L’actualité de la crise : La résistance s’organise, par François Leclerc

Billet invité.

LA RESISTANCE S’ORGANISE

« Rounds d’observation », puis « valse hésitation », que dire en cette soirée dominicale ? Nous connaîtrons sans doute cette semaine les dispositifs de gestion des actifs toxiques et de renflouement des banques retenus aux USA et en RFA. En attendant d’autres inévitables rebondissements, cela va durer ainsi. Les pilotes appellent cela des « touch and go », des atterrissages qui n’en sont pas, l’avion touchant juste la piste de ses roues pour redécoller immédiatement en mettant les gaz.

Je m’interrogeais, profitant de ce temps mort, pour savoir ce que pouvaient bien cacher les dernières déclarations publiques de Jean-Claude Trichet depuis Davos. Tel un sphinx, le président le BCE s’efforce en effet de parler par énigmes. Moins le propos est clair, plus il est sensé avoir de portée. Inutile, a-t-il cette fois-ci déclaré, « d’identifier des boucs émissaires » dans la crise actuelle, « tout le système doit être réformé ». Voici une très louable intention, qui n’est pas sans rappeler le navrant « responsable mais pas coupable » proféré par une ministre française de la santé, suite à un grand scandale dans lequel elle était impliquée.

Un article fort documenté du Times de Londres du 30 janvier, signé Francis Elliott et Helen Nugent, est venu à ma rescousse pour m’éclairer. Le Times citait la déclaration, mardi dernier, du fondateur de Davos, Klaus Schwab : « ces gens (qui ont mené le système financier au bord de l’effondrement) ne sont pas seulement une partie du problème, ils sont également une partie de la solution ». On ne peut être plus clair.

Les journalistes du Times, dans le meilleur de leur tradition, poursuivaient : « Derrière le rideau, en Grande-Bretagne, il se passe tout autre chose. Les gens bien informés racontent que pas un jour ne se passe ou presque sans qu’une équipe de cadres bancaires supérieurs ne soit appelée dans l’urgence au Trésor et remarquée au troisième étage de ses bureaux. » A la façon d’un reportage dans les lieux, l’article épingle les noms et institutions financières d’origine de nombreux membres de l’équipe de 120 experts qui y travaillent depuis peu. On croirait lire l’annuaire des établissements les plus prestigieux. « Pour des raisons très compréhensibles, conclut perfidement l’article du Times, le Trésor est nerveux quand on lui demande s’il s’appuie vraiment sur les conseils de ceux qui sont responsables de la crise financière. « Ces gars ne sont que des hommes de troupe, pas les officiers » a répondu un membre du Trésor ».

Tapis dans leurs « back-office » et salles de marché, les hommes de la finance savent que tout n’est pas perdu. Ils négocient pied à pied et s’efforcent d’éviter l’indicible, des prises de participation publiques. A partir de leur base d’appui chancelante mais toujours en leurs mains, ils escomptent pouvoir ensuite remonter la pente.

PS : Lire l’éditorial incisif du 1er février du Los Angeles Times.

Après Soros, évoquant la création d’une « good bank » de préférence à celle d’une « bad bank », le LA Times titre son édito « Bad bank is a bad idea » et explique pourquoi.

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12 réponses à “L’actualité de la crise : La résistance s’organise, par François Leclerc”

  1. Avatar de leduc
    leduc

    Je ne peux que répéter ce que nombres de commentateurs et analystes pour le moins sceptiques (mais sans doute certainement plus réalistes que les autres) ont déjà dit à ce sujet : comment va t’on attribuer des prix à des actifs pourris pour des bad banks ? Si le prix est trop bas, c’est la banque qui est lésée et va perdre encore plus d’argent, si le prix est trop haut au contraire ce sont encore les contribuables qui vont être mis à contributions pour renflouer le Titanic. Je voudrais bien voir comment ils vont trouver des prix équitable pour tout le monde. Reste à savoir encore si le montant de ces actifs pourris peut-être acceptable, car il se pourrait bien que ce soit le tonneau des Danaïdes, on pourra toujours essayer de le remplir, il ne se remplira jamais car percé de toute part. Enfin bon, le fait déjà d’évaluer globalement le total de tous les actifs pourris et toxiques des institutions financières pourrait déjà nous donner une idée si oui ou non on pourra sortir de cette crise, et au moins un pas vers la transparence aura été faite. A la limite encore une fois, tant que toute la lumière n’aura pas été faite sur les actifs toxiques, les dépréciations à venir, la confiance ne reviendra jamais et ils pourront toujours courir longtemps avant que le crédit reparte et l’économie avec.

