On ose spéculer sur la faim… et sur le reste, par Serge Boucher

Billet invité.

Oxfam France dénonce la spéculation sur le marché des matières premières agricoles, qui « aggrave la volatilité des prix alimentaires » et « [met] en péril le droit à l’alimentation de centaines de millions de personnes », et la presse relaie cette juste indignation. C’est vraiment le moins qu’elle puisse faire.

On peut cependant se demander s’il est justifié de ne s’intéresser qu’aux denrées alimentaires. En effet, d’un point de vue purement technique, la spéculation sur les produits agricoles n’est pas très différente des autres.

Émettons l’hypothèse que les paris de la finance sur les futures de silicium augmentent la volatilité des prix de cette matière première, et que ceci entraîne une augmentation faible mais réelle des prix de tous les appareils électroniques vendus dans le monde. Certes, que l’acheteur d’un iPhone 6 Plus doive débourser un tout petit peu plus pour acquérir son joujou est l’archétype du « problème de riche », et ne saurait, fort heureusement, susciter la même indignation que la mise en péril de l’alimentation de centaines de millions d’êtres humains.

Il n’empêche, l’habitant moyen de nos pays, qui ne craint pas pour son alimentation, doit-il accepter de payer tous ses achats un petit peu plus cher pour permettre au casino subsidié planétaire qu’est la finance contemporaine de continuer à opérer comme il le fait ?

De deux choses l’une : soit les arguments des financiers justifiant la spéculation sont fondés, et celle-ci, bien loin d’augmenter la volatilité, contribue à fluidifier les marchés en y augmentant la liquidité et en envoyant des « signaux » qui favorisent une rapide convergence des prix, au bénéfice de tous les acteurs. Auquel cas l’argumentation d’Oxfam est fallacieuse et l’indignation qu’elle suscite nulle et non avenue.

Soit, et ceci semble bien plus probable, les aspects positifs de la spéculation sont négligeables, et elle n’est qu’une ponction illégitime de la finance sur l’économie réelle. Auquel cas elle doit être interdite. Partout.

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