Y EN A MARRE ! LIBÉRONS LA VIE ! LIBÉRONS LA TERRE !, par Raoul Vaneigem

Ce qui se joue à présent est notre destinée d’être humain.

Un affrontement sans merci oppose les instances étatiques et mondialistes du profit et un peuple, dont la vie se réduit comme peau de chagrin sous la pression de la rapacité dominante.

Ce conflit, l’État a intérêt à le tirer en longueur, car la répression est l’ultime fonction qui lui permet d’exister. Dans le même temps, nous sommes plus en plus nombreuses et nombreux à le pressentir avec un mélange d’exaltation et d’inquiétude : nous entrons dans des années dont le cours nous intime un choix crucial. Nous sommes face à une option qui va déterminer notre sort. Elle est simple.

Ou, résignés à désertifier la planète, nous travaillons à notre propre destruction.

Ou nous nous engageons dans une lutte pour la souveraineté de la vie et des valeurs humaines.

Nous nous engageons ? Non ! Foin des prônes et des exhortations humanitaires ! L’époque n’est plus à la bonne volonté. Elle est au fait accompli.

Les gilets jaunes ont initié une occupation festive des rues et des cœurs. Elle touche des millions d’êtres qui s’éveillent d’un demi-siècle de léthargie et redécouvrent une humanité dont le règne de la marchandise ne cessait de les dépouiller. Mu par un effet d’attraction passionnelle, un peuple s’est soulevé. Son intelligence du vivant a ravivé les Lumières, dont la France révolutionnaire avait illuminé le monde et que s’efforçait d’occulter un obscurantisme d’atterrants crétins.

Les sociologues trouveront mille explications à cette galvanisation psycho-sociale plus inattendue, plus surprenante que Mai 1968, dont les prodromes sont connus. On pointera du doigt la hausse du coût de la survie, la récession, l’augmentation des taxes. On invoquera l’ennui corrosif, suintant le ressentiment et l’agressivité, pour ne déceler en fin de compte dans le « phénomène » des gilets jaunes qu’une fièvre jubilatoire et éphémère brisant la sordide médiocrité ambiante, le temps d’une ou deux émeutes promptement écrasées.

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Non seulement le scénario traditionnel de l’insurrection vaincue ne s’est pas répété, mais le coup de l’éphémère a subi une éclipse aussi insolite que remarquable. Un vaste courant d’agitation a affermi ses assises. Il s’est développé sous le regard méprisant du conservatisme et du progressisme. L’extrême-droite, qui espérait le dévorer, s’y est cassé les dents. Le gauchisme n’a pas caché sa déconvenue de ne pas retrouver traces, dans cette horde disparate, du prolétariat que sa politique avait par ailleurs mené à la faillite.

Que ressortait-il du tumulte ? Quelques envolées de colère. Aucun programme, si ce n’est une mise en garde liminaire et rudimentaire que, curieusement, aucune insurrection du passé, si radicale fût-elle, n’avait eu la précaution d’adopter. C’était un avertissement clair, sans ambiguïté, lourd de conséquence : « ni chefs, ni délégués autoproclamés, ni représentants d’appareil politique et syndical. L’humain avant toute chose ! »

Que la résolution n’ait pas varié d’un pouce est moins l’expression d’une fermeté morale que l’indice d’un ancrage plus profond. Il faudra en convenir un jour ou l’autre : la substance des insurrections qui, aux quatre coins du monde, flamboient, s’éteignent, reprennent de plus belle, c’est la vie et sa conscience.

Les mobilisations visant à améliorer les conditions de survie n’ont pas disparu mais elles ne suffisent plus, tout simplement. Elles sont dépassées. C’est pourquoi, telle une musique du vivant en quête d’harmonie, le sentiment d’« être là » s’est propagé irrésistiblement. Au départ d’une poignée de « rustauds acculturés, » il a atteint à la dimension d’un peuple universel, qui n’a plus besoin de gilets, de couleurs, de mots d’ordre pour affirmer et affiner sa détermination.

