Asymétries, par Panagiotis Grigoriou

Billet invité. Aussi sur son blog : www.greekcrisis.fr

 

Pluies et vents. Dans l’ancien temps nous croyions préparer Noël. La semaine dernière, les administrateurs coloniaux de la Troïka étaient de leur déplacement habituel à Athènes, afin de recevoir les ministrions locaux à l’hôtel Hilton.

Histoire surtout de surveiller l’exacte poursuite du programme d’anéantissement de leur proie. 2018, sera l’année où le processus de déshellénisation de l’économie, (et) qui passe autant par la saisie des biens privés et publics des Grecs, s’accélérera. Les para-ministres à Tsipras sourient sans cesse devant les cameras, et les Grecs les haïssent. Oui, la haine, c’est-à-dire, la disparition absolue du geste politique.

Vente aux enchères après saisie. Tribunal d’Athènes, novembre 2017 (presse grecque)

La vente aux enchères, désormais électroniques des biens immobiliers saisis par les banques et par le “fisc grec” ont ainsi pu reprendre, une exigence… historique et insistante de la Troïka. Les médias rapportent que plus de 18.000 biens seront liquidés, rien que dans un premier temps. Il faut préciser que ceux qui perdent leurs biens (le plus souvent, appartements et maisons sous forme de résidences principales), ils n’auront pas le droit à les “racheter” au 5% de leur valeur (en passant par un arrangement avec “leurs” banques par exemple), ni en règle générale, les autres citoyens du pays. Car les acquéreurs (ceux seulement autorisés à “acheter” ces biens au 5% de leur valeur), sont exclusivement issus de ces fameux funds étrangers, ou dans certains cas leurs associés grecs, triés sur le volet.

En effet, tout nous laisse penser que 2018 sera l’année où le processus de déshellénisation de l’économie (saisie des biens privés et publics des Grecs comprise), s’accélérera. Les biens publics et privés passeront ainsi progressivement aux mains des nouveaux propriétaires du pays. On touche alors à l’épine dorsale économique et symbolique de la société grecque, car perdre son bien immobilier dans un pays où ce n’est guère (et à juste titre) l’État qui est historiquement considéré comme l’ultime protecteur, mais son propre toit, comme autant sa propre structure familiale. En même temps, c’est ce même processus qui fera des travailleurs grecs, les esclaves des patrons restants au pays, voire, de ceux de la probable prochaine et future industrie allemande ou autre, à moins que la robotisation en décide autrement (et cela) plus tôt que prévu.

Les résidences secondaires des Grecs près des côtes et sur les îles, deviendront avec le temps les résidences quasi-principales des retraités Européens, tandis que les résidences principales des Grecs déjà saisies seront perdues à jamais. Ainsi, et c’est dès lors et autant perceptible, certaines activités liées à la mer, le tourisme, le secteur agricole entre autres, sont déjà en phase de passer également sous contrôle étranger. On nous dira peut-être que “tel est alors le résultat d’une faillite globale, d’une dette publique et privée alors énormes qui plus est sous le… soleil brûlant de la globalisation”, raisonnement intentionnellement simplifié et réducteur, car il constitue autant un élément essentiel dans la guerre psychologique et en somme asymétrique que la Grèce, ou bien d’autres pays, peuples et sociétés, subissent et subiront.

Vente aux enchères de biens immobiliers. Athènes, novembre 2017 (presse grecque)
Vente aux enchères de biens immobiliers. Athènes, novembre 2017 (presse grecque)
Tsipras en “Créature Frankenstein”. Quotidien “Kathimeriní”, le 2 décembre 2017

On sait donc, qu’à travers ce processus certains Grecs en profiteront du butin, d’ailleurs, sans la moindre vergogne d’après nos observations. Ces mêmes gens en profitent déjà en tant que conseillers, liquidateurs (à l’instar de la société Qualco appartenant au cousin Orestis, du ministre des Finances Tsakalotos par exemple) et collaborateurs aux multiples cabinets d’avocats spécialisés, engagés sur place par les funds acquéreurs, pour ainsi… liquider le travail final avec l’aimable participation des institutions grecques, censées protéger les citoyens (forces de l’ordre, Justice, notaires). Il faut préciser que la loi dite “loi Katséli”, du nom de la ministre d’alors, au début des mémoranda, qui protégeait la résidence principale des saisies est largement amendée pour devenir pratiquement inopérante.

