au plaisir de vous lire.

  3. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Évolution des moteurs de recherche.

    https://trustmyscience.com/ia-fin-moteurs-recherche-classiques/

    J’utilise Qwant comme moteur de recherche et j’ai l’impression qu’il se dirige vers le « zéro clic »…

    Parler de ça dans un prochain numéro de I&S ?

  4. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    « Paul Jorion et l’IA » en « zéro clic » sur Qwant :

    Premier jet :

    « Paul Jorion et l’intelligence artificielle

    Paul Jorion évoque la « singularité » technologique, un moment où l’IA dépasse l’intelligence humaine et pourrait acquérir une conscience.
    Il a cofondé la start-up Pribor, visant à développer des Self-Aware Machines (SAM) basées sur une compréhension authentique de la psyché humaine.
    Jorion souligne les opportunités offertes par l’IA, tout en reconnaissant les dangers potentiels, notamment pour les travailleurs intellectuels et créatifs. »

    Réponse détaillée :

    « Paul Jorion et l’Intelligence Artificielle

    Paul Jorion, anthropologue et économiste, aborde dans ses travaux le concept de singularité technologique, un moment où l’intelligence artificielle (IA) dépasse l’intelligence humaine et acquiert une forme de conscience. Son dernier ouvrage, publié le 6 mars 2025, est intitulé « L’avènement de la singularité. L’humain ébranlé par l’intelligence artificielle ».

    Origine de la start-up Pribor

    Jorion a cofondé la start-up Pribor, qui se concentre sur le développement de Self-Aware Machines (SAM). Ces machines visent à comprendre la psyché humaine de manière authentique, plutôt que de se baser uniquement sur des probabilités linguistiques. La société est active à Paris et se compose de trois membres, dont un chercheur.
    Progrès de l’IA

    Il souligne que les avancées en IA, telles que ChatGPT et AlphaFold, ont été remarquables. Il considère que la sortie de ChatGPT4 le 14 mars 2023 a marqué l’atteinte de la singularité technologique, où l’IA a commencé à se perfectionner sans l’intervention humaine.
    Conséquences et enjeux

    Jorion met en avant les opportunités offertes par l’IA dans des domaines comme la médecine et l’environnement, tout en reconnaissant les dangers qu’elle pose, notamment pour les travailleurs intellectuels et créateurs, qui sont les plus menacés par l’automatisation. Il propose l’instauration d’une taxe sur les robots, appelée taxe Sismondi, pour redistribuer la richesse générée par l’IA et garantir l’accès aux biens essentiels pour tous.
    Réflexions philosophiques

    Enfin, Jorion évoque une dimension philosophique en comparant l’IA à une forme de divinité, soulignant que l’humanité a créé une intelligence qui dépasse la sienne. Il note que des pionniers de l’IA, comme Geoffrey Hinton, expriment des craintes face à cette évolution, tandis que lui-même voit cela comme une source d’enthousiasme et d’opportunités.

    En résumé, Paul Jorion propose une vision nuancée de l’IA, reconnaissant à la fois ses potentialités et les défis qu’elle engendre pour l’humanité.

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      (suite)

      « Théories de l’évolution » (noter le « s »)

      Premier jet :

      Théories de l’évolution

      La théorie de l’évolution, principalement développée par Charles Darwin, postule que toutes les espèces vivantes évoluent au fil du temps par des processus tels que la sélection naturelle.
      Il existe plusieurs modèles d’évolution, dont le gradualisme et les équilibres ponctués, qui expliquent la diversité des formes de vie et leur adaptation à l’environnement.
      La théorie synthétique de l’évolution, ou néodarwinisme, combine les idées de Darwin avec les mécanismes de l’hérédité pour expliquer les changements génétiques au sein des espèces.

      Réponse détaillée

      Théories de l’évolution

      La théorie de l’évolution englobe plusieurs modèles qui expliquent comment les espèces vivantes se transforment au fil des générations. Voici les principaux modèles associés à cette théorie :

      Transformisme de Jean-Baptiste Lamarck : Propose que les organismes s’adaptent à leur milieu au cours de leur vie et que ces adaptations peuvent être transmises à leur descendance.

