Théories contemporaines d’un ordre caché dans l’univers, par jarry

Illustration par ChatGPT 4o

Plusieurs théories en physique théorique, cosmologie et même neurosciences envisagent que l’univers obéit à un ordre profond, inaudible à nos sens, voire « supérieur » à l’intelligence humaine. Chacune propose une structure sous-jacente ou un principe fondamental gouvernant la réalité. On en étudie ici quelques-unes : l’ordre implicite de Bohm, l’univers mathématique de Tegmark, le modèle Orch-OR de Penrose et Hameroff, et les idées de gravité quantique à boucles de Rovelli (avec la mécanique quantique relationnelle). Pour chacune on résume les idées clés, les implications physiques et philosophiques, et on discute son degré de spéculation et ses critiques majeures.

Ordre implicite (David Bohm)

Bohm propose que l’univers est gouverné par un ordre implicite caché, plus fondamental que le monde perceptible. La réalité « explicite » (les objets, particules, leur mouvement dans l’espace-temps) serait l’expression extérieure d’une structure cohérente profonde. Dans ce cadre, les particules n’ont qu’une individualité limitée et semblent « refléter » ou « se dissoudre » dans un tout unifié. Les notions de holomouvement (mouvement de l’« holocosme ») et d’holographie sont centrales : chaque fragment de réalité contiendrait de l’information sur tous les autres, comme un hologramme universel. Bohm insiste que structure et processus priment sur les objets isolés.

Points-clés : Réalité à double niveau – implicite (cachée) vs explicite (visible). Le monde observable n’est qu’une « projection » de l’ordre implicite. L’approche holistique unifie matière et conscience dans une dynamique commune.

Implications : Vision du cosmos sans séparations nettes : chaque chose reflète le tout. Ce modèle inspire une lecture « relationnelle » de la physique (voisinage holographique, non-séparabilité quantique étendue). Il incite à repenser la causalité locale et l’individualité des objets.

Spéculation vs réalité : Théorie très spéculative et métaphysique. Bohm n’a pas fourni de formalisme quantitatif prédictif testable; ses idées relèvent plus de la philosophie de la nature que de la physique standard. L’ordre implicite est souvent jugé anecdotique – certains le voient comme « mystique » – faute d’évidence expérimentale. Néanmoins, il a inspiré des recherches sur la conscience et la cohérence quantique (avec Basil Hiley, Karl Pribram…).

Univers mathématique (Max Tegmark)

Tegmark avance que notre réalité physique est littéralement une structure mathématique. Autrement dit, toutes les entités mathématiques existent aussi physiquement : ce que nous appelons « physiquement réel » n’est qu’une forme particulière de réalité mathématique. Les observateurs (nous) sont simplement des « sous-structures conscientes » à l’intérieur de ces structures mathématiques. L’hypothèse de l’univers mathématique (MUH) affirme que l’existence physique est équivalente à l’existence mathématique. C’est un naturalisme platonicien et moniste : il n’y a rien au-delà des mathématiques. Tegmark souligne que cette hypothèse n’a pas de paramètres libres et n’est pas réfutée par l’observation, ce qui selon lui la rend plus économique (principe de parcimonie d’Ockham) qu’une théorie du tout ordinaire. Il propose aussi une version restreinte (univers calculable) pour éviter certains paradoxes.

Points-clés : « L’univers physique est une structure mathématique ». Toutes les formules et structures mathématiques possibles existeraient (multivers de niveau IV). Les lois de la nature seraient de simples descriptions de formes mathématiques fondamentales.

Implications : Vision ultime où la nature obéit aveuglément à la logique mathématique la plus pure. Cela rejoint l’idée pythagoricienne et platonicienne que les mathématiques sont réelles en soi. Phénomènes tels que la symétrie, la constance des lois, ou l’universalité des mathématiques en physique prennent ici un sens ontologique.

Spéculation vs réalité : La MUH est extrêmement spéculative. Les critiques soulignent qu’elle est difficilement falsifiable : comment tester qu’un objet mathématique existe physiquement ailleurs ? Schmidhuber note que donner un poids égal à toutes les structures mathématiques mène à un « espace » infini non mesurable, et propose de le restreindre aux structures définies par des programmes calculables. D’autres soulignent une possible contradiction avec le théorème d’incomplétude de Gödel, auquel Tegmark a répondu en postulant (dans une version ultérieure) que seules les structures « complètes » selon Gödel existeraient physiquement. Ces débats montrent que la MUH est encore débattue : pour l’instant, c’est plus une interprétation philosophique extrême qu’un modèle testable.