Nous avons ainsi l’impression que si ce “gouvernement” n’est pas renversé, si les citoyens ne réagissent pas… ou si une guerre civile n’éclate pas (pour ainsi imaginer un scenario terrible et extrême), finalement, une certaine croissance économique, celle tant évoquée par nos ministrions, pourrait enfin se concrétiser. Naturellement… la classe moyenne grecque sera entièrement détruite bien avant, et les Grecs n’en profiteront guère de ce retour à la croissance, hormis cette nouvelle “élite” en gestation, d’ailleurs en partie liée aux anciennes castes du népotisme politico-financier et pour tout dire mafieux… au pays des Éphialtès sans cesse renouvelés.

Les Grecs n’en profiteront guère de ce retour à la croissance, ni des investissements qui finiront alors par arriver, puisque les biens publics et privés ne seront plus grecs. Ainsi, certains capitaux arrivent déjà, par exemple pour acquérir des appartements et d’immeubles proposés par lots. Et cette nouvelle “élite”, elle habitera dans de quartiers de plus en plus protégés, éloignée des… plébéiens et des migrants, à l’image d’autres pays aux Amériques et en Asie, et ainsi, nous pouvons même parier que l’économie de la colonie finira par dégager des “excédents” à répétition. Comme le dirait sans doute Racine en son temps: “Et pour nous rendre heureux, perdons les misérables”, c’est toute une… méthode.

Tsipras, virtuose de la galipette, primé à Paris. Quotidien “Kathimeriní”, novembre 2017
Habitants de Mandra en colère face à Rena Doúrou. Conseil Régional, Athènes, novembre 2017 (presse grecque)
La désolation à Mandra après les inondations. Novembre 2017 (presse grecque)

Et encore, un réaménagement de la dette grecque deviendra sans doute enfin évident aux yeux des nouveaux maîtres du pays, une manière aussi à faire payer pour le supposé redémarrage de l’économie grecque les citoyens des autres pays de la funeste Union européenne, état donné que depuis 2012, les banques privées françaises et allemandes ont été sauvées… de la dette grecque (tel a été entre autres le but du “jeu”, et non-pas le “sauvetage de la Grèce”, d’après même les déclarations récentes d’un certain Jeroen Dijsselbloem sur le départ).

Cette nouvelle situation est déjà passablement acquise, les salaires pratiqués sont divisés par quatre comparés à ceux de l’avant 2010, les Conventions collectives sont abolies, et depuis la semaine dernière, les administrateurs coloniaux de la Troïka élargie, ont (entre autres mesures et en passant par le doublement du montant des contraventions liées au code de la route) enfin… obtenu des pantins Tsiprosaures, la restriction considérable du droit de grève des salariés, rien que par la modification du processus décisionnel au sein des entreprises et encore, en rendant illégale toute grève initié uniquement par les centrales syndicales et non pas par les syndicats au sein de l’entreprise au cas par cas.

Les Grecs auront déjà compris que “leurs” centrales syndicales auront parfaitement incarné le rôle de soupape à la cocotte-minute sociale durant surtout les premières années de l’Occupation (troïkanne). Cela, après avoir organisé entre 2010 et 2013, de nombreuses grèves et de manifestations très disparates, le plus souvent dans la désunion réellement existante car programmée, le tout, derrière un langage historico-révolutionnaire. Ces “syndicats”, au demeurant financés également par les fonds de l’Union européenne, peuvent désormais disparaître après mission accomplie, depuis en réalité plus de trente ans de réformisme, et leurs récentes manifestations d’une journée à Athènes et à Thessalonique ne changeront d’ailleurs plus la situation.

Le « Parlement – WC ». Quotidien “Kathimeriní”, décémbre2017
Débat sur l’avenir de Chypre et de la Grèce. Athènes, 29 novembre 2017
Débat, Dimitris Belandís (à gauche) et Dimitris Konstantakópoulos. Athènes, le 29 novembre 2017

Au même moment… de la fin des grèves, après ceux qui manifestent leur ultime colère dans les salles d’audience après la saisie et la mise aux enchères de leurs biens, il y a également ces habitants de Mandra (après les inondations subies de novembre dernier), ayant fait irruption en pleine séance du Conseil Régional sous la présidence de la très Syriziste Rena Doúrou ; les altercations ont été encore bien animées.