  2. Avatar de Stilgar
    Stilgar

    Question à Paul Jorion et à François Leclerc

    Un analyste de mes relations pense possible que les USA puissent abandonner brutalement le dollar pour le remplacer par une autre monnaie, en profitant pour établir un taux de change fixe très, très, très pénalisant pour les détenteurs de dollars ou de titres en dollars. Qu’en pensez-vous?

  3. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    @ Leduc

    Premier élément de réponse apporté par les allemands. Leur plan semble prévoir la création par chaque banque de sa propre bad bank, sous le parapluie d’une garantie de l’Etat. Les structures de défaisance crées pouvant valoriser les actifs « illiquids » (invendables) « at book value » et non plus « fair value ». En clair, au prix où elles les ont achetées et qui ne signifie plus rien. Une fois nettoyées, les banques devenues « bonnes » pourront faire appel au marché pour procéder à des injections de capital. Que deviendront les bad banks ? Seul l’avenir le dira. Après le casino, la magie noire.

    @ Stiglar

    Chapitre hautement stratégique que vous évoquez-là. Ce serait un sacré pied de nez aux détenteurs de bons du Trésor, un Pearl Harbor à l’envers pour les Japonais. Sans parler des Chinois. Ni des Etats pétroliers. Vous voyez l’état des relations commerciales internationales qui en suivrait ?

  4. Avatar de Moi
    Moi

    L’abandon du dollar par les USA est impossible. Ne serait-ce que du point de vue symbolique. C’est la guerre civile assurée.

  5. Avatar de sébastien
    sébastien

    justement l’améro est là : c’est une forme de monnaie unique qui doit englober trois monnaies (dollars us/dollars ca/pesos mexicain) il suffirait de donner une parité élevée à l’améro vs le dollars et hop là le tour est joué.

    ps: ceci n’est qu’une supputation comme une autre.

  6. Avatar de JJJ
    JJJ

    Je ne pense pas qu’il y ait une « solution » technique à l’apurement du stock de dettes. La question est plutôt de savoir si les gouvernements vont prendre l’initiative d’une remise à plat douloureuse, ou s’ils vont atermoyer jusqu’à l’implosion du système, qui devra alors « être réforme » selon la litote de Trichet. D’une façon ou d’une autre, la dette US devra être écrasée par le massacre du dollar. Il ne me paraît pas improbable que puisse naître une monnaie mondiale, la résurrection du « bancor » keynésien…

  7. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    @ JJJ

    On parle aussi de cocktails de monnaies, une résurgence du serpent monétaire européen.

  8. Avatar de alotar
    alotar

    Endettement et déflation…
    Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire un autre système pour le remboursement d’un emprunt? Au lieu d’avoir un capital fixe et des intérêts variables, ne pourrait-on avoir un capital variable (suivant inflation ou déflation) à rembourser? Avec un système d’intérêts différent, moins variables?
    Avant chaque remboursement mensuel, on recalculerait le capital à rembourser; il varierait en fonction de l’inflation ou de la déflation.
    Un système qui permettrait ainsi de réduire la divergence salariale en réduisant en pourcentage peu à peu tous les salaires. Les montants à rembourser des emprunts se réduiraient en proportion.
    Donc capital variable (suivant inflation/déflation) et intérêts fixes, au lieu de capital fixe et intérêts variables.
    Mais peut-être le problème c’est qu’en finance les gains sont basés sur des différences d’intérêts.
    Évidemment l’épargne devrait suivre les même variations de capital, mais ce serait comme les actions, en plus encadré.

  9. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    François Leclerc dit :
    2 février 2009 à 09:50
    et
    François Leclerc dit :
    2 février 2009 à 11:10

    J’ai, une fois ou deux, tenté de parler de l’Améro sur ce blog, mais sans grand succès. C’est quelque chose comme ça qui nous pend au nez, et nous ferait « éponger »un très gros pourcentage des dettes étatsuniennes, ce qui formerait l’ améro résulterait d’une sorte de combiné: ~25%dollars+~25%euros+~25%yuan+~25%yen (+etc? Émirats? Arabie Saoudite?), nivellement par le bas pour les « riches » débiteurs, mais coût nivellement par le haut pour les payeurs. L’accord principal sur l’Améro à été signé le 20 août 2007 au Canada à Montébéllo par les trois présidents des États fédéraux: Bush USA, Stéphane Harper Canada, Felipe Calderón Mexique. J’étais au Canada à cette date là, la presse n’en a à peu près pas parlé, ailleurs encore moins, ou rien. Quand on est pas fier et qu’on trahit, on ne claironne pas. Toutes les décisions financières sont ainsi.

