Retranscription de L’affaire Petito : le point, le 25 septembre 2021.
Bonjour, nous sommes le samedi 25 septembre 2021 et il y a trois jours, le 22, je vous ai fait une vidéo sur l’affaire Petito : « La mort de Gabby Petito », une youtubeuse aux Etats-Unis et j’expliquais dans ma vidéo pourquoi, contrairement à mes habitudes, en 14 ans de faire des vidéos, c’est la première fois que je parle, je dirais, au moment-même d’un fait-divers.
J’ai dit qu’il y a plusieurs choses : d’abord, que ce sont des jeunes gens de maintenant qui sont impliqués, youtubeurs. Ça me concerne puisque je le suis personnellement et puis, en tant que psychanalyste, par le fait que dans les jours qui ont précédé de l’ordre d’exactement 2 semaines, 14 jours, sa mort, la mort de Gabby Petito, nous avons plus d’une heure d’enregistrement de la police à Moab dans l’Utah.
Ils avaient été arrêtés dans leur van, dans leur mini-camping-car. On leur avait demandé de se mettre au bord de la route et pendant plus d’une heure, il y a une discussion entre la police et eux, séparément. Enfin, ils sont à 10 mètres l’un de l’autre. On les interroge séparément sur ce qui s’est passé parce que des gens ont signalé qu’il y avait, dans une voiture en déplacement, il y avait une bagarre et des gens les avaient vus aussi se disputer avant qu’ils n’entrent dans le véhicule, et donc une très très longue explication.
Si vous voulez voir un cas où la police se conduit de manière exemplaire – bon, il ne s’agit pas de chez nous, il s’agit des Etats-Unis – regardez ça. Je trouve dommage qu’on cherche maintenant des crosses à cette police parce qu’on dit qu’ils auraient dû arrêter l’un des deux pour violences conjugales. D’abord, s’ils avaient dû arrêter une des deux personnes, ça aurait été Gabby Petito et pas le garçon : Brian Laundrie qu’on accuse maintenant, enfin qui est soupçonné de son meurtre. C’est elle qu’on aurait mis en prison et la police s’est conduite à mon avis de manière exemplaire en demandant des explications et les explications qui ont été donnés sont absolument claires : elle a reconnu que c’était elle l’agresseur ou l’agresseuse, et elle l’a expliqué devant la caméra. Parce qu’on a pu le voir grâce à la caméra d’un policier.
Tout ça a été montré donc vous pouvez le voir aussi, elle dit : « J’ai des problèmes de santé mentale » qu’elle explique d’ailleurs. « Je souffre, voilà, de compulsions obsessionnelles et je l’ai attaqué sur le fait qu’il était entré dans la voiture avec les pieds sales » et quand vous voyez effectivement l’intérieur de leur camping-car miniature, vous vous rendez compte qu’effectivement, c’est dans un état absolument impeccable, qu’il faut qu’il y ait quelqu’un qui soit, je dirais, à ce point obsessionnel pour qu’au bout d’un… – c’est la police qui nous montre ça et ça fait déjà des semaines, voire des mois qu’ils se déplacent et il y a cet endroit absolument impeccable. Donc elle doit consacrer un soin qu’on considère maintenant excessif – puisqu’elle le dit – à ce que ça reste en bon état comme on le voit.
Au moment où ils sont arrêtés, donc 14 jours avant sa mort, il n’y a pas de doute : elle est l’agresseur et il s’agit de protéger son ami. On lui demande d’ailleurs… on voit sur son visage le fait qu’il a été égratigné mais sérieusement : la caméra ne s’approche pas pour voir ça de près, non. Et la police lui demande de relever ses manches. Bon, il a un t-shirt avec des manches mi-longues, pour montrer les bleus, et le fait qu’elle a dû le saisir de manière violente, ou lui donner des coups. En fait, on les a vus dans la rue, des gens les ont vus, essentiellement elle, donnant des coups [P.J. depuis ma vidéo, il est apparu que d’autres personnes avaient alerté la police à propos de la même altercation dans la rue à Moab, mentionnant que Brian avait giflé Gabby ; ont été diffusées également depuis, quelques minutes d’un second enregistrement par la police de Moab, à partir de la caméra ventrale d’un autre policier – en réponse aux reproches qui lui sont faites que Brian aurait dû être arrêté à ce moment là ; alors que dans le premier enregistrement Gabby dit sans équivoque que c’est elle qui a initié la bagarre, dans le second, on voit les quelques minutes qui précèdent, durant lesquelles le policier semble faire pression sur elle pour qu’elle affirme que c’est Brian qui a commencé, ce qu’elle accorde avec hésitation avant de se raviser, enchaînant sur la partie que l’on connaissait déjà, où elle déclare qu’elle est bien à l’origine de l’altercation].