Et pour nous rendre heureux, perdons les misérables… et leurs pays avec. En Grèce, il y règne désormais une ambiance de colère sourde, de haine, comme de désespoir. S’y ajoute à ce contexte, le si triste théâtre d’ombres des événements régionaux et internationaux, et que nous percevons désormais clairement.

Dans un débat public auquel j’ai assisté récemment à Athènes, il était question de la liquidation en cours de la République de Chypre, ainsi voulue par les puissances maritimes (États-Unis et Grande Bretagne avec l’aimable collaboration de l’ONU et de l’UE). Un processus (presque) sans précédant, dont il a été question ici sur ce blog en décembre 2016 (trois articles consacrés à la pseudo-pacification de Chypre en cours via les “négociations” à Genève, décembre 2016-janvier 2017).

L’actualité de ce débat avait été motivée par la récente publication de l’essai de l’analyste en géopolitique et journaliste Dimitris Konstantakópoulos, consacrée à ce sujet. Parmi les participants à ce débat, Dimitris Belandís, juriste, avocat et membre démissionnaire du Comité central SYRIZA en juillet 2015, il a notamment insisté sur la parfaite anticonstitutionnalité des faits qui se déroulent sous nos yeux, comme sur la violation flagrante de la Charte de l’ONU, et ce n’est qu’un début.

Barbelés au port de Patras. Décembre 2017
Autorité portuaire et drapeau grec. Port de Patras, décembre 2017
Transports… pacifiques. Port de Patras, décembre 2017

Rappelons rapidement que ce Putsch (dont personne ne parle) est en plein développement (depuis 2016), il vise à mettre fin à l’existence de la République de Chypre, sous prétexte de trouver une “solution” au problème Chypriote. Sans façon, il s’agit du ‘plan Annan’ (ONU 2004) réchauffé, et il faut ici rappeler que la surreprésentation politique de la population chypriote turque par rapport à son poids démographique (18% avant l’invasion de l’armée turque en 1974 et l’occupation de la partie Nord de l’île), prévue par ce plan Annan, fut l’un des motifs de rejet de la part des Chypriotes grecs lors du référendum de 2004.

En cas d’application, ce plan créera une entité bien étrange, une tératogenèse de plus, semblable à aucun autre état dans le monde (sauf probablement la Bosnie ou le Timor oriental). Le plan prévoit la création (dans une île relativement petite) de diverses chambres, Parlements et Sénats, avec un système de vetos continus, qui garantira des emplois à de milliers d’avocats et l’impossibilité de ce nouvel ‘État’ de fonctionner.

Le nouvel État ne disposera pas d’armée propre, mais d’une sorte de police internationale pour discipliner les habitants. Ce projet constitue une violation majeure de toutes les dispositions importantes de la Charte des Nations Unies, du droit européen, international et constitutionnel. Ce monstre juridique puise sa légitimité… d’abord dans sa propre logique, et cette logique prétend résoudre le conflit entre la majorité et la minorité à Chypre pour transformer un État indépendant, souverain et démocratique, en une sorte de protectorat postmoderne.

Les exécutants, Alexis Tsipras et surtout Nikos Anastasiádis (Président Chypriote) sont depuis janvier 2017 “fortement invités” à signer cet accord. Comme à Chypre il y a déjà de nombreuses réactions qui rejettent cette “Confédération”, le Coup d’État consiste à doter de ce premier accord (qui n’a pas pour l’instant abouti) d’une valeur juridique (ce que le Président Anastasiádis n’a pourtant pas car il s’agit de la dissolution de l’État qu’il préside), le tout, en évitant et en court-circuitant la tenue d’un nécessaire referendum à Chypre.

Ravitaillement en carburant. Port de Patras, décembre 2017
Camions fouillés à la recherche de migrants. Port de Patras, décembre 2017
Conducteur surveillant son camion. Port de Patras, décembre 2017

Sauf que Chypre et Grèce sont ces deux pays davantage épuisés par la Troïka, aux populations fatiguées, à la psychologie suffisamment “travaillée” par l’ingénierie sociale, et cela en accélérée depuis l’installation de l’austérité… en tant que régime politique. Le livre de Konstantakópoulos, ainsi que le débat conduisent alors à l’évidence, celle que les Grecs reconnaissent à présent et cependant sans pouvoir réagir: Sous ces programmes de la Troïka, s’y loge de fait un implacable agenda géopolitique.