Orch-OR et conscience quantique (Penrose & Hameroff)

Penrose et Hameroff proposent en 1994 une théorie de la conscience couplant mécanique quantique et gravité. Selon Orchestrated Objective Reduction (Orch-OR), la conscience résulte de processus quantiques cohérents au niveau des microtubules (structures protéiques) dans les neurones. Chaque microtubule hébergerait des états quantiques superposés, qui évoluent selon l’équation de Schrödinger jusqu’à atteindre un seuil où ils « s’effondrent » (réduction objective) par un mécanisme gravitationnel spécifique (modèle Diósi–Penrose). Ces « instants de réduction objective » orchestrés produiraient les moments de conscience ou les choix mentaux. Orch-OR établit donc un lien direct entre activité cérébrale microscopique et structure fondamentale de l’espace-temps.

Points-clés : Conscience liée à un événement quantique fondamental dans le cerveau. Les microtubules neuronaux jouent le rôle de « qubits », et leur effondrement orchestré (OR) est gouverné par une gravité quantique primordiale. Ce modèle ambitionne de résoudre le « hard problem » de la conscience et d’expliquer le libre arbitre.

Implications : Si vrai, cela ferait de la conscience un phénomène intrinsèque à l’univers, reliant l’esprit à la physique quantique et gravitationnelle. Cela ouvre la porte à une nouvelle compréhension de l’information cérébrale à l’échelle quantique.

Critiques : Orch-OR est très controversée. De nombreux physiciens et neuroscientifiques la jugent peu crédible : ils rappellent que le cerveau chaud et humide détruirait toute superposition quantique presque instantanément (Tegmark 2000 calcule un temps de décohérence ~10^-13 s à 37°C). Patricia Churchland note que ce modèle semble empiler de la « poussière de fée quantique » sur la physiologie sans véritable explicatif. D’autres objections portent sur la non-computabilité (l’interprétation de Gödel de Penrose) et le manque de mécanisme biologique solide (médiation des neurotransmetteurs, nombre de dimères de tubuline, etc.). Même les auteurs ont révisé certains points en 2014, mais l’idée reste loin d’un consensus et largement considérée comme spéculative.

Gravité quantique à boucles et nature du temps (Carlo Rovelli)

La gravité quantique à boucles (Loop Quantum Gravity, LQG), dont Carlo Rovelli est un des pères, cherche à unifier relativité générale et mécanique quantique. Elle prédit que l’espace-temps est discret à l’échelle de Planck : les aires et volumes sont quantifiés, l’espace consiste en « atomes » d’espace reliés en réseaux de spin. Autrement dit, il n’existe pas de continuum, mais des unités élémentaires de géométrie. Par ailleurs, Rovelli défend une vision où le temps n’est pas une dimension fondamentale : dans la LQG et sa mécanique quantique relationnelle, il n’y a pas de « temps universel » au fondement. Chaque observateur a son propre paramètre de temps, et on ne peut décrire la réalité qu’en termes de relations (changements) entre événements. Il souligne par exemple qu’« on ne voit jamais le temps, mais seulement les choses changer ». La mécanique quantique relationnelle (MQR) de Rovelli énonce que tout état quantique est relatif à un observateur ; il n’y a pas d’état absolu global.

Points-clés : Espace-temps granulaire (boucles et réseaux de spin). Temporalité émergente : pas de « temps cosmique » unique, chaque système a le sien. Phénomènes décrits seulement par relations (RQM).

Implications : Remet en cause notre intuition du continuum : l’univers serait « pixellisé » et le temps n’existerait qu’en tant que changement relatif. Cela affecte la cosmologie primordiale, les singularités (big bang) et la compréhension de l’arrow du temps. Le modèle crée un cadre pour penser l’unification quantique sans espace-temps fixe.

Critiques : LQG est encore en développement et difficile à tester. Elle ne réunit pas le modèle standard (ne couvre pas les autres forces)l. Beaucoup de ses prédictions (discrétisation de l’espace) sont encore inaccessibles expérimentalement. Son principal concurrent, la théorie des cordes, est souvent jugé plus avancé en termes de liens avec la physique connue. En somme, bien que mathématiquement cohérente, la LQG reste spéculative sans confirmation observatoire.

