L’intelligence incarnée par l’apprentissage et l’évolution, par Agrim Gupta, Silvio Savarese, Surya Ganguli & Li Fei-Fei

Embodied intelligence via learning and evolution

Agrim Gupta, Silvio Savarese, Surya Ganguli & Li Fei-Fei
Nature Communications volume 12, Article number: 5721 (2021)

L’imbrication des processus d’apprentissage et d’évolution dans des niches environnementales complexes a donné lieu à une remarquable diversité de formes morphologiques. En outre, de nombreux aspects de l’intelligence animale sont profondément incarnés dans ces morphologies évoluées. Cependant, les principes régissant les relations entre la complexité de l’environnement, la morphologie évoluée et la capacité d’apprentissage du contrôle intelligent restent insaisissables, car la réalisation d’expériences in silico à grande échelle sur l’évolution et l’apprentissage est difficile. Nous présentons ici Deep Evolutionary Reinforcement Learning (DERL) : un cadre de calcul capable de faire évoluer diverses morphologies d’agents pour apprendre des tâches difficiles de locomotion et de manipulation dans des environnements complexes. En utilisant DERL, nous démontrons plusieurs relations entre la complexité de l’environnement, l’intelligence morphologique et la capacité d’apprentissage du contrôle. Premièrement, la complexité de l’environnement favorise l’évolution de l’intelligence morphologique, quantifiée par la capacité d’une morphologie à faciliter l’apprentissage de nouvelles tâches. Deuxièmement, nous démontrons un effet Baldwin morphologique, c’est-à-dire que dans nos simulations, l’évolution sélectionne rapidement les morphologies qui apprennent plus vite, permettant ainsi aux comportements appris tard dans la vie des premiers ancêtres de s’exprimer tôt dans la vie des descendants. Troisièmement, nous suggérons une base mécaniste pour les relations ci-dessus par l’évolution de morphologies qui sont plus stables physiquement et plus efficaces énergétiquement, et qui peuvent donc faciliter l’apprentissage et le contrôle.

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6 réponses à “L’intelligence incarnée par l’apprentissage et l’évolution, par Agrim Gupta, Silvio Savarese, Surya Ganguli & Li Fei-Fei”

  1. Avatar de arkao

    J’ai beau lire et relire, je ne vois pas trop ce qu’apporte le DERL par rapport aux observations in vivo.
    Les trois points de la conclusion m’ont l’air d’enfoncer des portes ouvertes.
    Timiota, un commentaire ?

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Mmoui…
      Je traduis à ma façon l’objection « porte ouverte enfoncée » :
      <>

      L’effet Baldwin in silico, je découvre l’idée. Juste que ayant lu Gould ( » les 2000 pages  » : la structure de la théorie de l’évolution) , je revoie sortir la controverse sur l’ontologie (l’embryologie) et l’évolution :
      Le fait que le long des arbres phylogénétiques, l’évolution module des choses qui sont synthétisées de plus en plus tard dans l’embryon, étant tributaire de plus en plus de contrainte (et en sens contraire, ça va doucement, les pattes arrières de la baleine n’ont pas complètement disparu, il reste des petits os), c’est pas très loin de la querelle St Hilaire – Cuvier (pour les choses connues) mais c’est surtout https://en.wikipedia.org/wiki/Ernst_Haeckel qui a fait autour de cela la « théorie de la récapitulation » (Gould n’utilise pas ce terme).

      L’interaction « morphologie/contrôle facile » ne me semble pas avoir été documentée en tant que telle, néanmoins. Elle a un côté « porte ouverte » puisqu’il y a perte d’adaptabilité à faire pousser un membre qui remplit la fonction X et Y mais qui va être fichtrement réticent à remplir la fonction Z ou U, demandant plus de synchronisation plus fine de plus de muscle.

      Un commentaire « 1 partout — balle au centre —  » est que ce qui est sans doute mieux mis en évidence que « tel truc doit être plus avatangeux que tel machin » (dans l’optique évolutionniste) est que la relation qu’ils ont mis en évidence serait « nonlinéaire » (whatever it means). C’est à dire que c’est « doublement » (ou « triplement » ) mieux quand il y a en quelque sortie synergie entre la morphologie sondée par l’évolution et la facilité de « s’en servir ».
      L’évolution s’est vraiment faite « autour du meilleur algo » autant que « autour du meilleur corps ». Le « fittest » (la sélection darwinienne), c’est la « tête et les jambes » pour les nostalgiques des années 1980.
      Il est vrai que la théorie de l’évolution s’est faite beaucoup autour des fossiles (Gould est paléontologue pour mémoire), et ses explorations « temps réel » concernent plutôt de nos jour les pools de bactéries qui daignent faire 10 000 générations assez vite (c’est là qu’on va explorer les liens « génotypes-phénotypes », avec la cavalerie lourde s’il le faut, matrices aléatoires et autres, les délices de la pléiotropie, etc. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pl%C3%A9iotropie). Il faudrait au moins aller aux insectes pour avoir de l’apprentissage plus « algorithmique », je pense mais je dis ça sans vérifier.
      Bref; les paradigmes qui ont servis de cadre à l’évolution n’ont pas incorporé l’algorithmique de l’outil ajouté. On s’est plutôt contenté de voir la fonction (on détecte ceci avec tel organe sensoriel, etc.) mais là encore, les insectes ont sans doute incité les évolutionnistes à regarder les choses autrement (abeilles, fourmis chères à Servigne notamment).
      Grâce à leur tour de force (si c’en est un …) in silico, ces chercheurs auraient donc marqué un point dans ce domaine qui était non pas ignoré des évolutionniste de biologie (l’aspect « porte ouverte enfoncée »), mais non soumis à test quantitatif ou extensif etc.