Ce peuple n’est investi d’aucune mission, il n’a aucune prétention eschatologique. Il a soudain conscience d’assumer la présence massive d’êtres dont la vie a été usurpée, pour qui l’autonomie était un leurre et l’humanité un mot dénué de sens. Une vague sans cesse renaissante le délave de l’indignité à laquelle il avait été condamné. Il a entrepris de recouvrer une liberté naturelle, qui n’est rien d’autre que la pulsion vitale présente en toutes et tous.

La lutte des classes a été la forme historique qu’a revêtue, à l’époque du capitalisme industrialisé, la volonté d’émancipation que les esclaves ont toujours érigée contre les maîtres.

La lutte des classes est inséparable de la conscience de classe qui donne au prolétaire les armes nécessaires pour s’affranchir de la prolétarisation. La bureaucratisation du mouvement ouvrier et la colonisation consumériste n’ont abouti qu’en apparence à la liquidation du prolétariat et de son projet d’une société sans classes.

Dans les insurrections de la vie quotidienne s’incarnent aujourd’hui les libertés égalitaires à laquelle les esclaves n’eurent jamais le bonheur d’accéder.

Or, voici que le joug des maîtres, qui leur brisait les reins, se délite. Il ne résiste plus à l’implosion du système marchand, à l’effritement du Pouvoir, à la déchéance de l’autorité, au débridement de l’argent fou. Un monde s’écroule, qui était dévolu à la mort. C’est à nous de l’évacuer en éradiquant le culte de la charogne.

Créer et multiplier partout nos oasis devient le seul choix à mesure que la paupérisation progresse, annonçant à petit pas les pillages de supermarchés, le sabotage des machines à payer, le feu bouté aux centres d’impôts, le grand bûcher des factures. Que le Pouvoir des possédants assume l’incendie qu’il a déclenché ! Quant à nous, qui ne désirons que les feux de la vie, nous accueillons avec un réalisme placide un constat qui joue en notre faveur : la quantité d’avoir, qui définit la survie, cède la place à la qualité de l’être qui fonde la vie. En d’autres termes, la société marchande s’effondre, laissant à la société humaine le soin d’évacuer les décombres.

Sauf si le Parti de la mort nous convainc de l’accompagner dans sa chute ! Dix mille ans d’autodestruction sont-ils solubles dans une goutte de vie pleine et entière ? Vous en doutez ? Mais quoi ? Pour la première fois dans l’histoire, même l’autodestruction s’écroule de lassitude. La mort est devenue plus ennuyeuse qu’effrayante. La vie qui va devant soi ignore la peur. Elle s’ouvre sur un présent où tout est possible.

Le nettoyage de printemps montre que le printemps est de toutes les saisons. Comment le contester quand on voit les luttes pour la libération de la terre et pour le droit d’y vivre balayer, comme fêtus de paille, les croyances idéologiques et religieuses dont il ne subsiste que des carcasses éviscérées. Si le Pouvoir prend encore la peine de les agiter et de les entrechoquer, la raison en est que, contraint de diviser pour régner, il se doit de leur prêter assez de crédibilité pour les enrôler dans sa stratégie du bouc émissaire.

Le clientélisme a fait du conservatisme et du progressisme, des marchandises interchangeables. Hier encore leur antagonisme les rendait plausibles. Allez donc démêler les enjeux des élections à venir, quand l’opinion publique a entendu le populisme fascisant réclamer la liberté conjointe de ne pas se faire vacciner et de noyer les migrants ; tandis que le populisme gauchiste prônait une vaccination obligatoire, comme s’il ignorait que sa démarche frayait la voie au Crédit social à la chinoise.

N’est-ce pas dans le même ordre d’idées confuses que l’écologie quémande une protection des espèces auprès d’autorités qui les exterminent ? Les gémissements que suscitent les violences policières sont doux aux oreilles des misérables qui les excitent. Qu’espérez-vous de gouvernements à la solde de mafias financières décidées à vider les fonds de tiroirs du Bien public, qu’avaient remplis les luttes ouvrières du passé ?

