Billet invité.
Les données de mesure concernant le mois de juillet 2015 viennent d’être rendues publiques par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), par l’intermédiaire de son département National Centers for Environmental Information [1]. Sans surprise [2], ce mois de juillet 2015 est déclaré le plus chaud parmi tous les mois de juillet enregistrés depuis 1880, du fait notamment d’un nouveau record de l’anomalie de température moyenne des océans à +0,75°C, portant l’anomalie de température moyenne globale (continents + océans) de ce mois de juillet à +0,81°C, le record de l’anomalie de température moyenne de l’hémisphère sud confirmant la tendance au réchauffement de cette région du monde. De plus, la consolidation des données de mesure sur la période allant de janvier à juillet 2015, semble confirmer que l’année 2015 serait en passe de devenir l’année la plus chaude depuis 1880, avec une anomalie de température moyenne globale qui se maintient à +0,85°C [1], avec d’ores et déjà 4 mois / 7 qui se retrouvent gratifiés de la triste 1ère place, et 2 mois / 7 de la 2de place depuis 1880.
Mais le plus intéressant dans tout cela, c’est que ce constat peut-être fait alors même que l’activité solaire devient quant à elle de plus en plus atone à l’approche de la fin du cycle 24, confirmant ici le fait, largement étayé par le GIEC [2] [3], que le Soleil n’a que très peu d’influence sur le forçage radiatif terrestre total. La NOAA, par l’intermédiaire de son département Space Weather Prediction Center [4], publiait le 8 août dernier les derniers relevés propres au cycle solaire 24, qui s’avèrent depuis le début de l’année, nettement en dessous des prévisions, le cycle 24 étant l’un des plus faibles jamais enregistré depuis le cycle 16 des années 30 [5]. Et malgré cela, point de répit pour l’anomalie de température moyenne globale qui continue de battre de nouveaux records…
Dans le graphe ci-dessous établi sur la base des données de mesure collectées depuis 1880, la NOAA montre l’influence d’au moins quatre contributions sur le changement climatique terrestre : le Soleil, les gaz à effet de serre, les volcans et El Nino. Notons au passage que le champ magnétique terrestre ainsi que les rayonnements cosmiques (autres que ceux du Soleil) n’y sont pas représentées. Il en ressort malgré tout, que la variabilité solaire n’a que très peu d’impact sur l’anomalie de température moyenne globale, et ne contribue, au même titre que la variabilité volcanique et la variabilité tropicale, qu’en terme de fluctuations des températures.
Source : NOAA Space Weather Prediction Center [4].
Rq. la courbe rouge représente l’anomalie de température moyenne globale depuis 1880 et la courbe blanche la modélisation obtenue au moyen des quatre contributions représentées.
Du côté de la cryosphère terrestre, les choses ne vont guère mieux. Du côté de la banquise arctique notamment où le sursaut de 2013 semble bel et bien acquis suite au minimum record en surface du 17 septembre 2012 à 3,387 million de km² [6], la mesure de la surface se situant à ce jour entre les mesures de 2010 et 2011 collectées à la même période, comme le montre la présentation interactive du NSIDC (National Snow and Ice Data Center) [7]. Il est donc fort probable maintenant que nous connaissions un nouveau minimum record en surface dans les 2 ou 3 prochaines années.
Mais le plus éloquent n’est pas tant la mesure de la surface de la banquise arctique que celle de la banquise antarctique puisque un comportement tout à fait anormal est actuellement observable depuis le 13 juillet 2015, la courbe des mesures ayant soudainement rompu avec la tendance annuelle habituelle, croisant l’une après l’autre (ou s’apprêtant à le faire) quasiment toutes les courbes des mesures consolidées entre 1979 et 2014. Ce comportement pour le moins étonnant dans de telles proportions, est actuellement observable depuis la même présentation interactive du NSIDC (National Snow and Ice Data Center) [7] où il est possible de basculer du modèle propre à l’Arctique à celui de l’Antarctique :
Source : NSIDC (National Snow and Ice Data Center) [7] avec mise en évidence des données.
On y observe sans trop de difficulté un changement assez brutal de la distribution de la tendance à un instant t qui explique le croisement de la courbe des mesures de 2015 avec quasiment toutes les autres, et notamment celle correspondant à la moyenne des mesures pour la période 1981-2010. Ce comportement dure maintenant depuis plus d’un mois et semble vouloir se poursuivre ainsi, la courbe des mesures de 2015 venant même de se positionner juste au dessus de la courbe des mesures de 2007. A ce stade, un retournement de situation est certes encore possible, que ce soit à la hausse, comme ce fut le cas notamment en 2007, ou à la baisse, comme ce fut le cas par exemple en 2001…
Toutefois, si la tendance actuelle devait se confirmer d’ici la mi-septembre, il en découlerait probablement un déficit record de l’ensemble de la cryosphère terrestre, les calottes glacières poursuivant quant à elles leur régression sur l’ensemble des continents [8], et notamment en Asie centrale où elles ont d’ores et déjà perdu plus du quart de leur masse en seulement un demi-siècle [9]. Il en découlerait également la confirmation que l’année 2015 serait en passe de devenir l’année la plus chaude depuis 1880.
Toujours est-il que nous avons ici la parfaite illustration de ce que serait, en traitement du signal, un événement/incident singulier que seule l’entropie de Shannon [6] [10] serait en mesure de révéler (appliquée à la dérivée première de la variable de mesure concernée).
Il est en train de se passer quelque chose de singulier en Antarctique, de quoi donner de sérieux maux de têtes au plus irréductible des climato-sceptiques…
Message de Tintin à l’attention des humains :
« Allo la Terre ? Ici la Lune ! IL FAUT TOUT STOPPER ! ET VITE ! » [11].
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[1] NOAA National Centers for Environmental Information, State of the Climate: Global Analysis for July 2015, published online August 2015, retrieved on August 24, 2015 from http://www.ncdc.noaa.gov/sotc/global/201507
[3] 5ième rapport du GIEC :
http://www.ipcc.ch/report/ar5/
[4] NOAA Space Weather Prediction Center, Sunspot Number Progression for July 2015, published online August 2015, retrieved on August 24, 2015 from
http://www.swpc.noaa.gov/products/solar-cycle-progression
[5] Cycle solaire, Wikipédia, L’encyclopédie libre, 18/05/2015 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_solaire
[7] Arctic Sea Ice Extent, NSIDC, 24/08/2015 :
http://nsidc.org/arcticseaicenews/charctic-interactive-sea-ice-graph/
[9] Les glaciers d’Asie centrale fondent vite, Sciences et Avenir avec AFP, 19/08/2015 :
[10] Entropie de Shannon, Wikipédia, L’encyclopédie libre, 09/08/2015 :
Merci Garo, très intéressante Naomie Klein (comme d’hab) Je note cette réflexion « les mots se sont dissociés du langages » (vers…