Mais c’est elle [Gabby] qui disparaît donc. Lui, il rentre seul avec la fourgonnette, la camionnette. Il rentre chez eux en Floride, donc à des milliers de kilomètres du Wyoming et de la scène du crime [3.800 km]. On les a vus surtout aussi, les jours précédents, dans l’état voisin de l’Utah. Et il rentre seul. Il prend un avocat et là, je vous ai fait la remarque la fois dernière : il est très curieux que la police le laisse tranquille au point qu’elle le fait alors que le jeune homme rentre seul et qu’il prend un avocat immédiatement [P.J. On apprendra même qu’entre son retour en Floride et sa disparition, il aura passé le weekend avec ses parents dans un autre réserve naturelle ; son avocat déclarera à la presse que sa famille et lui « quittèrent l’endroit ensemble » sans préciser s’ils rentrèrent tous ensemble à la maison familiale de North Port]. Et là, je vous ai dit : « C’est curieux, on a l’impression d’une complicité de la police locale ». Voilà, je le dis, je ne l’ai pas dit il y a 3 jours mais je le dis maintenant : on les laisse tranquilles, la famille, pendant 14 jours à peu près au point qu’au moment où la police revient en disant : « On voudrait lui parler », la famille dit : « Ah, il est déjà parti depuis une semaine »,
Il est déjà parti depuis une semaine. Et où est-ce qu’il est parti ? Il est parti avec son sac à dos dans un marais tout proche d’ailleurs de l’endroit où la famille habite, un marais infesté d’alligators et de serpents. Bon, on sait maintenant qu’il part sans son portefeuille et sans son téléphone.
La famille dit maintenant à la police : « Oui, on s’inquiète pour lui ! ». Quelqu’un qui va pour se suicider, il s’en fout d’avoir son téléphone ou son portefeuille avec lui. S’il les laisse à la maison, c’est parce que… D’abord, il veut laisser croire qu’il est là parce qu’on peut repérer, la police peut savoir exactement où est son smartphone et donc, si elle regarde où est-ce qu’il est en ce moment, elle se dit : « Bah, il est toujours à la maison », c’est ce que ça indique. Par ailleurs, et donc les fouilles ont été arrêtées hier. Elles vont reprendre « dans la discrétion » dit la police aujourd’hui mais sans le rechercher véritablement. Mais pendant les 3 derniers jours, la police cherche activement dans ce marécage avec des moyens tout à fait extraordinaires, avec des hélicoptères, des véhicules qui ont l’air d’être faits spécialement pour rouler dans des marécages, des véhicules à la Mad Max que je n’ai jamais vus ailleurs.
On le recherche là bien que, dès qu’on interroge quelqu’un, on dit (que j’ai entendu interrogé dans une petite vidéo), il dit : « Oui, bah c’est un marécage mais enfin il y a quand même une autoroute au milieu du marécage, une autoroute où on peut du hitch-hicking, de l’auto-stop, une autoroute qui va tout droit vers le Canada ». Bon, ce n’est pas tout près parce qu’on est en Floride mais elle va quand même tout droit sur la carte, verticalement, elle va vers le Canada donc si le jour où il disparaît selon ses parents, c’est-à-dire une semaine avant que la police s’y intéresse, si ce jour-là, sans son portefeuille et sans son téléphone, il traverse prudemment une partie du marécage jusqu’au moment où il se trouve à hauteur de l’autoroute et s’il fait de l’auto-stop à ce moment-là, bon, il est bon en un jour ou deux… Non, allez, on va dire en deux jours ou trois, il peut se retrouver ou en trois jours ou quatre, il faudrait regarder exactement sur la carte [Google Maps : 2.300 km, soit 22h de route], il se retrouve au Canada. Il peut aussi aller vers la gauche, il peut aller vers le Mexique [Google Maps : 2.200 km, soit 20h de route].