      Deuxième mitan : l’algo chez un seul individu ou chez plusieurs à la fois ? (les étourneaux, les migrateurs en V, les manchots …)

      1. Avatar de timiota
        timiota

        A zut, j’avais oublié que < et et >) ça donne zilch sur l’éditeur html du blog.

         »
        Je traduis à ma façon l’objection « porte ouverte enfoncée » :
        Comme il y a plus de matière pour apprendre dans les cas « favorables », c’est sûr que la machine en apprend plus, le contraire aurait été étonnant.

      2. Avatar de timiota
        timiota

        Et puis aussi je corrige « ontogénie » au lieu de « ontologie ».

  2. Avatar de torpedo
    torpedo

    Bonjour à tous,

    Même les portes ouvertes peuvent être utilement enfoncées, car un vantail béant peut parfois masquer une autre
    ouverture…
    Ainsi, je pense utile de préciser que si la capacité d’évolution d’une espèce peut être, en quelque sorte,
    proportionnelle à la complexité des adaptations que lui impose son environnement, il n’en demeure pas moins que
    cette capacité dépendra aussi de l’aptitude des individus qui la constituent, à affronter ensemble une même difficulté,
    afin qu’à force d’échecs successifs ( et parfois d’ailleurs, au mépris de la vie d’un grand nombre d’individus…), l’espèce
    puisse parvenir à la dépasser collectivement, en changeant pour cela son comportement, initiant par ce changement,
    les mutations morphologiques correspondantes à l’évolution sollicitée.
    Ce que j’entends évoquer par la présente intervention, c’est que cette capacité des espèces à s’adapter à des conditions nouvelles est, à mon sens, aussi relative à la valeur qu’accorde la collectivité à ses propres individus.
    En ce sens, une société trop individualiste (comme la nôtre aujourd’hui…) me semble moins apte à survivre qu’une
    tribu primitive à l’âge de pierre, puisqu’aucun idéal commun n’en agrège les individualités pour leurs permettre de dépasser ensemble des aléas extérieurs imprévus ou violents .
    Sans une foi commune en une supériorité des intérêts communs sur ceux individuels, pas de désir commun d’un avenir meilleur, pas d’action collective possible à l’échelle planétaire, quand bien même l’information, le savoir sont désormais mondialisés. ‘

    Rien d’étonnant donc à voir la logique réussir mieux que l’humain à fonctionner comme une « machine » intelligente, l’algorithme n’étant pas un individu issu d’une espèce, sa valeur , le temps mis en oeuvre pour le créer ou son succès importent bien peu, face aux considérations humaines toujours livrées à des peurs ancestrales qu’aucun ordinateur ne saurait ressentir.
    Redéfinirons-nous un jour les bases d’une foi nouvelle qui nous permettra de dépasser des blocages que nous franchissions jadis sans nous en rendre compte?
    De quelle nature sera l’insouciance de demain?
    Et surtout, saurons nous nous écarter des lignes suivies précédemment, celles instaurant le Sacré, qui conduit à la peur et à des croyances non fondées, et celles qui s’imposent par la force, divisant pour régner, qui conduit à tous les sectarismes?
    J’imaginais pour cela une sorte d’Humanisme universel crée par tous, un contrat global de l’espèce au seul bénéfice de sa descendance.
    Mais personne ne semble vouloir même essayer d’en écrire la première phrase…
    Je rêvais donc, sans doute…

    Eric.

  3. Avatar de torpedo
    torpedo

    « Si souvent, Il me fut donné de vérifier que si bien des issues nous sont béantes,
    Nul ne semble en saisir la tenace présence, tous avides de partager la même fièvre,
    De forcer les anciens passages, condamnés par nos ainés pour s’y être perdus ».
    « Tourments du juste » – Testament anonyme. Ed. S. et G.

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