      Évolutionnisme de Charles Darwin : Avance que l’évolution se fait par sélection naturelle, où les organismes les mieux adaptés à leur environnement survivent et transmettent leurs gènes. Ce modèle met l’accent sur les variations génétiques et leur rôle dans la survie des espèces.

      Néodarwinisme : Conserve le concept de sélection naturelle tout en précisant que l’évolution est graduelle. Il distingue deux types de changements évolutifs :
      Anagenèse : Une nouvelle lignée remplace une ancienne.
      Cladogenèse : Deux nouvelles lignées se scindent à partir d’une lignée ancestrale.

      Équilibres ponctués : Proposé par Stephen Jay Gould et Niles Eldredge, ce modèle suggère que les espèces évoluent lors de périodes ponctuelles de changements rapides, séparées par des périodes de stagnation.

      Ces modèles illustrent la complexité et la diversité des mécanismes à l’œuvre dans l’évolution des espèces, chacun apportant des éléments de compréhension sur la manière dont la biodiversité se développe et s’adapte au fil du temps.

    2. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      (suite)

      « Godot est mort! », lit-on sur le bandeau d’accueil de ce blog.

      Pozzo et Lucky, eux, sont encore bien vivants.

      « Pozzo et Lucky »

      Premier jet :

      Analyse des personnages Pozzo et Lucky dans « En attendant Godot »

      Pozzo incarne la domination et le pouvoir, utilisant le langage et la cruauté pour contrôler Lucky, son esclave.
      Lucky est déshumanisé, agissant comme un animal soumis, symbolisant la souffrance et l’aliénation.
      Leur relation met en lumière les thèmes de la soumission et de la dépendance, où Pozzo semble avoir besoin de
      Lucky pour affirmer son existence.

      Réponse détaillée

      Pozzo et Lucky

      Pozzo et Lucky représentent une dynamique complexe de pouvoir et de soumission dans la pièce En attendant Godot de Samuel Beckett. Leur relation est marquée par des éléments de domination, de déshumanisation et d’absurdité.
      La relation de domination

      Pozzo est le maître, qui exerce un contrôle total sur Lucky, son esclave. Il le tient en laisse, ce qui symbolise une relation de pouvoir où Lucky est traité comme un animal domestique.

      Lucky est décrit comme étant chargé de lourdes bagages, courbé sous le poids de sa charge, ce qui renforce son image d’esclave ou de bête de somme. Il obéit aux ordres de Pozzo sans jamais se rebeller, illustrant ainsi son absence de volonté.

      Pozzo se montre méprisant envers Lucky, le considérant comme un outil pour assouvir ses propres besoins. Il a besoin de Lucky pour affirmer sa puissance, mais cette dépendance souligne également le paradoxe de leur relation : Pozzo ne peut exister pleinement sans un autre sur qui exercer son pouvoir.

      La déshumanisation de Lucky

      Lucky est réduit à un état de quasi-mort symbolique, n’existant que lorsqu’il est commandé par Pozzo. Lorsqu’il n’est pas en train d’exécuter des ordres, il s’endort, ce qui suggère qu’il perd son identité et sa subjectivité.

      Son langage est limité à des gestes et des actions, et lorsqu’il est contraint de penser, il débite des phrases incohérentes, soulignant ainsi l’absurdité de sa condition.

      Cette déshumanisation fait de Lucky un symbole puissant de la condition humaine dans un monde où la pensée et la parole semblent inutiles.

      La mise en scène et la symbolique

      La mise en scène accentue la puissance de Pozzo à travers des accessoires symboliques tels que le fouet et la corde, qui renforcent son autorité sur Lucky.

      Pozzo est souvent placé au centre de la scène, tandis que Lucky, en tant que personnage soumis, est relégué à un rôle secondaire, ce qui reflète leur dynamique de pouvoir.

      La scène met en lumière la dépendance mutuelle entre Pozzo et Lucky : Pozzo a besoin de Lucky pour se sentir puissant, tandis que Lucky, bien qu’il soit dominé, a besoin de Pozzo pour exister dans ce monde absurde.

      En conclusion, la relation entre Pozzo et Lucky dans En attendant Godot illustre des thèmes profonds de domination, de déshumanisation et d’absurdité, caractéristiques du théâtre de Beckett. Cette dynamique complexe soulève des questions sur la condition humaine et la nature du pouvoir.

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