Donc, peut-être, il a pu se suicider dans le marécage mais là, avec tous les efforts qui ont été faits pendant 3 jours avec des moyens considérables, on aurait quand même trouvé un bout d’os, quelque chose flottant quelque part donc il est probable qu’il a pris la fuite et que ça s’est bien organisé, et qu’il y a peut-être, au niveau de la police locale, des gens qui aiment bien la famille et qui – ça arrive – et qui l’ont laissé tranquillement se préparer à une fuite parce que ça demande quand même un peu de préparation. Surtout qu’on a découvert qu’il n’a pas été très prudent entre le moment de la mort de la jeune fille – dont on ne sait pas s’il est l’assassin mais enfin bon, c’est ce que tout le monde suppose quand même, que ce soit dans une altercation où elle l’attaque avec un couteau de cuisine ou que lui se défend comme l’a très bien fait d’ailleurs remarquer un commentateur sur mon blog, ou qu’il l’ait prémédité, ou bien que ce soit une bagarre et que, dans la bagarre, cette fois-ci, ça tourne vraiment très très mal – dans les jours qui ont suivi on a pu voir qu’il a utilisé la carte de crédit de Gabby pour faire différentes dépenses pour un montant de plus de 1 000 dollars.
Il avait le « pin », il avait le numéro de code. Il a utilisé la carte de crédit d’elle et il a été en particulier pris en auto-stop sur une petite distance de 25 km alors qu’il avait offert aux gens qui l’avaient pris en covoiturage, enfin non, en auto-stop, il leur avait offert 200 dollars, bon disons 200 € pour faire 25 km. En fait, il voulait faire plus mais il s’est aperçu qu’il y avait un malentendu sur l’endroit où ils allaient : il a demandé à ce qu’on le débarque et là, il était seul mais il était prêt à dépenser des sommes importantes pour s’éloigner de l’endroit le plus rapidement possible. Pourquoi est-ce que, après, il retrouve le van ? Parce qu’il rentre avec le mini-van, le mini-camping-car en Floride. Donc, il y a une période où il est en cavale, apparemment dans les jours qui suivent immédiatement le 28 ou le 27 – on ne sait pas si elle est morte le 27 ou le 28. Il est en cavale et puis il récupère le véhicule et il rentre avec le véhicule. Il s’est peut-être dit qu’il fallait filer le plus vite possible puis, en réfléchissant, en se disant : « Personne ne sait rien. Il n’y a pas de raison que je n’utilise pas le véhicule ». Voilà où on en est.
J’ai dit pourquoi ça m’intéressait, parce qu’on a une heure d’explications de l’un et de l’autre dans la période dont on sait maintenant qu’elle précède un meurtre. Il y a aussi le fait qu’on peut les voir, on peut savoir. On nous dit maintenant : « Oui, mais quand on a une femme amérindienne qui disparaît ou quand il y a une femme noire qui disparaît » – ou même j’ai vu interviewé le père d’un étudiant noir qui a disparu récemment – « On ne fait pas tout ce ramdam ! ». Oui, on ne fait pas tout ce ramdam mais eux, ils sont déjà des vedettes. Bon, vous pourrez me dire : « Oui, mais des vedettes youtubeurs, c’est rien du tout ! ». Non, par rapport aux gens qui regardent ça, ils sont des vedettes. Ils sont sur Instagram. Ils font des vidéos sur YouTube. Ils font un compte-rendu en direct de leur relation idyllique à traverser les Etats-Unis et puis, si on s’intéresse à ce qui s’est passé, on a cette chose extraordinaire, c’est qu’on a une heure d’explications d’eux avant, dans la période juste avant, voilà. Et, je vais le dire, j’ai une raison plus particulière que je n’ai pas dite la fois dernière pour m’intéresser à cela.
