DRAME DE LA MER

Un chaland est un bateau à fond plat, servant au transport de matériaux. Il m’est arrivé de voir l’un de ces bateaux en mer et de me dire : « Ce n’est pas bien marin, tout ça ! » et de m’inquiéter un peu.

Le 23 janvier, un chaland s’est retourné à la Teignouse entre Quiberon et Houat. Un homme avait disparu, l’autre fut retrouvé mort à l’intérieur de la coque retournée.

Le lendemain, j’étais allé déjeuner à la Guinguette de Conleau (familière à mes visiteurs à Vannes).

Un homme était là, debout devant le comptoir, racontant aux quelques présents, le drame de la veille.

Il connaissait bien la mer, et les bateaux.

Il expliquait ce qui s’était passé, avec quelques descriptions très techniques, et moult gestes : « Tu vois : une « plate » comme ça, il y a deux portes sur la « passerelle » (la cabine), une de chaque côté. Eh bien ! la réglementation, c’est qu’elles doivent s’ouvrir vers l’extérieur : pour qu’on ne reste pas prisonnier s’il arrive quelque chose. Mais un bateau comme ça, qui va en mer et qui se retourne ? Tu vois ce qui se passe ? Hein ? La pression de l’eau sur les portes ? Tu crois que tu vas arriver à les ouvrir ? »

Et il conclut sa narration par quelques paroles qui glacèrent son minuscule auditoire : « Le gars à l’intérieur, l’eau, il aura eu le temps de la voir monter ! »

Quand je me suis rendu à la Guinguette la fois suivante, j’avais pris deux exemplaires de Les pêcheurs d’Houat : un pour le patron, et le second pour mon narrateur.

J’ai demandé au patron s’il connaissait le bonhomme qui avait raconté l’histoire de la « plate ». Il m’a répondu : « Pas très bien, il est venu quelques fois. Mais laisse le bouquin : je me débrouillerai ! »

Ce midi, profitant d’une accalmie entre deux averses, j’ai longé le Vincin tout ennoyé à la marée haute, pour aller déjeuner à la Guinguette. Au moment de partir, le patron m’a dit : « Je t’ai pas raconté ? Mon frère est allé à Belle-Île, je lui avais dit de trouver le gars et de lui donner le livre : c’est fait ! »

J’y avais écrit quelques mots : « Pour nous avoir si bien expliqué un drame de la mer ».

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