La faute de Pascal Lamy, par Rémi Chanrion

Billet invité.

Pascal Lamy est, comme la majorité des socialistes français, un libéral qui usurpe le titre de socialiste. Il préconise, dans une émission sur la LCP, la suppression du SMIC, comme remède au chômage, au nom du réalisme économique. Sa proposition démontre une méconnaissance totale des rouages économiques puisque c’est précisément la baisse des salaires qui entraîne le chômage. Si nos salaires sont abaissés, nous achèterons moins de produits et de services. Dès lors les entreprises auront moins besoin de produire. Ce qui entraînera mécaniquement un sureffectif de salariés dans les entreprises, aboutissant ainsi à des licenciements supplémentaires. Les nouveaux licenciés auront alors un pouvoir d’achat plus bas, ce qui entraînera à nouveau une baisse de la consommation qui entraînera à son tour de nouveaux licenciements. Cette spirale récessionnaire sans fin est celle que le monde occidentale vit actuellement. Nos dirigeants continuent pourtant de penser que c’est parce qu’ils n’ont pas assez injecté le poison de la déréglementation que celui-ci ne s’est pas transformé en remède. Les préconisations de type libéral de Pascal Lamy ont montré de manière caricaturale leurs effets dévastateurs en Grèce, pays dans lequel le chômage était de 8%, en 2008, avant l’arrivée du FMI, et approche 6 ans plus tard, les 30%.

Les Allemands qui aujourd’hui sont en train de mettre en place un SMIC proche du niveau français, sont très souvent invoqués à titre de modèle par les dirigeants français. Ils ont mis en place ce que l’on pourrait appeler désormais de manière générique la « politique Lamy », d’absence de salaire minimum, via les réformes Hartz.

S’ils sont pu le faire un temps c’est précisément parce que l’Allemagne illustre ce que l’on pourrait qualifier la « ruse suprême du capitalisme ».

Le capitalisme classique tente constamment de réduire les salaires pour accroître toujours plus son profit. Ce capitalisme s’expose toutefois classiquement à terme, selon ce modèle, à une crise de sous-consommation du fait de la faiblesse des salaires versés, entraînant alors une récession du fait d’une impossibilité d’écouler ses produits, faute de demande. Le capitalisme moderne incarné par la classe économique allemande contourne l’obstacle par le biais de l’exportation.

La faiblesse des salaires n’est plus pour lui un problème, du moins à terme. Et cela parce que les consommateurs de biens sont distincts des producteurs des dits biens. Le producteur est allemand, mais le consommateur est non-allemand. Ce qui aboutit à ce que le sous-paiement des salariés ne soit plus un problème pour les entreprises allemandes, qui se moquent de la faiblesse du pouvoir d’achat des Allemands, ceux-ci n’étant pas leurs clients.

En réalité, le système allemand, par la dissociation entre producteurs (nationaux) et consommateurs (étrangers), est un système dans lequel le capital a trouvé la solution pour vivre aux dépens de la classe productrice, en écartant son obstacle historique, qui limitait ses possibilités de baisse des salaires, à savoir une crise de sous-consommation, du fait du faible pouvoir d’achat des salariés.

Il faut dès lors en finir avec deux mythes : celui de la déréglementation libérale, et corrélativement celui du modèle allemand.

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