Billet invité
Le typhon Ma-On, qui menaçait la centrale sinistrée de Fukushima, l’a finalement épargnée pour aller se perdre dans l’océan. Comme lors de l’épisode précédent, des mesures de fortune avaient été prises par Tepco, l’opérateur, n’empêchant pas le niveau de l’eau contaminée de dangereusement monter dans les sous-sols en raison des pluies diluviennes.
La vulnérabilité des installations dévastées est grande, aux pluies tropicales mais sans doute bien davantage encore à de nouveaux séismes, dont il est impossible de prévenir les conséquences sur les structures des enceintes de confinement, au fond desquelles reposent des coriums.
Ce qui n’empêche pas les autorités politiques, en mal de reconnaissance, de s’allier avec l’opérateur de la centrale pour affirmer aux Japonais que la première étape de sa reprise en main a été atteinte. En réalité, le système de décontamination de l’eau, sur lequel repose tous les espoirs d’installation de nouveaux circuits de refroidissement des réacteurs en circuit fermé, est loin de fonctionner avec le rendement prévu. Ce qui au mieux va sérieusement retarder la suite des opérations.
La démonstration a été largement faire, durant ces quatre derniers mois, que les incidents intervenant dans les installations nucléaires, dès qu’ils atteignent une certaine proportion et a fortiori n’ont pas été prévus, sont très difficilement maîtrisables. Quand ils le sont. Remettant à leur juste place toutes les affirmations péremptoires sur la sûreté nucléaire. Ce qui permet de mieux apprécier la balance exacte entre les risques encourus et les avantages présumés.
Une seconde éclatante démonstration est en cours, qui montre la vacuité des mesures de protection de la population. La centrale a dégagé – et continue de le faire, à moindre échelle – une importante contamination radioactive dans l’atmosphère, sur terre et dans l’océan. Des inquiétudes, voire des polémiques, se sont manifestées à propos de la qualité des mesures officielles et des dispositions qui ont été prises en conséquence : une zone d’évacuation de 20 kms et une zone de 30 kms intitulée « zone de préparation à l’évacuation d’urgence ».
Mais ces mesures élémentaires ont été déjouées de multiples manières. Il est ainsi apparu que la contamination ne respectait pas les règles de la géométrie et n’avait que faire des cercles parfaits des zones ainsi délimitées. Le gouvernement, qui voudrait lever certaines restrictions dans la bande des 20-30 kms autour de la centrale, va tardivement évacuer de nouvelles zones au Nord-Ouest de la centrale. Il résiste fermement aux demandes d’évacuation des enfants et des personnes âgées formulées avec insistance dans la préfecture (région) de Fukushima.
Mais un gigantesque problème est arrivé là où il n’était pas attendu. Près de 1.500 bovins contaminés ont été ou allaient être livrés à la consommation dans tout le pays. Et il est immédiatement apparu que toutes les mesures de contrôle et d’interdiction à la consommation du bétail provenant de la région de la centrale ne résoudraient rien, car ces boeufs proviennent d’exploitations réparties dans tout le pays. Leur contamination provient de l’ingestion de paille de riz, livrées par des fermes des environs de Fukushima. Au total, ce sont des dizaines de fermes réparties dans huit préfectures qui ont nourri leur bétail avec de la paille de riz contaminée au césium.
Pendant les travaux, la contamination continue ! Sauf à mettre sous cloche une région toute entière, la radioactivité se propage via la chaîne alimentaire. Les boeufs ont ouvert sur terre la voie, que va-t-on découvrir dans la mer, dont les poissons, crustacés et algues forment l’ordinaire des Japonais ?
La seconde démonstration que la catastrophe de Fukushima est en train de faire est qu’il n’est pas possible de contenir une telle contamination, dont la propagation impose des quarantaines très strictes et, en ce qui concerne la mer, encore plus problématiques pour leur mise en oeuvre.
Le complexe électro-nucléaire japonais vient de réaliser un coup double et de mettre en évidence qu’il n’était pratiquement prêt ni à assurer la sécurité de ses installations, ni celle de la population. Ce qui ne l’empêche pas de chercher à obtenir la relance des centrales arrêtées, en actionnant tous ses leviers, les connivences et les complicités dont il bénéficie au sein de l’appareil d’État et du monde politique.
54 réponses à “FUKUSHIMA : « Pendant les travaux, la contamination continue », par François Leclerc”