Le caractère hélas anecdotique de la présidentielle

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Vous aurez sans doute lu avant de me lire, le billet de Gilbert Chabian, Une élection pas comme les autres, et vous aurez noté le point fort de son analyse, à savoir que la présence en France, en 2002 et probablement en 2017, du FN au second tour d’une présidentielle, transforme de fait une élection à deux tours en une élection à un seul tour, le candidat le mieux placé contre le FN devenant ensuite président de la république avec une majorité confortable.

Alors, pourquoi cette présence récurrente du candidat FN parmi les trois en tête au premier tour ? Parce que si je dis présence « récurrente », je pourrais aussi bien dire présence « systématique », au sens littéral du terme, puisque c’est l’incapacité des gouvernants à traiter des problèmes de fond qui alimente le vote populiste. Incapacité à sortir du cadre : incapacité à intégrer la disparition du travail du fait d’une automatisation massive et rapide (robots, logiciels, algorithmes), incapacité à remettre en question le remplacement de la constitution pour régler nos vies par les règles comptables édictées par un organisme privé dirigé de fait par les firmes transnationales, incapacité à poursuivre la mise en place de la gratuité des services essentiels (santé, éducation, logement, transport) pour avoir fait dépendre l’État-providence d’une « croissance » qui n’est précisément qu’un artifice comptable, incapacité à empêcher la dégradation de la planète comme cadre de vie en raison d’un respect religieux pour la dimension d’abusus de la propriété privée. Quel candidat parmi les cinq mieux placés évoque ces points ? Aucun ! Et parmi les onze ? Quelques-uns en évoquent sans doute l’un ou l’autre mais sans l’intégrer dans le cadre général, pourtant tragiquement évident, de la survie de l’espèce sur sa planète.

Alors ? Alors, le vote populiste. Vote populiste qui, faute d’accès aux vraies explications – accès que les partis dits « de gouvernement » sont loin de faciliter, rate bien entendu sa cible en désignant comme ennemis, les plus faibles d’entre nous, ayant le malheur de traîner par là, faute d’emploi.

Tant que les candidats à la présidentielle ne penseront pas en-dehors du cadre éculé de « austérité » ou « pas austérité », « compétitivité » ou « pas compétitivité », etc. l’élection de l’un(e) ou l’autre n’aura plus qu’un caractère anecdotique (souvenons-nous de la différence qu’a pu faire l’élection d’un « ennemi de la finance » !) car c’est le cadre de la réflexion qu’il faut faire exploser. Et de cela, nous sommes encore à mille lieues.

En attendant, l’eau monte. Et il ne s’agit même plus là d’une image.

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