Billet invité
L’Italie va devoir refinancer 400 milliards d’euros de sa dette d’ici à la fin de l’année, alors que le FESF dispose encore de 250 milliards d’euros en raclant les fonds de tiroir. La BCE semble de son côté avoir décidé d’arrêter de tenter d’enrayer la hausse des taux italiens, qui grimpent en flèche. La prochaine émission obligataire qui a lieu demain jeudi aura valeur de test.
La recherche d’une solution politique – gouvernement technique ou d’unité nationale – comme l’adoption d’un nouveau plan de mesures de rigueur, déjà jugé insuffisant, par un parlement menacé d’élections anticipées n’y feront rien : l’Italie est tombée dans le trou. Cela n’a cependant pas empêché la Task force, aussitôt arrivée à Rome, d’annoncer en préambule que de nouvelles mesures étaient indispensables, suivant un scénario immuable.
Le compte est vite fait, les Européens n’ont pas les moyens d’aider l’Italie et vont devoir inventer dans l’urgence une solution désespérée, à moins que la BCE ne se mette de la partie, ce qui est fort peu probable. En espérant que financer l’Espagne ne sera pas simultanément nécessaire, et en rejetant dans ces conditions toute renégociation avec les Portugais et les Irlandais, qui l’ont demandé. Pour ces derniers, un discret petit accommodement a été trouvé depuis un certain temps, avec l’accord de la BCE, qui ferme les yeux, permettant à la banque centrale irlandaise de soutenir l’Etat pour aider les banques. Mais tout capote par ailleurs.
Circonstance aggravante, pour que le FESF puisse en décembre, comme espéré, assurer partiellement les investisseurs de la dette italienne contre leurs pertes potentielles, il doit conserver intact son matelas actuel de 250 milliards d’euros, la base d’appui de son futur levier. Ce qui l’empêchera de réaliser d’autres interventions, notamment en faveur des banques qui doivent se recapitaliser et ne vont plus pouvoir compter sur ce soutien potentiel.
Au lendemain de la visite de Christine Lagarde à Moscou, les Russes viennent de déclarer que, faute de comprendre la manière dont le FESF allait pouvoir disposer d’une force de frappe de mille milliards d’euros, ils ne contribueraient pas dans l’immédiat à l’opération. Des précisions ont certes été annoncées pour la fin du mois par Jean-Claude Juncker, ce qui n’incite pas à l’optimisme, car cette échéance semble avoir été formulée pour la circonstance afin de correspondre au calendrier de financement des besoins de l’Italie.
Le sauvetage de l’Europe est une entreprise de longue haleine qui ne fonctionne pas au même rythme que l’extension de sa crise. Les Brésiliens viennent ainsi d’accepter l’idée d’un soutien financier mais le lient explicitement, sans le chiffrer, à une augmentation de leurs quotas au sein du FMI, ne voulant pas entendre parler d’une aide directe aux Européens.
La crise s’est précipitée en Italie, les marchés n’ayant pas le bon goût d’attendre que les fonds qui permettraient de la sortir du marché soient disponibles, pouvant laisser dorénavant craindre qu’ils ne le seront jamais.
Déjà, les banques portugaises se sont plaintes auprès de Bruxelles des mesures de nationalisation qui pèsent sur elles, si elles ne parviennent pas à se recapitaliser par elles-mêmes, en dépit des assurances du Premier ministre que l’Etat serait un partenaire dormant. Mais comment toutes les autres banques détentrices de la dette italienne – Françaises en tête – vont-elles faire ? Comment vont-elles valoriser les titres de la dette italienne qu’elles détiennent en masse, après avoir dû le faire avec la grecque ? On attend les précisions, notamment de BNP Paribas.
Il est annoncé par la Banque de France que la croissance économique française va être nulle au quatrième trimestre de cette année, une manière d’éviter le terme de stagnation. Elle serait de 0,1% au troisième, après avoir été déjà nulle au second. La croissance allemande ne se porte guère mieux, annoncée pour atteindre au mieux 0,9% l’année prochaine, en brutale décélération par rapport à cette année, où elle devrait approcher 3%. Les experts allemands ont émis toutes les réserves et prévu qu’une détérioration plus rapide pourrait même aboutir à une croissance presque nulle. La récession qui se généralise au sein des pays de l’OCDE produit ses effets sans tarder.
Dernier constat : le spread entre la France et l’Allemagne continue de croître, mesurant la différence des taux entre les obligations françaises et allemandes. L’écart se creuse, tant au plan financier qu’au plan politique, car les deux gouvernements divergent sur la réponse à apporter à la crise, le premier souhaitant toujours l’intervention de la BCE. C’est ce moment que choisit la fédération des exportateurs allemands pour expliquer qu’un plan B est nécessaire et que les industriels allemands, tout bien pesé, pourraient « vivre sans l’euro ». Un pari qui deviendrait selon eux préférable de tenir, plutôt que de subir la situation actuelle, une fois acquis que l’Italie va de toute manière sombrer.
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