J’ai été mêlé aux Etats-Unis à une affaire de violences conjugales dans laquelle j’ai eu l’occasion moi aussi de donner des explications. L’histoire n’est pas exactement la même puisque je vous rappelle dans le cas Petito, des gens voient qu’ils se battent et on les arrête et on leur demande ce qui s’est passé. L’expérience que j’ai eue, je peux le dire, c’est qu’il se fait que je suis un jour chez mon médecin en Californie, à Los Angeles [techniquement, à Pasadena]. Je suis chez mon médecin et mon médecin, qui est en même temps, depuis plusieurs années, le médecin de mon épouse, mon médecin s’inquiète, me pose des questions et finit par disparaître. Et comme elle passe un temps considérable à ne pas revenir dans le cabinet, je finis par me demander si je ne dois pas partir et je jette un œil dans le couloir et je l’aperçois au comptoir [de la réception], au téléphone. Je m’approche d’elle, je veux lui poser la question : « Est-ce que je reste ou je dois partir ? » et elle me fait un signe : « Laissez-moi terminer ce que je suis en train de faire ». Et, sans même retourner dans le cabinet, au comptoir, aussitôt qu’elle a raccroché là (parce qu’elle a raccroché en fait quelques secondes après que je sois arrivé à proximité d’elle), elle me dit : « Quand vous rentrerez chez vous, la police sera là pour arrêter votre épouse ». Je dis : « Mais je ne vous ai rien demandé ». Elle a dit : « Non, non, vous ne m’avez rien demandé mais moi, je suis médecin et j’ai pris ma responsabilité. J’ai pris la responsabilité d’appeler la police pour arrêter votre femme ». Et, effectivement, je rentre à la maison – c’était un gros quart d’heure en voiture – et j’arrive à la maison et il y a effectivement, dans mon appartement, il y a des policiers qui attendent en fait mon arrivée pour me dire qu’ils vont emmener mon épouse.
Et là, j’en ai parlé une fois, un moment, un de ces moments cruciaux dans une vie parce qu’ils vous montrent que vous ne vous connaissez pas ou que vous ne vous comprenez pas entièrement parce que là, je répète ce que j’ai dit à mon médecin, je dis au policier : « Je ne vous ai pas demandé d’intervenir ». Et là, il y a donc trois hommes et une femme et l’un des policiers me regarde fixement et me dit : « Monsieur, nous avons les preuves que vous êtes incapable de vous défendre et que votre vie est en danger ». Et il me dit à ce moment-là, la phrase qui tue – qui tue un sociologue et un anthropologue : « Dans des cas comme ceux-là, Monsieur, c’est la société qui intervient pour protéger une personne incapable de le faire ».
Voilà donc, une raison, je dirais de plus, pour que je m’intéresse à cette affaire. J’ai eu affaire à des policiers aux Etats-Unis dans des circonstances de ce type-là, voilà, et quand je vois des policiers qui arrêtent deux personnes et qu’une des personnes reconnaît, indépendamment de l’autre, parce que là, je vous dis, ils sont à une dizaine de mètres l’un de l’autre et ils ne peuvent sans doute pas entendre ce que l’un dit à la police au moment où il parle et la jeune femme dit : « C’est moi, j’ai un problème de santé mentale et c’est moi qui lance ces bagarres » et elle dit : « Voilà, il n’avait pas les pieds propres et c’est une chose que je ne peux pas supporter ». Et dans les jours qui suivent, effectivement, la tension doit monter et ça finit par un meurtre où on ne sait toujours pas si c’est lui qui l’a tuée mais qui d’autre, qui d’autre ? Et le fait qu’on l’ait cherché en vain les trois derniers jours fait penser bien entendu qu’il est en fuite et qu’il a réussi à s’enfuir, voilà. Est-ce qu’il réussira longtemps ? Je ne sais pas mais j’avais dit la fois dernière déjà que (quand on ne savait pas bien entendu ce qui s’était passé les trois derniers jours), j’ai dit : « On est en train d’entrer dans une histoire à la Simenon » où on a un homme qui, un jour… on dit pris de remords mais ce n’est pas pris de remords : c’est comme dans le « The Tell-Tale Heart » d’Edgar Poe : « Le cœur révélateur » ou dans « La chute » de Camus, veut un jour dire ce qui s’est passé. Voilà, on va voir.
Allez, à bientôt !
Retranscription de
Laisser un commentaire