    Voici ce qui sort en tapant: améro sur Google. Voici le lien général de Google sur le mot: améro. Je ne donne aucun lien ni site en particulier car il pourrait y avoir des liens « conspirationnistes », et je sais qu’il y a des liens ou sites conspirationnistes « malodorants », c’est l’inconvénient, mais pas tous.
    Et comme je sais qu’on a (sauf erreur) du discernement, mais que dans la plupart des cas l’on jette le bébé avec l’eau sale du bain… donc, autant discerner.

    Ce projet de l’Améro est sans doute une « option de précaution », mais sans doute plus qu’une simple précaution si l’on a délà fabriqué des pièces et des billets en améros, etc. On peut voir:

    http://www.google.fr/search?hl=fr&q=amero&btnG=Recherche+Google&meta=&aq=f&oq=

  10. Avatar de jacques
    jacques

    C’est pas avec du vinaigre qu’on attrape les mouches. Dévaluer le dollar, c’est bien à court terme.Mais à quel taux croyez-vous vous refinancer à court terme par la suite, puis à long terme ? Il n’y aura plus personne hormis le contribuable américain et ses dettes à la consommation. Autant nationaliser tout de suite les banques, pendre les banquiers ou les envoyer aux guichets pour se reéduquer facon garde rouge.Keynes et Marx ne donnant pas de résultats probants, pourquoi pas un petit coup de Mao plutot que d’Améro ou d’Apéro.

  11. Avatar de JeanNimes
    JeanNimes

    On a bien tapissé des murs avec des emprunts russes… personne ne les achetés (sauf à la fin du XXe siècle !).

    Pourquoi ne pas mettre tous ces « papiers » (ABS,CDS, CDO et autres), avec ou sans valeur, dans un « bureau d’état » et attendre de voir comment ils mûrissent/pourrissent et ce qu’ils valent dans un an, deux ans, dix ans… ? En clair, ils sont déposés sans contrepartie d’aucune sorte…, l’état les vend s’il trouve acheteur et alimente la banque nationale (voir ci-après). Ainsi les contribuables seraient dédommagés d’une partie de leurs pertes.

    Créer une banque nationale neuve -seule maîtresse du crédit- avec l’argent qui reste, créer ses agences régionales et les gérer sous le contrôle des élus de la région pour vérifier l’application des priorités des crédits au développement : introduire la démocratie et se rendre maître de la destination des fonds.

  12. Avatar de Franck du Faubourg
    Franck du Faubourg

    Tout cela fait pas mal penser aux turbulences des années 30, l’époque des procès pour « conspiration » du cartel des grandes banques, la dénonciation de Butler, etc….avec les procès en moins!
    Quand Trichet dit que le système doit ètre réformé, qu’un Klaus Schwab annonce clairement que « ces gens … ne sont pas seulement une partie du problème, ils sont également une partie de la solution », correspond bien à une « résistance » d’un milieu financier majoritaire – ou en tous cas des leaders occidentaux.
    Qui y a t-il pour s’opposer à eux, pour proposer (imposer??) une option alternative?
    -Les politiques?: rien à l’horizon.. mème les « partis de gauche » sont quasi totalement muets sur ce sujet!
    Pour l’instant, les gouvernements arrosent les banques -et corporate business- à coup d’argent public, mais se contentent de jeter quelques miettes aux « populations » dont revenus et visions d’avenir sombrent à toute vitesse .
    Rumbo relance le débat sur l’Améro, monnaie qui peut nous sembler inconcevable aujourd’hui. Mais qu’en sera t-il d’ici un an ou deux?
    Alors; encore un « coup à la FED », façon 1907/1913?
    L’ option actuelle consistant à faire porter la charge de la dette sur le dos du contribuable est tout de mème une belle arnaque, car elle consiste en gros à dédouaner le « fraudeur » de ses obligations sur le dos des « moutons précédemment tondus », leur faisant porter pour des années la charge d’une dette écrasante… selon le schémas bien connus de l’endettement perpétuel des Latinfundiaires, ou des « négriers de Taiwan »
    La ficelle est grosse!
    Il devrait pourtant ètre clair aux yeux de tous que la machine financière s’est emballée depuis 1971/1975, et qu’on est arrivé au bout de la bulle exponentielle!
    Quelqu’un aurait-il lu des livres de Pierre Leconte?

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