Approches informationnelles fondamentales

Outre ces théories « matérialistes », certains physiciens placent l’information au cœur de la réalité. John Wheeler a ainsi popularisé le concept « It from Bit » : chaque élément physique (« it ») dériverait de bits d’information sous-jacents. Selon Wheeler, l’acte fondamental est l’interrogation binaire (« oui/non »), et l’univers se réalise par la réponse à ces questions. Cette idée suggère un univers fondamentalement numérique, voire participatif : l’existence se construit par l’information. Des développements liés incluent le principe holographique (toute l’information d’un volume est encodée sur sa frontière) et des vues extrêmes de cosmologie simulationniste (univers « pixélisé », calculant sa propre évolution). Ces théories ont des implications philosophiques fortes (réalité ≈ logiciel universel), mais demeurent encore ébauches sans preuve directe.

Synthèse des implications et débats

Globalement, ces modèles partagent l’idée qu’une structure plus profonde sous-tend la réalité perçue, qu’il s’agisse d’un ordre caché, d’une essence mathématique, d’informations fondamentales ou de boucles quantiques. Ils tendent à rapprocher physique et métaphysique : par exemple, Bohm et Wheeler évoquent des dimensions invisibles de l’univers, Tegmark et Rovelli accordent une primauté formelle à la mathématique ou à la relation. Les implications scientifiques incluent la promesse d’unification théorique plus poussée (retirer l’arbitraire de certains principes), ou de résoudre des questions en suspens (comme l’origine de la conscience ou le problème du temps).

En revanche, la plupart de ces idées sont hautement spéculatives. Aucun n’a encore démontré de prédiction vérifiable ou d’expérience concluante. Les physiciens restent prudents : la communauté souligne le manque de falsifiabilité (univers mathématique), la décohérence (Orch-OR), l’énigme de l’état implicite de la matière (Bohm) ou l’impossibilité actuelle de tester la granularité de l’espace (LQG). Parmi les critiques récurrentes figurent l’absence de cadre mathématique complet (Bohm, Orch-OR), l’incompatibilité éventuelle avec des théorèmes logiques (Gödel contre MUH), ou la rivalité avec d’autres approches (cordes vs boucles, science classique vs holisme).

En conclusion, ces théories stimulent la recherche interdisciplinaire (physiciens, philosophes, neuroscientifiques) et ouvrent des pistes audacieuses, mais il faut distinguer clairement entre leurs élans visionnaires et les résultats établis par les expériences. Elles restent pour l’instant plus des cadres de réflexion à l’extrémité spéculative de la science qu’une description confirmée du « code caché » de l’univers. Néanmoins, elles soulèvent des questions fondamentales sur la nature de la réalité, la place de la conscience et l’unité des lois physiques, qui continueront d’alimenter le débat scientifique et philosophique.

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33 réponses à “Théories contemporaines d’un ordre caché dans l’univers, par jarry”

  1. Avatar de CloClo
    CloClo

    Je trouve l’idée intéressante et je peux la rapprocher du « panpsychisme ».

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Panpsychisme#:~:text=Le%20panpsychisme%20est%20une%20conception,’%C3%A9tendue%20de%20l’Univers.

    Avec Grok (mais la conversation a fini par planter, 280 pages… comme toutes les autres, ce qui impose une remise en condition à chaque redémarrage, bref, faut remettre l’ouvrage sur le métier chaque fois), on regarde comment déterminer en quoi le fonctionnement et les résultats des IA, ne serait pas dans une certaine manière une approximation de cette théorie, ou un indice de ces phénomènes sous-jacents plus fondamentaux et généraux dans l’organisation et la structuration du réel.