C’est exactement cet aspect des réalités que Dimitris Belandís a également illustré, en précisant au passage son point de vue politique: “SYRIZA, ce n’est pas la gauche”, c’est vrai mais désormais, c’est même accessoire, pour ne pas dire insignifiant que de démystifier la teneur politique exacte de SYRIZA de Tsipras, ou de la Nouvelle Démocratie de Mitsotakis, nous n’en sommes plus là… pour ne pas dire, nous ne sommes plus.

Ce que la gauche (avant même la société grecque) n’avait pas saisi (ou n’a pas voulu comprendre), c’est qu’il ne s’agissait pas seulement d’une austérité financieriste et néolibérale (ou ordolibérale) dont il fut et il est d’ailleurs toujours question, et cela, bien dès le début du processus. Il faut remarquer que la dite austérité infligée à la Grèce l’a privé du 27% de son PIB en sept ans (ce qui dépasse la proportion du PIB français perdu durant la Première guerre mondiale par exemple), et que cette même saignée n’a pas été imposée à d’autres pays troïkanisés, comme le Portugal.

En réalité, cet affaiblissement alors complet de la Grèce (habitants, richesses, institutions, culture, démographie, capacité de réaction comme de renouvèlement/remplacement démocratique de sa classe politique), ne relève plus de la simple “correction néolibérale”, car ce processus, après huit années de totalitarisme troïkan, prive désormais les Grecs du noyau dur et central de leur souveraineté, en même temps qu’il les prive de leurs biens publics et privés, et in fine, il les prive de leur régime démocratique. On comprend désormais, combien ces indépendances, grecque (depuis 1830) et chypriote (depuis 1960) qui n’ont d’ailleurs jamais été entièrement admises par les puissances “gérantes” maritimes et occidentales (Grande Bretagne et États-Unis), eh bien, elles devraient désormais s’effacer complètement.

Patras et la première neige sur ses montagnes. Décembre 2017
Fin novembre 2017 près d’Athènes. Embellies révolues
En mer Adriatique. Décembre2017

Tel est donc l’agenda réel et géopolitique de l’austérité, et non pas seulement une affaire de lutte des classes, hélas. C’est d’autant vrai dans la mesure où la géopolitique actuelle des élites de la globalisation financieriste devient essentiellement celle du chaos, et non-pas celle de la stabilité, y compris en Europe. Les derniers accords passés entre le pantin Tsipras et les États-Unis sur le renforcement accéléré du rôle des bases militaires étatsuniennes en Crète (et bientôt au nord de la Grèce), dont leur armement potentiellement nucléaire (sans parler des accords tenus secrets que même les députés cosmétiques du “Parlement” grec ignorent autant que nous), ne présagent rient de très apaisant dans un futur alors aux faits très probablement imminents.

Nous voilà donc à la fin d’un processus et autant au début d’un autre, le tout, dans un contexte de guerre asymétrique, de guerre larvée, de guerre même à venir, impliquant les puissances maritimes occidentales, l’Iran, voire, la Russie et la Chine. On comprend donc mieux. La… préparation Tsipras (et de Tsipras) est justement celle qui fait passer la Grèce dans la phase-II du programme d’anéantissement, la phase-I étant celle allant de 2010 (et de la marionnette initiale de Papandréou) à 2015. On se souviendra de l’arrivée de SYRIZA au pouvoir pour prétendument mettre fin aux mémoranda, à travers l’idée globale “de la dignité retrouvée, de l’espoir qui revient et du triomphe de la démocratie”. Pauvres citoyens.

Le choc fut comme prévu énorme, et le deuil n’en finit plus. Depuis ce crime du siècle, ainsi commis par les escrocs Syrizistes (telle est en tout cas l’avis de la majorité des Grecs), les citoyens ainsi lamentablement trompés se méfient alors de l’ensemble de “leur” personnel politique et médiatique. Le climat devient plus délétère que jamais, les services secrets (et moins secrets) des puissances étrangères contrôlent les médias, autant que certains barons locaux du népotisme de la politiques comme de l’économie, dont SYRIZA et son allié des “Grecs Indépendants” devenant ainsi les nouveaux champions en la matière. Pendant ce temps, la marionnette Mitsotakis attendra son heure à la minute près, c’est-à-dire, au moment où Washington, Berlin et Bruxelles jugeront que le pantin Tsipras ne sera plus utilisable. Récemment (il y a deux semaines), un scandale politico-financier et diplomatique a éclaté depuis que tout le monde a appris qu’un certain matériel militaire (des munitions), était en phase d’être vendu par la Grèce à l’Arabie Saoudite. Dans la foulée, un certain Papadópoulos (inconnu du grand public), et proche du ministre de la Défense Kamménos (chef du parti allié à SYRIZA des “Grecs Indépendants”), est présenté comme étant le présumé entremetteur dans cette affaire (et toujours bien rémunéré pour ses services). D’après l’affaire telle que les médias ont voulu la présenter, Papadópoulos aurait mal rempli son rôle, et la vente a finalement été gelée, voire annulée, tenant finalement compte (pour les apparences), de la guerre que l’Arabie Saoudite livre en ce moment au Yémen.