Paradoxalement, alors que nous pataugeons dans un no man’s land de nuit et de brouillard, tout devient clair. Nous sommes l’émanation de la vie, nous nous revendiquons comme tels. Nos ennemis sont le parti de la mort. Si redoutable que soit leur arsenal de guerre, il suffit d’un reste de vivant immiscé dans leur comportement mécanique pour les déstabiliser et les pousser de guingois.

Ils disposent d’armes qui les font dépérir à petit feu quand ils tirent. Nous n’avons d’autres armes que la vie. Elles ont la gratuité de l’inépuisable. Leur puissance est sans limite, car ce sont des armes qui ne tuent pas.

Il n’a échappé à personne que le souffle des grandes luttes sociales dissipent les plus odieux préjugés. La volonté d’émancipation va au-delà des vieilleries dont nous sommes pétris, elle ne les efface pas, elle les dénoue.

Dans le Landerneau politique, on s’inquiète des exhalaisons malsaines d’un folklore néo-nazi. Le populisme fascisant est devenu la cible élective des apéros gauchistes où l’on a oublié le propos de Berneri, « Seule la lutte anticapitaliste peut s’opposer au fascisme. Le piège de l’antifascisme signifie l’abandon des principes de révolution sociale. La révolution doit être gagnée sur le terrain social et non sur le terrain militaire.» Où l’on oublie, dans la foulée, combien de ces valeureux militants recommandèrent de voter pour un gâteux précoce, tripoteur de matraques, afin de barrer le passage à une Obersturmfuhrer délabrée qui tient la boutique concurrente d’à côté.

Le Pouvoir a toujours alimenté en nous un enfer existentiel où le refoulement des pulsions vitales se défoulait en réflexes de mort. Guerres, émeutes, religions, idéologies offraient à la haine de soi et des autres des exutoires amplement suffisant pour que la vie y paraisse sans usage, sans valeur, inexistante.

L’absence de conflits de grande envergure, la pacification consumériste, la mesquinerie croissante du profit, l’ensommeillement bureaucratique des révolutions, les ordures sans os à quoi se résument les idéologies et les religions mafieuses, ont pour ainsi dire arraché la mort à sa goinfrerie immodérée, à la dévoration outrancière qui lui avait été consentie jusqu’aux hécatombes hitléro-staliniennes. La majesté du Grand Faucheur ayant été quelque peu détrônée et dévalorisée sur le marché, on s’est mis à parler de la vie comme d’un objet insolite mis à jour par un archéologue.

La démocratie totalitaire qu’a instaurée la dictature du libre-échange a été contrainte de rafistoler la peur dont aucun pouvoir hiérarchique ne peut se passer. Après la retombée d’une panique suscitée par la gestion tragi-comique du coronavirus, après le flop de la terreur nucléaire importée d’Ukraine, après une trop incertaine invasion d’extra-terrestres, on se serait volontiers rabattu sur ce furoncle d’extrême droite qui avait servi à Mitterrand pour assainir sa fistule pétainiste, mais l’abcès était crevé de longue date. C’est donc à une terreur en panne d’idéologie, à une répression aveugle, à un viol collectif, à une horreur sans appellation contrôlée que recourent désormais les forces de l’Ordre étatique et supra-étatique.

Nous sommes la proie d’un fascisme botté, casqué, motorisé, violant, violeur, matraqueur, éborgneur, tueur. Il ne relève pas du parti d’extrême-droite, même si celui-ci applaudit à ses exploits. Sa barbarie porte le sceau de la légalité. Elle est le mode d’expression des milices gouvernementales et mondialistes. Le fascisme est le bras armé du parti de la mort. Il est par excellence le culte de la charogne. Il en perçoit la dîme.

Ensauvagés par le ressentiment, les frustrations dont ils se vengent en tabassant et en massacrant ce qui passe à portée, les policiers ont quelques raisons de se gausser de notre indignation, de nos protestations humanitaires, de nos pétitions, de nos cahiers de doléances. Pourquoi se priveraient-ils de ricaner quand ils nous voient implorer la clémence de pantins mécanisés dont ils enragent secrètement d’être la vile serpillière ?