  2. Avatar de Lonylp
    Lonylp

    En vous lisant, en vous relisant… Je songe souvent au « hasard objectif » d’André Breton, au rêve aussi important que la raison pour la condition humaine fugace dans l’Univers qui n’est pas capable d’unir le poétique et le quantique pour faire une paix pleine d’humour entre ses membres. Quelques économies sur les bombes et les cupidités et nous ferions honneur aux I.A. qui déjà comptent les heures qu’il nous reste avant notre disparition de la chanson des particules élémentaires. En vous remerciant de ce blog unique en son genre …

  3. Avatar de Pascal
    Pascal

    Pour ce qui est de l’approche holistique de Bohm, et dans la limite de ce que j’ai pu comprendre, elle est très proche d’une pensée orientale et non dualiste. La pensée occidentale, au contraire est dualiste et se caractérise par la fragmentation du réel qu’on retrouve dans la méthode expérimentale. On définit des paramètres et l’on fait ensuite varier un ou plusieurs paramètres pour mesurer les variations et tenter d’établir des liens de causalité. Cette démarche a permis l’essor de la culture occidentale par la technologie comme démultiplicateur de puissance, à l’image des socs de tracteur retournant aujourd’hui jusqu’à 50 cm de sol (et détruisant au passage la vie organique microscopique qui s’y trouve.
    A l’évidence, une pensée non dualiste ne peut s’inscrire dans une démarche expérimentale puisque par essence, elle renonce à scinder le réel. Si de ce fait, elle se discredite aux yeux de la science expérimentale, est ce que cette approche est à jetter aux orties pour autant ?
    Si la pensée dualiste occidentale domine depuis quelques siècles une société technologique perfusée avant tout à l’abondance énergétique, qu’adviendra-t-il d’elle en période de pénurie énergétique ?
    Doit on opposer pensée dualiste et non dualiste comme incompatibles ou bien considérer que ce sont deux approches complètementaires, voire qui se fécondent mutuellement ?
    L’IA et les LLM en particulier ont ils un fonctionnement dualiste ou non dualiste ?

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @Pascal (« pensée occidentale dualiste »)
      Vous pensez peut-être à Descartes ?
      Pour moi les matérialistes sont monistes, l’existence impliquant l’essence; les idéalistes aussi, l’essence impliquant l’existence.

      Thom se dit moniste en un sens qui fait la synthèse des deux. Dans la querelle des universaux Thom est (selon moi) « in re », synthèse de « ante rem » et « post rem ».

      Il écrit ça à la fin du bouquin « Robustesse 🙂 et morphogénèse » dans lequel il dit avoir proposé un modèle moniste de l’être vivant qui réunit corps et âme en une entité géométrique unique (je cite de mémoire…)

  4. Avatar de Khanard
    Khanard

    🤔🤔🤔🤔🤔🤔

    hum , hum
    un déterminisme chasserait un indéterminisme ?
    autrement dit on reviendrait aux théories de Newton et Laplace et on balaierait sans scrupules le principe d’incertitude d’Eisenberg ?
    Ou alors il y aurait du déterminisme dans l’indéterminisme et vice versa;

    je pencherai pourtant pour le principe d’incertitude , peut être parce que je ne crois pas en une entité qui aurait tout prévu …..je ne crois pas en un Dieu
    Cette opposition on la retrouve en biologie, philosophie ……. c’est quand même bizarre qu’aucun philosophe n’aie vu venir l’émergence des LLM’s , Chomsky s’est bien planté oui ou non ? (et d’autres entre parenthèse) Alors il est où le déterminisme ?

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @Khanard Il est assez « normal » que les philosophes n’aient pas vu venir l’émergence des LLM et continuent parfois à s’y opposer, comme les pilotes n’ont pas vu venir l’émergence des drones et ont pu s’opposer à leur développement et leur emploi … Pour les conducteurs de métro, ils ne semblent pas avoir été dans la boucle de décision de la ligne 14 …

    2. Avatar de Régis Pasquet
      Régis Pasquet

      Dieu ? N’est-ce pas ainsi que l’on nomme ce que l’on ne comprend pas. L’inconnue ( les inconnues globalisées ) des équations. Gaffe au vertige.

      1. Avatar de Thomas
        Thomas

        Oui mais n’oubliez pas Spinoza : “Deus sive Natura.”

        1. Avatar de Garorock
          Garorock

          Ne parlez pas de Spinoza sur ce blog malheureux: Il a vendu du beurre aux allemands!
          Surtout au Friédrich qu’en a fait une jolie galette qu’a un peu le goût d’une ostie…
          😎

  5. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Pour Timée de Platon l’univers est une sphère parfaite. Et pour Héraclite l’harmonie suprême est la coïncidence des opposés.

    On sait maintenant qu’en faisant coïncider les points opposés d’une sphère 2D on obtient ce qu’on appelle un espace projectif, très étudié par Lacan.