Protestation et désarroi devant la saisie de sa maison. Athènes, novembre 2017 (presse grecque)
Une certaine presse du moment. Athènes, décembre 2017
Du côté des vitrines. Athènes, novembre 2017

Aussitôt, “l’opposition” (Nouvelle Démocratie) et essentiellement le clan Mitsotakis, ont présenté au “Parlement” de nombreux documents compromettants, et cependant classés confidentiels, les services secrets grecs (?) et étrangers s’y seraient ainsi mêlés… pour que l’affaire puisse relever ensuite de l’imbroglio total. Sauf qu’il y a sans doute d’autres affaires en cours, beaucoup plus graves et que les Grecs ne devraient point les connaître… avant sans doute un nouvel fait accompli.

Nos eaux sont agitées et elles sont saumâtres. C’est aussi pour cette raison que l’association (Think Tank) “a/simmetrie” (“Asymétries”) m’a fait l’honneur en m’invitant en tant qu’intervenant au colloque qu’elle vient d’organiser sous le patronage de l’Université des Abruzzes à Pescara (Italie du Sud), tenu le 2 et le 3 de ce décembre, sous le thème: “Europe, Globalisation et Austérité – Quel rôle pour l’Italie – Davantage d’Italie ?”. Je tiens à remercier d’ailleurs publiquement “a/simmetrie”, son initiateur, le professeur d’économie à l’Université de Pescara Alberto Bagnai, ainsi que l’Université des Abruzzes pour cette invitation, pour son accueil, et autant, pour la prise en charge de la réalisation matérielle de mon voyage, sans laquelle il ne serait d’ailleurs pas possible.

Et je parle de voyage et non pas de déplacement, car sa particularité fut qu’il a été réalisé par la route (800 km en A/R entre Athènes et Pescara), et par bateau, entre Patras et Ancône, délaissant volontairement le… sacrosaint avion, comme c’est le plus souvent le cas en pareils déplacements. Ce voyage alors ainsi voulu, avait été l’occasion de constater certains faits, de sentir combien depuis la Grèce, le voyage en Italie (et bien au-delà) demeure un voyage autant dans le temps géopolitique et ainsi crisique. L’Italie et la Grèce ne se trouvent pas dans le même cycle à travers leurs situations respectives, c’est évident.

Le professeur Alberto Bagnai. Pescara, le décembre 2017
Débat sur l’austérité. Pescara, le 3 décembre 2017
Copies… du passé comme du présent. Librairie d’Athènes, novembre 2017
Ouzo du mois de novembre. Courtes embellies révolues en Attique

Ces voyages laissent aussi la porte entrouverte pour apercevoir certaines saignées de notre modernité (ce que l’aseptisation de l’avion et des aéroports ne permettent plus), lorsque par exemple, on observe au départ du port de Patras et alors “à chaud”, ces tentatives désespérées des migrants pour se cacher entre les essieux et les marchandises des camions. Les camionneurs inquiets veillent sur leurs engins, les policiers et les vigiles… travaillent, les passeurs devraient aussi s’y trouver quelque part tout de même. Voyager par la route, c’est aussi une manière de constater enfin, combien les autoroutes italiennes sont toujours si bien fréquentées, tandis que celles de Grèce se sont vidées depuis 2010. Puis, il y a en Italie ces préparatifs de Noel, les publicités, et l’ambiance qui font penser à la Grèce des années de l’avant-crise, certaines publicités italiennes sont depuis longtemps devenues… disons intenables chez les Grecs.