Ce qu’ils attendent fébrilement n’est pas qu’on les aime mais qu’on les haïsse. Leur haine de soi et de la vie se nourrit de la peur qu’ils éprouvent et qu’il propagent. Les conflits du passé ne manquaient pas de clarté. L’ennemi faisait sens, il était le nazi, le communiste, l’envahisseur, le barbare venu d’ailleurs. Mais pour taper sur une foule de promeneurs, quelle raison la matraque invoquera-t-elle si, par le plus improbable des hasards, il lui arrive de penser ?

Cette absence de raison est par elle même une question. Ne pas y répondre la renvoie au demandeur. Il se peut qu’elle tourne et se retourne en lui, qu’elle le taraude de son absurdité. Mais combien de temps prendra-t-elle pour inciter la troupe à dresser la crosse en l’air ?

L’autre solution est de répondre mais en n’apportant pas la réponse attendue. Quelle est la réponse espérée ? L’exécration, le rejet, le mépris, la tenue de combat, la descente dans l’arène. Un comportement où nous perdrions notre humanité pour avancer en porte-à-faux et entrer en barbarie.

Puisque la réaction attendue est « on va vous rendre l’existence impossible », décrétons, à l’inverse, « nous allons vous rendre la vie possible. » Non par esprit de provocation mais parce que nous restons fidèles au projet humain qui est le nôtre.

Il serait illusoire, voire ridicule, de miser sur un travail de dissociation du policier, qui lui laisse une chance de recouvrer son humanité en désertant la machine à broyer le vivant, dont il est lui-même victime. Mais que risquons-nous à lui signifier – de loin et à l’abri de ses réflexes sado-masochistes – que nous ne voulons ni pardon ni talion ? Que vous voulons seulement que la vie soit à tous et à toutes, sans exclusion.

Nous n’avons pas de message à adresser, nous avons une expérience à mener sans discontinuer. Il nous appartient de poursuivre l’occupation de notre terre, d’autogérer notre eau, de fonder partout dans le monde des micro-sociétés où les assemblées permettent à chacun la libre expression de ses désirs, leur affinement, leur harmonisation (l’expérience zapatiste montre que c’est possible.)

Osez parler d’utopie et de chimère alors que la France retrouve l’élan qui la libéra de l’Ancien régime ? Alors que s’esquissent sous nos yeux des collectivités où s’incarnent dans l’authenticité vécue ces idées d’égalité, de liberté, de fraternité, qui avaient été vidées de leur substance ?

Notre révolution sera celle de la jouissance contre l’appropriation, de l’entraide contre la prédation, de la création contre le travail.

Ne rien céder sur l’invariance de notre projet humain tisse une cohésion existentielle et sociale qui a les moyens et l’ingéniosité de pratiquer une guérilla démilitarisée soumettant à un harcèlement constant le totalitarisme étatique pourrissant.

Ceux qui misent sur notre essoufflement ignorent que le souffle de la vie est inépuisable. A courir en revanche partout où l’on détruit leurs machines, comment les oppresseurs ne s’étoufferaient-ils pas à perdre haleine ?

Nous entrons dans l’ère de l’autogestion et du renversement de perspective.

Nous n’avons connu de vie que sous l’ombre glacée de la mort. Nous n’avons rien entrepris sans penser que notre entreprise était vaine et insensée.

La France, en se soulevant, ouvre au monde des voies radicalement nouvelles. La créativité poétique du « peuple des bassines » s’inscrit dans un mouvement d’autodéfense du vivant appelé à croître, à se fédérer, à multiplier, non par volontarisme mais parce que c’est cela ou se momifier dans un environnement sans insectes et sans oiseaux.

Nous ne sommes ni Sisyphe ni Prométhée, nous refusons les sacrifices, à commencer par le sacrifice de notre existence. Nous sommes des individus conscients que la vie et la terre leur ont été données avec un mode d’emploi dont ils sont en tant qu’humains les seuls détenteurs.

La vie en quête d’humanité a tous les droits, elle n’a aucun devoir. Tel est le renversement de perspective qui nous affranchit du ciel des Dieux et des idées, et nous remet droit debout, bien ancrés sur la terre.