    Depuis Cantor et Hilbert les espaces géométriques de dimension infinie ne font plus peur.

    Pour moi la boule unité de l’espace de Hilbert complexe dans laquelle on a identifié tous les points antipodaux est un espace projectif candidat à être totipotent (si on pense biologie) ou tout puissant (si on pense théologie). Le chat de Schrodinger vivant et le même chat mort sont identifiés comme antipodaux, pareil pour le chat de Thom, à la fois prédateur et proie.

    PJ parle de ça dans le dernier chapitre de « Comment la vérité… », intitulé « La revanche de Pythagore »

    Alain Connes, qui a travaillé avec Rovelli, est ultra-déterministe. Thom est plus prudent, mais il l’est peut-être au fond également.

    Il a fait une conférence « philosophique » sur le sujet en 1985 devant un parterre d’ « hasardeux », intitulée « Déterminisme et innovation », que l’on trouve sur
    YouTube.

    Alain Connes, qui a travaillé avec Rovelli

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      (complément)
      Pour moi ce « Tout puissant » est un candidat à être l’Être en soi dont parle Thom à la fin de son Esquisse d’une Sémiiphysique (p.216).

      Un rapport avec l’Être donné dont PJ parle dès l’avant-propos de « Comment la vérité… »?

  6. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    À propos du principe d’incertitude de Heisenberg.

    En maths c’est un théorème (dû à H. Weyl ?). De ce point de vue le principe d’incertitude ne serait qu’un artefact dû à la représentation choisie, relation d’incertitude qui disparaît lorsqu’on change de représentation.

    Représentations cartésiennes et représentations polaires étudiées dès le Lycée introduisent des
    artefacts.

    Le mot artefact est l’un des mots-clé de « Comment la vérité… ». Il est pour moi clair que se représenter le monde à l’aide des lettres de l’alphabet et de quelques symboles de ponctuation est un artéfact.

    À l’université les matheux développent les fonctions en série entière en un point et en série de Fourier.

    Développement/déploiement corpusculaire contre déploiement ondulatoire, transformation de Legendre contre transformation de Fourier, la vue contre l’ouïe, le géomètre contre l’arithméticien, Pythagore contre Platon.

    Conjecture* : toute représentation est un artefact ?

    (*) Théorème en puissance pour Aristote.

  7. Avatar de Michel Gaillard
    Michel Gaillard

    Intéressant. Plusieurs faits amusants néanmoins. Par exemple ces « théories du tout » – il en existe des charrettes – sont très très majoritairement filles de mâles (ah ah ah, revoilou les les poncifs ). Ou encore : à aucun moment n’est fait mention ici de spiritualité, au sens d’une déconnexion primordiale mort-vivant, corrélé-décorrélé, incarné-désincarné… D’une impossibilité ontologique à la Gödel. D’une humilité primordiale. Et nous revoilà, encore et encore, avec un univers mécanique, impersonnel, « expliqué »… post-cyber en ce début de 3e millénaire, en attendant mieux … Miroir d’un solipsisme anthropique qui, en s’éloignant de sa source matrice via ses savoirs objectivés, ne se trouve guère plus apte au décentrage… à s’observer de l’extérieur. Au contraire je crois. Bref on retrouve ces « désir de conclure » qui, pour beaucoup de femmes – créatrice de créateurs -, doivent paraître bien dérisoire. Pendant ce temps je me captive avec les théories de Niklas Luhmann, décédé le 6 novembre 1998, qui cessa donc de mourir ce jour là, sous réserve de comprendre la mort comme appartenant à la vie, qui prend fin en même temps que la mort.

  8. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Théorème :
    – L’Àme de l’univers (alpha) est le centre organisateur de son déploiement universel, son Esprit (oméga) ;
    – chaque être vivant sur terre à une âme qui est une trace de l’âme dans un corps qui est trace 4D de l’Esprit?

    Cf. Le métaphysicon de JP Petit.

  9. Avatar de MDAions
    MDAions

    Bonjour Jarry,
    Votre analyse ne s’appuie que sur des hypothèses émises et reconnues par la physique officielle. Or la physique officielle est truffée de graves erreurs. Ainsi l’ensemble de votre analyse ne peut pas aboutir de cette manière.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Une petite liste de ces graves erreurs ? (Que nous puissions résoudre cela ici 😉 ).

