L’actualité de la crise : EN RANGS DISPERSÉS, par François Leclerc

Billet invité

La compilation des réactions européennes face au risque d’entrée de l’Italie et de l’Espagne dans la zone des tempêtes est édifiante. Tout autant que le silence qui, à quelques exceptions près, a régné à propos de la dégradation de la note de la dette américaine.

François Baroin, ministre français des finances, s’est essayé sur ce dernier sujet pour affirmer sa «totale confiance dans la solidité de l’économie américaine et de ses fondamentaux ». « La note de Standard & Poor’s n’est qu’un élément d’appréciation de la situation financière des États-Unis », a-t-il expliqué, considérant que « on peut se poser la question d’une telle décision sur la base de chiffres pas consensuels ». On sera charitable.

Ministre du budget, Valérie Pécresse en a tiré les leçons : « Le message très clair que nous voulons donner aux Français, c’est que la France sera au rendez-vous du redressement de ses comptes. La France sera au rendez-vous de la réduction de son déficit cette année et l’année prochaine ».

Sur la même ligne, un porte-parole du premier ministre britannique a trouvé dans la décision de Standard & Poor’s « la justification des mesures d’austérité britanniques destinées à réduire le déficit public ». En l’absence du premier ministre et des principaux membres du gouvernement, une réunion s’était tenue avec les représentants de Downing Street, du Trésor et du Foreign Office.

Le gouvernement allemand s’est pour sa part refusé à tout commentaire sur la dégradation américaine. Il a été plus prolixe sur la situation européenne. Philipp Rösler, ministre de l’économie, a réitéré ses critiques envers les déclarations de José Manuel Barroso demandant de réévaluer les capacités du Fonds européen de stabilité financière (FESF), lui opposant le credo de la discipline budgétaire. Les Allemands laissaient par ailleurs à Nicolas Sarkozy l’initiative de convoquer un G7 finances, du ressort de sa présidence, manifestant qu’ils n’y étaient pas favorables.

Enfin, un article dont la parution est annoncée pour demain par Der Spiegel affirme en reflétant la position gouvernementale que le FESF n’a pas été conçu pour assurer le sauvetage de l’Italie, en raison de l’importance du financement qui serait nécessaire. Ne laissant comme solution à l’Italie que de se tirer seule d’affaire.

A noter qu’Elena Salgado, ministre espagnole des finances, tenait un tout autre langage et critiquait publiquement Jean-Claude Trichet, pour la « confusion» qu’il a créée sur les marchés. Regrettant entre les lignes l’absence d’achat d’obligations espagnoles.

La seule déclaration notable du côté italien a été celle du ministre Umberto Bossi, leader de la Ligue du Nord, qui a présenté comme acquise la décision de la BCE d’acheter des obligations italiennes. Sauf à juger un peu plus crédible l’objectif assigné par Silvio Berlusconi d’arriver à l’équilibre budgétaire en 2013 au lieu de 2014. A ce propos, si le ridicule pouvait encore atteindre le chef du gouvernement, sa dernière déclaration selon laquelle – on mesure son sacrifice – il allait travailler « sans interruption » tout le mois d’août, pourrait y contribuer.

Classiquement, José Luis Rodriguez Zapatero et Silvio Berlusconi ont jugé « peu compréhensibles les fortes fluctuations et les mouvements spéculatifs des marchés de la dette souveraine », secondés par le commissaire européen aux affaires économiques Olli Rehn, qui a tout aussi classiquement fait état de la qualité des fondamentaux des deux pays.

Ayant tous les fers au feu, on ne sait jamais, Olli Rehn a à la fois estimé qu’il fallait renforcer le FESF, hâter la mise en application des décisions du dernier sommet – sur lesquelles il dit travailler « jour et nuit » – et qu’une coordination avec le G7 et le G20 était indispensable.

Herman van Rompuy n’était visiblement pas joignable, tout comme Jean-Claude Juncker qu’il devrait remplacer comme porte-parole de l’Eurogroupe.

Que ressort-il de ce tour d’horizon ? Que les principaux leaders européens ne sont d’accord que sur l’application au plus vite de ce qu’ils ont déjà décidé… Bien que cela ne réponde pas, selon les Allemands, aux problèmes apparus depuis, pour lesquels ils n’ont rien à proposer.

L’organisation d’un simple conférence téléphonique des ministres des finances du G7 semble poser d’insurmontables problèmes, les desseins de la BCE restent impénétrables, en attendant une autre conférence téléphonique annoncée pour demain dimanche.

À propos de l’Italie et de l’Espagne, la faible croissance économique que ces deux pays ont enregistrée au deuxième trimestre n’est pas de bon augure. Les chiffres sont de respectivement 0,3 % et 0,2 %, soit une quasi stagnation. Tout assainissement budgétaire devenant, dans ces conditions, particulièrement problématique. Les 3ème et 4ème économies européennes sont menacées d’entrer en récession si de nouvelles mesures d’austérité devaient être décidées.

Le décalage enregistré entre ce qui est désormais appelé un « krach » sur les marchés, dont on verra lundi la suite, et les déclarations des autorités est abyssal. Il ne témoigne pas, c’est le moins que l’on puisse dire, d’une grande maîtrise de la situation, faisant craindre le pire. Un peu à la manière, mais dans un autre contexte, du spectacle offert les semaines passées à Washington, dont on a depuis vu l’accomplissement. Les dirigeants européens ne sont pas seulement en désaccord entre eux, mais ils n’ont surtout rien à proposer, si ce n’est la poursuite de ce qu’ils ont engagé avec le succès que l’on sait.

Un article de Martine Aubry, leader du parti socialiste français, paru aujourd’hui samedi dans Libération, confirme s’il en était besoin que la social-démocratie n’est pas mieux lotie. Réclamer l’intervention massive de la BCE et celle du FESF, pour prendre ses deux points essentiels, n’aboutirait au mieux qu’à poser des pansements et ne résoudrait aucun des problèmes en cause. L’introduction d’une taxe sur les transactions financières – telle qu’elle est conçue – est un gadget, et la formation d’un « gouvernement de la zone euro, doté d’une capacité d’emprunt et de ressources fiscales propres qui lui permettent d’agir » une formule sans contenu, puisqu’il n’est pas dit pour quoi faire. Et puis, « il faut être deux pour danser le tango », disent les Anglais.

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