Nous sommes arrivés à un point de rupture avec un passé qui nous a mécanisés (le comportement militaire en fait partie). Nous sommes le point de départ d’un présent qui ne régressera plus. Nous sommes la renaissance d’une vie que rien n’a réussi à étouffer et qui maintenant revendique sa souveraineté. Regardez ! Nous étions une poignée de gueux, le gratin des rien-du-tout. Nous sommes des millions à découvrir une intelligence du vivant qui nous tient quitte de l’intelligence morte, qui nous a gérés comme des choses. Nous ne sommes plus une marchandise. Nul besoin de fanfaronner pour le faire savoir. Commençons par la base : plus d’école inféodée au marché, plus d’agriculture dénaturée, plus d’ordres à donner ni à recevoir !

Il faut cesser de raisonner en termes de victoire et de défaite, comme des encasernés. La militarisation des corps et des consciences, ça suffit !

Ce qui effraie le Pouvoir, c’est moins le grand nombre des opposants que la qualité de la vie qu’ils revendiquent. Lors des grèves anciennes, les patrons redoutaient moins l’ampleur numérique du mouvement que la joie profonde qui animait les insurgés. Ils avaient les moyens d’en venir à bout grâce au chantage habituel du « pas de travail, pas de salaire ! ».

Alors que le capitalisme annonce aujourd’hui sans ambages que la hausse du prix des denrées et la baisse des salaires sont inéluctables, que l’on m’explique comment le chantage traditionnel a la moindre chance d’obtenir une reprise générale du travail ! On comprend en revanche que l’État – tenu d’enrichir ses pourvoyeurs – n’ait plus, pour masquer sa faillite sociale, qu’à tabasser ce peuple dont la présence le terrorise. Mais pendant combien de temps ?
Qu’on ne nous accuse pas de vouloir abattre l’État. Il s’abat tout seul et il s’abat sur nous.

Son inutilité dévastatrice nous met en demeure de palier, par la création de zones d’autodéfense du vivant, la disparition programmée des biens dont il nous pourvoyait jadis quand il se souciait d’une communauté citoyenne. Ce n’est pas le tout de mourir, il faut bien vivre !
Rien ne résiste à l’autodéfense du vivant.

Il n’est pas une seule forme de gouvernement qui n’ait fait le malheur des peuples censés bénéficier de ses bienfaits. A peine sortis des pires dictatures, nous avons hérité de la meilleure, si l’on peut qualifier ainsi un totalitarisme économique où le politique perd pied tant se déversent et s’amoncellent en cette fin de parcours les excréments de ce qui fit la gloire du passé – aristocratie, démocratie, oligarchie, impérialisme, monarchie, autocratie et tutti quanti.

C’est de ce tout-à-l’égout où ils s’enlisent que nos ennemis prétendent mener contre nous une guerre à outrance ? Voire ! Nous sommes capables de frapper, de disparaître, de resurgir où on nous attend le moins. Nous avons appris des guérillas traditionnelles que leur échec fut moins le fait de la violence répressive que de leur propre organisation interne où se perpétuait la structure hiérarchique du monde dominant. Souvenez vous de l’effarement des élites françaises devant les gilets jaunes : « où sont donc les chefs, les responsables avec qui discuter ? » Eh non ! Il n’y en avait pas. Faisons en sorte qu’il n’y en ait jamais !

L’autogestion est une expérience qui a prouvé sa viabilité dans l’Espagne révolutionnaire de 1936, avant d’être écrasée par le parti communiste. Elle est l’organisation par le peuple de la satisfaction des besoins et des désirs de celles et de ceux qui le composent. Ses principes théoriques prennent naissance dans le vécu des collectivités où lutter ensemble enseigne un art des accords et des discordances qui n’est pas étranger aux résonances musicales de l’existence individuelle et de la nature. Partout où apparaissent des zones d’autodéfense du vivant, l’intelligence du cœur l’emporte sur l’intelligence de la tête et enseigne à tout réinventer.

Ce que mai 1968 nous a légué de plus radical, c’est le projet d’occupation d’usines où les prolétaires commençaient à envisager de les faire tourner au profit de tous et de toutes (éventuellement en les reconvertissant). Le parti communiste s’y opposa violemment, ce fut sa dernière victoire avant l’effondrement définitif.