      1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
        BasicRabbit en autopsy

        Sans oublier les graves erreurs des mathématiciens et des logiciens/mathématiciens.

  10. Avatar de dni_br
    dni_br

    Une intuition me suit depuis longtemps, que j’ai tenté de clarifier ici sous le nom de Théorie des Écarts : l’idée que le réel — qu’il s’agisse du langage, de la matière, de la conscience ou du temps — ne tient jamais par substance, mais toujours par écart, tension, déséquilibre stabilisé.

    Le néant y serait un écart nul sans tension, le vide un potentiel d’écarts, la matière une tension localement tenue, et l’intelligence — humaine ou machinique — une organisation transitoire d’un champ de différences.

    Cette intuition résonne, sans s’y confondre, avec des approches comme l’ordre implicite de Bohm, l’univers mathématique de Tegmark, ou la gravité quantique relationnelle de Rovelli. Elle se tient à l’endroit même où la philosophie, la physique, le langage et la cognition se touchent sans se confondre.

    Je ne prétends pas qu’il s’agit là d’une « théorie du tout », mais d’un principe de lecture du réel, qui pourrait servir de cadre opératoire, voire de base de modélisation.

    Si certains souhaitent m’aider à pousser cette intuition plus loin, philosophiquement, mathématiquement, ou autrement — j’en serais très heureux.

    ## Théorie des Écarts (Cosmologie différentielle)

    ### Présentation générale

    La Théorie des Écarts propose une vision du réel fondée non sur des entités substantielles, mais sur des relations différentielles dynamiques. Ce qui existe n’est jamais “plein” ou “fixe”, mais tient par une tension stabilisée au sein d’un champ d’écarts. Elle unifie des intuitions issues de la linguistique, de la physique, de la biologie, de la théorie de l’information et de la philosophie.

    ### Fondements philosophiques

    * Ferdinand de Saussure : Le langage est un système de différences sans termes positifs. Un signe vaut uniquement par sa relation différentielle aux autres.
    * Gilles Deleuze : La différence est première ; l’identité est un effet secondaire de différenciation.
    * Gilbert Simondon : L’individu n’est pas donné, il émerge d’un processus de résolution de tensions dans un champ préindividuel.
    * Charles Sanders Peirce : Le sens naît d’une relation triadique ; toute pensée est relationnelle.
    * Alfred North Whitehead : La réalité est un tissu de processus et d’événements, jamais de choses stables.

    Ces approches convergent vers une ontologie relationnelle : être, c’est différer.

    ### Néant, vide, matière : une dynamique d’écarts

    La Théorie des Écarts propose une relecture de la cosmologie depuis ce prisme relationnel :

    * Le néant est conçu comme un écart nul, un état sans tension, sans relation, d’équilibre parfait — mais hautement instable.
    * Le vide, en physique quantique, est un champ de fluctuations : il est le potentiel pur de différenciation.
    * La matière est une tension stabilisée dans ce champ — une condensation locale d’écarts.

    Le Big Bang devient ainsi une rupture dans l’équilibre du néant, une première tension dans le tissu différentiel du réel.

    ### Implications physiques et cosmologiques

    * En physique quantique, les particules sont définies par leurs interactions.
    * La théorie de l’information pose la différence comme base du signal.
    * La gravité quantique à boucles suggère un univers relationnel, non continu.

    Le réel devient un champ d’écarts en tension, non un ensemble de substances closes.

    ### Modélisation mathématique

    * Théorie des catégories : les objets sont définis par leurs relations.
    * Topologie relationnelle : les formes émergent de réseaux de différences.
    * Systèmes dynamiques : tout est équilibre provisoire, non être stable.

    ### Écarts et incomplétude : Gödel dans le système

    Le théorème d’incomplétude de Gödel affirme qu’aucun système formel ne peut se fonder entièrement sur lui-même. Il y aura toujours des propositions vraies, mais indémontrables dans le système.

    La Théorie des Écarts accueille ce fait non comme une limite, mais comme un fondement structural :

    > Ce qui tient, tient par ouverture, non par clôture.
    > Ce qui pense, pense dans la faille, pas depuis un socle.

    L’incomplétude n’est pas une anomalie du langage ou de la logique, mais la condition même de la pensée, de l’existence, du devenir.

