L’actualité de la crise : LE MIRACLE QUI N’AURA PAS LIEU, par François Leclerc

Billet invité.

Après avoir plongé, les bourses rebondissaient en cette fin de semaine, loin toutefois de remonter toute la pente. Est-ce finalement une tempête dans un verre d’eau ? Le résultat combiné de spéculations boursières acharnées et d’automatismes informatiques pervers ? En un mot, faut-il encore s’intéresser à ce yo-yo, quand bien même les écarts à la baisse, et parfois à la hausse, prennent des ampleurs inégalées ?

L’apaisement constaté aujourd’hui pourrait à première vue donner raison à ceux qui dénoncent la spéculation pure et simple, et constituer un effet présumé des mesures d’interdiction des ventes à découvert dans plusieurs pays européens. Mais ce serait oublier, pour rester sur ce terrain, que les Britanniques se sont vigoureusement opposés à ce que cette mesure soit prise au niveau européen et que la City est connue pour être l’un des centres les plus actifs et importants sur ce marché particulier, avec Wall Street, où aucune interdiction de ce type ne sévit. La preuve par le contraire n’est donc pas faite.

Une interdiction des ventes à découvert des actions d’un certain nombre d’établissements financiers n’exclut pas, certes, d’autres spéculations, qui ne font alors que justifier les propositions (défendues sur ce blog) d’étendre et de rendre permanente une interdiction des prises de position « nues » (sans exposition à un risque préalable) sur certains de ces instruments financiers, positions qui s’assimilent à des paris sur des fluctuations de prix.

A ce propos, les tentatives européennes d’avancer sur le terrain des ventes à découvert auraient beaucoup avancé, d’après Michel Barnier, le commissaire chargé des services financiers. Le gouvernement allemand poussant et les Britanniques s’y refusant. Il faudra voir, lorsqu’il sera connu, en quoi consistera exactement ce qui est souvent appelé « un encadrement ».

Sur un autre sujet tout aussi sensible, le projet d’une taxe européenne sur les transactions financières serait d’après Valérie Pécresse, ministre française du budget, « en train d’avancer ». Sans que l’on connaisse l’assiette, le montant de la taxe et son affectation budgétaire, éléments nécessaires pour en apprécier la portée.

Ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que ces deux mesures vont être présentées comme des avancées majeures, destinées aussi à faire avaler une pilule très amère : l’intensification de la rigueur, au nom de la diminution des déficits publics, en raison de la faiblesse accrue de la croissance.

A ce dernier propos, les économistes et experts les plus sollicités rivalisent de vocabulaire pour ne pas parler de récession et préfèrent s’en tenir d’un ton pénétré à un scénario de croissance molle. « L’économie mondiale n’ira pas spontanément en récession » annonce un directeur de recherche de Natixis, pour prédire « une croissance durablement limitée »… Et si elle était un peu poussée pour y tomber ?

Revenir à cette semaine où les bourses ont joué aux montagnes russes permet de recadrer le débat. Les banques et les compagnies d’assurance européennes se sont retrouvées dans le collimateur, cela fait sens. Longtemps camouflée, leur grande fragilité est apparue au grand jour : c’est leur absence de transparence qui s’est retournée contre elles. D’autant qu’elles ont cherché à esquiver le seul test qui vaudrait : celui du risque résultant de leur exposition à la dette souveraine, qu’elles tentent en permanence de minimiser.

Facteur aggravant, la baisse annoncée des perspectives de croissance économique n’a pu que renforcer les craintes que des défauts sur la dette ne soient inévitables, alors que les Européens ne parviennent à mettre à scène de manière crédible que leurs désaccords sur la mutualisation de la dette européenne, qui permettrait a priori de mieux la garantir. Impliquant que le scénario à la grecque d’une décote volontaire se reproduise et déséquilibre les banques les plus fragiles, puis les autres par effet de domino. Car, pour finir, une incertitude plane sur la solidité de leurs fonds propres.

Ce scénario n’est pas celui de l’apocalypse, il est le plus probable. Ce qui explique la folie boursière de cette semaine.

Même si les spéculateurs sont effectivement à la manœuvre, les effets pervers que nous observons ne peuvent leur être attribués en totalité. Le terrain européen est totalement miné.

On attend désormais des miracles de la rencontre d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, mardi prochain, miracles qui ne se produiront pas. Didier Reynders, le ministre belge des finances, a confirmé hier qu’aucune réunion des ministres des finances au niveau européen n’était pour l’instant prévue avant les 16 et 17 septembre prochains, en dépit de plusieurs demandes. Les parlements nationaux vont devoir prioritairement adopter les décisions du sommet du 21 juillet dernier, et le Bundestag va en particulier se pencher sur le sort du Fonds de stabilité financière européen.

Quelle impulsion pourrait être donnée, qui ne le sera pas ? Une mise à plat du système bancaire européen reste indispensable et serait bien moins dispendieuse que le sauvetage successif des Etats. Mais cela serait reconnaître que la crise de la dette n’est pas seulement celle des finances publiques. Un nouveau simulacre d’aides remboursées aux banques ne serait plus jouable, et cela renverrait au début de la crise, lorsqu’il était question de réguler drastiquement l’activité financière et que les banques étaient même, dans certains cas et pays, nationalisées sans autre forme de procès.

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