Europe, monnaie et souveraineté, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Le mode et la politique d’intervention de la Fed sur le marché boursier étatsunien est extraordinairement simple et direct. La Fed n’a légalement pas le droit de faire crédit à des détenteurs de capital pour le portage de leurs actions. Elle refinance les banques qui prêtent à des gestionnaires de portefeuille via les filiales off shores. Le « shadow banking » des multinationales bancaires est bien sûr invisible aux régulateurs officiels de la monnaie et du crédit.

Les banques « stabilisent » les cours de bourse en modulant leurs crédits aux investisseurs qu’elles contrôlent. Comme les banques ne peuvent pas faire faillite, quelle que soit l’humeur des investisseurs réels qui engagent eux leurs capitaux propres, la limite du volume de crédit alloué au financement de la performance boursière est fixé empiriquement par le crédit interbancaire qui résulte des différentiels de performance des gestionnaires bancaires de l’exposition au risque boursier. Le système ne peut s’effondrer comme en 2008 que si « on » laisse un acteur bancaire accumuler trop de pertes face à l’ensemble de ses contreparties de crédit.

L’expérience de Lehman Brothers a induit la création des comités de risque systémique officiels et officieux où les banquiers se consultent et négocient en tête à tête leurs limites d’exposition aux risques de marché. Ceux qui ont abusé de leur crédit interbancaire auprès des confrères sont discrètement remis au pas ou débarqués de leurs fonctions. Le portage des pertes latentes non comptabilisées est mutualisé à l’amiable avec l’aide officieuse de la Fed, et des banques centrales actionnaires de la BCE, qui rachètent hors des circuits de compensation officielle des ventes de prime de crédit des établissements les plus sous-capitalisés.

Globalement, la masse des crédits en dollar croît à proportion des pertes boursières que les banques ne peuvent pas comptabiliser au risque d’un « bank run » généralisé comme en 2007-2008. La liquidité bancaire globale en dollar, et donc en toute monnaie, s’équilibre par affichage régulier de pertes boursières pour imputation aux fonds de retraite et autres fonds de gestion collective où est placés l’épargne des petites gens. Le critère objectif de la liquidité étant une croissance affichée de la masse monétaire pas trop décalée par rapport à la croissance réelle mesurée. Pour la masse des pauvres dont l’épargne n’existe pas pour éponger les pertes de spéculation financière, l’imputation des pertes se fait par réduction ou privatisation des services publics. Le but de l’austérité publique est toujours le même : réduire les impôts pesant sur la production privée et augmenter le prix des services publics au bénéfice des investisseurs privés.
Le prélèvement financier spéculatif sur l’épargne et le travail des gens d’en bas est limité par la menace de « révolte populiste ». Tant que les citoyens sont divisés par la partitocratie et la peur du chômage, la prédation financière compense la plus-value irréelle par de la fausse épargne prélevée sur la rémunération du travail et sur les services publics. La machine financière ne sera remise au service de l’économie réelle des citoyens que quand les Etats auront repris le contrôle du crédit en devenant actionnaires réels exclusifs et actifs des banques centrales. Donc quand la politique monétaire des banques centrales sera réellement assurée et contrôlée par le budget et la fiscalité des Etats.

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