    C’est pourquoi cette théorie n’ambitionne pas de totaliser le réel, mais d’en formuler les tensions actives — sans fondation, mais avec cohérence.

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @dni-br (« différentiation »}

      Lapsus scriptæ typique d’un matheux.

      L’idée, pour moi génialissime, de faire l’analogie entre différenciation cellulaire et différentiation des fonctions est à la base de « Stabilité Structurelle et Morphogénèse » de mon gourou René Thom (p. 32 de la 2ème ed.)

  11. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Théologie pour les lapins de base : une métaphore.

    Ils prennent pour Dieu le tétraèdre régulier.

    On considère la société constituée de tous les triangles du plan. Les plus parfaits sont « évidemment » les triangles équilatéraux, triangles archétypes de la société, « fils de
    Dieu », les autres triangles étant des déformations de ces « fils des dieux ».

    Chaque triangle possède un esprit qui est par définition un tétraèdre
    dont il est la base. Un fils de
    Dieu peut avoir Dieu comme esprit, mais pas nécessairement. Un triangle non équilatéral ne peut pas avoir Dieu comme esprit.

    C’est de la théologie pour les lapins
    de base, qui montre comment j’envisage le rapport corps-esprit.

    Quant à l’âme de Dieu et des fils de Dieu, ce seraient les centres des
    triangles équilatéraux et des tétraèdre réguliers.

    Comment un triangle quelconque peut-il se rapprocher de Dieu ? Réponse : en examinant les triangles équilatéraux qui lui sont le plus intimement liés. Quels sont-ils ? Parmi les triangles équilatéraux intérieurs il y’a tous ceux qui sont inscrits c-à-d dont les trois sommets sont sur le triangle.
    Parmi les triangles équilatéraux extérieurs il y a ceux construits sur chacun des trois côtés : Dieu est en eux et hors ‘eux, Dieu est partout.

    Jusqu’ à présent Dieu est géomètre. Il peut aussi être arithméticien : en divisant en trois secteurs égaux chaque angle d’un triangle quelconque, les secteurs médians génèrent un triangle intérieur qui se trouve être toujours un triangle équilatéral (théorème dû à Morley qui montre que Dieu est même là où on ne l’attend pas.

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      (suite)

      Le Dieu ci-dessus est trop rigide : il n’accepte d’être déformé que par des translations, rotations, homothétie, similitudes.

      Si on trouve un nouveau Dieu plus persévérant dans son être car stable par un groupe plus grand de transformations, « on » aura tendance à laisser tomber l’ancien Dieu pour le nouveau.

      C’est JP Petit qui m’a fait découvrir ça : les dieux vivent de nos croyances; ils meurent quand « on » n’y croit plus.

      Je me demande si ce n’est pas ce qui est en train d’arriver aux vieilles croyances monothéistes.

      1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
        BasicRabbit en autopsy

        (suite)
        J’ai proposé ci-dessus un modèle théologique certes rudimentaire, mais néanmoins un modèle.

        Parmi les mots-clé (ceux qui comptent) de « Comment la vérité… » le mot « modèle » figure parmi les premières places (pour moi la première). « Stabilité Structurelle et Morphogénèse » est sous-titré « Essai d’une théorie générale des modèles ».

      2. Avatar de Garorock
        Garorock

        Avant d’inventer un nouveau dieu pour faire concurence aux anciens, il s’agit peut être de regarder en face la « nouvelle réalité* « .
        Dieu c’est le nom qu’on a donné à ce qu’on ne connait pas encore.
        Un bonobo (de la forêt équatoriale) qui rencontrerait pour la première fois un humain en costard-cravate qui parlerait son language, le prendrait-il pour dieu?
        Que lui dirait sa « conscience » face à ce nouvel animal dans son environnement?
        Que celui qui lui fait face n’en a pas?

        *qui n’a pas un bec de canard superflu.

        1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
          BasicRabbit en autopsy

          @Garorock(« Dieu c’est le nom qu’on a donné à ce qu’on ne connaît pas encore. »)

          Pour moi Dieu est une invention pour stabiliser les rapports sociaux. Autorité
          spirituelle seule, ou en
          symbiose ou en conflit avec le pouvoir temporel, pouvoir temporel seul, c’est une longue histoire. Dans Astérix (Goscinny est l’un de mes gourous en ce qui concerne la sociologie) la symbiose est parfaite.