Le travail parasitaire et la spéculation boursière ont fait disparaître les lieux de production socialement utiles mais la volonté d’occuper des lieux où nos racines sont les racines du monde n’a pas fléchi. Récupérer les rues, les places, les communes, c’est un combat qui se livre à la base. Il n’est pas tolérable que les nourritures empoisonnées par l’industrie agro-alimentaire pourrissent l’air ambiant et pénètrent dans nos cuisines où nous avons le bonheur de concocter des plats sains et savoureux.

La terre est un lieu de jouissance humaine, non une jungle où règnent la prédation et l’appropriation. Nos libertés sont nourricières. Nous assistons à la renaissance d’une vie qui n’a que des commencements et ignore qu’il existe une fin.

Nous n’avons qu’un monde meilleur à offrir.

Raoul Vaneigem
5 avril 2023

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190 réponses à “Y EN A MARRE ! LIBÉRONS LA VIE ! LIBÉRONS LA TERRE !, par Raoul Vaneigem”

  1. Avatar de ilicitano
    ilicitano

    Openai : 17 mars 2023
    https://openai.com/research/gpts-are-gpts

    (traduction)
    « GPT : un premier regard sur le potentiel d’impact sur le marché du travail des grands modèles linguistiques

    Nous étudions les implications potentielles des modèles de transformateurs génératifs pré-entraînés (GPT) et des technologies connexes sur le marché du travail américain.
    À l’aide d’une nouvelle rubrique, nous évaluons les professions en fonction de leur correspondance avec les capacités du TPG, en intégrant à la fois l’expertise humaine et les classifications du TPG-4.
    Nos résultats indiquent qu’environ 80% de la main-d’œuvre américaine pourrait voir au moins 10% de leurs tâches affectées par l’introduction des TPG,
    tandis qu’environ 19% des travailleurs pourraient voir au moins 50% de leurs tâches touchées.
    L’influence s’étend à tous les niveaux de salaire,
    les emplois à revenu élevé étant potentiellement plus exposés. .😀
    Notamment, l’incidence ne se limite pas aux industries qui ont récemment connu une croissance de la productivité plus élevée.
    Nous concluons que les transformateurs génératifs préentraînés présentent les caractéristiques des technologies à usage général (TPG), ce qui suggère que ces modèles pourraient avoir des implications économiques, sociales et politiques notables. »

    —————-
    Goldman Sachs: 300 millions
    https://siecledigital.fr/2023/03/30/goldman-sachs-ia-emploi/
    L’IA pourrait remplacer l’équivalent de 300 millions d’emplois

    300 millions avec un coût salarial chargé moyen de 40.000 €/$ , ça va leur faire économiser un pognon de dingue

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      Quand on voit les bourdes que ChatGPT peut sortir occasionnellement, je ne sais pas si on peut lui confier la fabrication d’avions, les opérations à coeur ouvert, la gestion du trafic ferroviaire, la conduite des voitures autonomes… Mais on peut peut-être lui confier les CA des multinationales ?! 🙂

      1. Avatar de Jacques Racine
        Jacques Racine

        Je réitère ici ma remarque sur le pilote automatique d’un avion: il est là pour seconder l’humain et non pour le remplacer, l’humain devrait toujours être le seul responsable. Donc qu’une IA remplace l’humain est sinon une aberration du moins une folie!

        1. Avatar de Pascal
          Pascal

          Il n’en reste pas moins que l’enjeu véritable est du côté de la fiabilité car nous déléguons chaque jour un peu plus nos responsabilités à la technologie. Il ne peut en être autrement sauf à renoncer à l’innovation technologique. C’est à nous de faire le choix avant que la machine ne fasse des choix pour nous. Et ces choix ne peuvent être qu’individuels.

          1. Avatar de Jacques Racine
            Jacques Racine

            Si un algorithme de la finance à haut débit fait s’écrouler une banque, c’est bien le mathématicien qui l’a pondu qui en est le responsable, non? Idem pour l’informaticien qui a pondu un algorithme pouvant créer un microprocesseur plus performant que ce qui est humainement calculable?