Durant le colloque, j’ai été interviewé par le professeur Alberto Bagnai devant le public averti et curieux des affaires grecques, sur la situation du pays, et j’ai insisté sur certains faits alors évidents, s’agissant bien désormais de la phase-I, et de la phase-II dans “l’affaire grecque”.

J’ai insisté notamment sur ce calendrier bien précis de l’austérité, dissimulant hélas fort bien son agenda géopolitique, et sur la neutralisation (et canalisation) des réactions populaires, sur la mise à mort de la démocratie, entre autres et par exemple, en faisant adopter par le “Parlement” le texte du mémorandum Tsipras (août 2015), long de 7.500 pages que la Troïka a imposé. Un texte rédigé il faut préciser, en langue anglaise et seulement partiellement traduit en grec… d’ailleurs de manière automatique, texte pourtant affectant pratiquement tous les secteurs de l’activité, de la démocratie, des droits, comme de la vie des Grecs que les députés n’auront d’ailleurs pas lu. “De toute manière et humainement, nous n’avions guère le temps de le lire”, comme l’avaient déclaré certains ministres Syrizistes à la presse en 2015.

Retour au pays, le Nord de l’île de Corfou. Décembre 2017
Retour au pays. Igoumenítsa, extrémité Nord-Ouest de la Grèce. Décembre 2017

Les asymétries économiques dont, s’avèrent tôt ou tard dissimuler des asymétries géopolitiques, et pour aller jusqu’au fond du raisonnement, j’ai démontré qu’au bout du compte, le peuple grec est en train de subir une forme de guerre et d’agression alors asymétriques. C’est ainsi et pour tout dire toute la crainte des amis Italiens (ceux dont les yeux et les oreilles sont déjà ouverts en tout cas), que leur pays puisse “accepter” finalement sa future vassalisation troïkanne, faisant ainsi suite au dosage d’austérité que le pays de Garibaldi doit déjà supporter. Certes, la géopolitique liée à l’Italie n’est guère comparable à celle de la Grèce ou de Chypre, sauf que le raisonnement (irrationnel) de base (austérité, métadémocratie, vassalisation) semble ainsi immuable, indépendamment des pays concernés.

Au bout du processus dont l’euro constitue d’ailleurs une pièce maitresse, c’est la mort de la démocratie, c’est la mort de l’économie maitrisée sur un territoire donné par les citoyens, et c’est autant la fin de toute maîtrise du temps (du futur) et ainsi la défaite de tout espoir, à moins de briser et alors la totalité de la… coquille (entre autres européiste). C’est pour cette raison que je ne crois guère à “une autre Europe possible”, et encore moins au “Plan-B” à son propos, c’est triste à dire peut-être, ou à faire admettre, mais c’est alors ainsi.

Animaux adespotes d’Italie. Pescara, décembre 2017

Sinon, ce voyage a été l’occasion pour moi que de sortir du cadre psycho-mortel de la Grèce actuelle et ce n’est pas rien, puis, de voir comme on dit un peu de pays… avant peut-être qu’il ne soit plus du tout possible.

Les derniers beaux jours (météorologiques) de novembre et de son ouzo sur les plages d’Athènes sont bien loin, et de retour au pays, j’ai retrouvé nos appartements désespérément froids car sans chauffage central depuis 2012, puis, nos animaux que les voisins ont bien voulu garder durant… l’expédition et… observation participante en Italie.

Pluies et alors vents. Dans l’ancien temps on croyait même préparer Noël, sauf que chaque illusion peut ainsi connaître sa fin. De retour en Grèce, on se sent comme de nouveau englué dans une mélasse qui entrave la réflexion, qui empoisonne le moindre petit bonheur quotidien, et qui rend par la même occasion, toute vision des humains comme des paysages, comme obscurcie par un voile de deuil.

Cependant, j’ai pu raconter à notre grande Mimi et surtout à notre petit Hermès, dit le Trismégiste (et déjà… vieux de ses quatre mois), qu’en Italie aussi, il y a des animaux parfois adespotes (sans maître). Mission donc accomplie… géopolitique ou pas. Retour au pays et aux difficultés encore pour passer l’hiver ! Pauvre blog… dans l’exacte splendeur de sa survie…

Hermès de Greek Crisis retrouvé. Décembre 2017

* Photo de couverture: Alberto Bagnai (à gauche) et Panagiótis Grigoríou au colloque de A-Simmetrie. Italie, Pescara le 3 décembre 2017

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