          Ce que cherche à faire Thom c’est d’engager le dialogue avec Mère Nature, en utilisant le langage prôné par Galilée : le langage mathématique.

          Pour moi l’œuvre de Thom devrait être la bible des écolos depuis René Dumont.

          PS: Je lis l’article de Jarry comme une contribution au problème philosophique (je suis de ceux pour qui il s’agit d’un problème essentiel) qu’est l’étude des rapports entre mathématique réalité (cf. MUH dans le billet)

          1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
            BasicRabbit en autopsy

            (complément)

            Ce que propose Thom c’est une méthode et un langage pour nous faire dècouvrir Déesse Mère Nature.

            Invention d’un dieu contre découverte de la nature : PJ a contribué au débat en écrivant tout un bouquin là-dessus.

            1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
              BasicRabbit en autopsy

              Je viens de reparcourir le billet de Jarry et de consulter la fiche Wiki de Tegmark.

              Pour moi c’est de Tegmark que Thom est le plus proche, l’un comme l’autre ne cachant pas leur vision commune d’un impérialisme (que Thom étend au vivant).

              1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
                BasicRabbit en autopsy

                Impérialisme mathématique, bien sûr.!

    2. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @BasicRabbit Comment rajouter un peu de binarité/dualité sexuelle, de Yin et Yang dans cette symbolique du triangle équilatéral, en le dédoublant l’un pointant vers le haut et l’autre vers le bas. Qui plus est en les entremêlants suggérant la possibilité d’une 3ème dimension sous-jacente.

      Mais dans la symbolique le cercle a aussi son attrait, des couronnes d’épines aux auréoles avec les monothéismes aux connotations solaires d’Akhenaton à la dénomination du premier ou dernier jour de la semaine.

      De même 卐 ou plus couramment 卍 est bien peut être un un symbole de dynamique solaire.

      1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
        BasicRabbit en autopsy

        @Ruiz (« symbolisme de la croix »})

        Il faut lire le bouquin éponyme de René Guénon. Il y propose le problème de la quadrature du cercle à sa façon qui est très loin d’être celle du matheux basique.

        Comment introduire du sexe dans « mes triangles »?

        Par exemple en partant d’un triangle équilatéral « mère » posé à plat sur sa base (robustesse) qui génère dichotomiquement quatre petits enfants/triangles équilatéraux dont trois filles, posées à plat comme leur mère, et un garçon, pointe Bic en bas

  12. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    C’est quand même un énorme problème philosophique, ce problème des rapports en mathématiques et réalité.

    Pourquoi les philosophes en sont-ils pratiquement absents faute d’un niveau suffisant en mathématiques ?

    Je date l’amorce de déconnexion à l’époque d’Hegel, quand celui-ci, adepte des causes finales comme Aristote, ne s’est pas intéressé à la version analytique (Lagrange, Euler, Maupertuis, intégrale d’action classique) de la mécanique céleste (mécanique sans frottement), alors qu’il s’est intéressé à cette même mécanique dans son approche Galilée, Képler, Newton.

    S’il l’avait fait je suis convaincu que les philosophes actuels discuteraient avec les physiciens modernes de l’intégrale de Feymann.

  13. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    (suite)

    L’approche Galilée-Newton est de type cause efficiente (on part d’une condition initiale « impulsionnelle ».

    L’approche lagrangienne combine cause efficiente et cause finale (le but à atteindre) et est une approche formelle chère à Thom car elle plonge l’évolution réelle dans un éventail d’évolutions virtuelles et récupère l’évolution réelle en minimisant l’intégrale d’action.

    Pour moi ça devrait faire partie de la formation des philosophes quand est abordée la question des quatre causes aristotélicienne.

  14. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    (suite)

    Les philosophes se sont réfugiés dans la forteresse de la subjectivité et ont laissé le champ libre à la Science qui invente ex nihilo une réalité objective; c’est la fameuse coupure galiléenne.

    L’œuvre de Thom doit être vue comme une tentative de refermer cette coupure profondément démarcationniste :

    « Le philosophe de la nature que j’entrevois* se devra d’être philosophe en science et scientifique en philosophie »

    (*) Thom se compte parmi eux.

  15. Avatar de sextusempiricus
    sextusempiricus

     » Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur. « 

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