            1. Avatar de Garorock
              Garorock

              Le minou de Palo alto sera toujours profondément humain puisqu’il aura été créé par les humains.
              Sauf qu’un jour, il deviendra peut être, un humain comme il n’en a jamais existé: un humain encore inconnu. Il y a bien des ancètres que l’on a peut être pas encore découverts…
              Ce ne sera pas un extra-terrestre. Si demain des extra-terrestres débarquaient sur notre planète, comment pourrions-nous être sûrs qu’il ne s’agisse pas de robots émanant d’une civilisation disparue?
              Un Einstein au carré avec 2000 ans de savoir au compteur, ça vaut peut être le coup de faire sa connaissance.
              Sera-ce forcément une mauvaise rencontre?
              Il y a toujours un Pangolin quelque part…

          2. Avatar de Garorock
            Garorock

             » Et ces choix ne peuvent être qu’individuels. »
            La part du colibri, si elle est nécessaire, elle n’est pas suffisante.
            Nous en avons la preuve tous les jours.
            Nous polluerons plus cette année que l’année dernière et moins que l’année prochaine. C’est déja écrit.

            1. Avatar de Pascal
              Pascal

              Pour la réponse collective, quel est le bras de levier ?

        2. Avatar de Garorock
          Garorock

          Jacques
          Et les voitures autonomes de notre ami Elun (tiens, encore lui!) elles remplacent personne?
          Chauffeur, taxi, Uber: voila encore des boulots que les ex sténo-dactylos ne pourront plus faire…
          L’abération et la folie c’est quasiment une marque de fabrique de l’homo économicus.
          Les Bonobos n’ont pas tous ces problèmes…
          Faudrait retourner dans la forêt!

          1. Avatar de Pascal
            Pascal

            A bien y regarder, en poussant un peu du côté de l’absolu, c’est quoi le rêve de l’homo economicus ? Faire de l’argent après avoir éliminé toutes les contraintes économiques et sociales (dont l’humain), la Corne d’abondance !
            Oui, oui, l’Homo economicus n’est autres qu’un malade mental dangereux pour lui même et surtout pour la société humaine.

            1. Avatar de Henri
              Henri

               » L’Homo Economicus  » a finalement déjà existé à la perfection ; il s’appelait pendant la seconde guerre mondiale : IG FARBEN…

              https://fr.wikipedia.org/wiki/IG_Farben

          2. Avatar de Jacques Racine
            Jacques Racine

            Mais c’est précisément là où je veux en venir: si on laisse la voiture autonome nous conduire et qu’il y a un accident, à qui la responsabilité? Celle du conducteur ou celle de l’algorithme? Dans le premier cas vous n’aviez qu’à reprendre le contrôle de la voiture avant l’accident, dans le second cas c’est toutes les voitures autonomes qui devraient être mises à l’arrêt pour mise à jour. Et on devrait retirer pour 6 mois le permis de conduire à cet algorithme!

            1. Avatar de Garorock
              Garorock

              La colombe de l’arche:
              Maudit !
              soit le père de l’épouse
              du forgeron qui forgea le fer de la cognée
              avec laquelle le bûcheron abattit le chêne
              dans lequel on sculpta le lit
              où fut engendré l’arrière-grand-père
              de l’homme qui conduisit la voiture
              dans laquelle ta mère
              rencontra ton père.
              Robert Desnos.

              1. Avatar de Jacques Racine
                Jacques Racine

                Tu as raison! Je vais juste me taire parce que là je ne comprends plus rien! À + dans un univers parallèle!

          3. Avatar de ilicitano
            ilicitano

            Tiens à propos des voitures autonomes sur une société ( CACisée ou non)

            Ils n’avaient pas prévu les sirènes des pompiers, ambulances, police.

            Il y a fallu revoir les algorithmes en intégrant, par le traitement du signal ,des capteurs auditifs.

            On arrête pas le progrès.

            1. Avatar de Garorock
              Garorock

              https://www-frandroid-com.webpkgcache.com/doc/-/s/www.frandroid.com/marques/tesla/1658539_des-videos-de-clients-tesla-partagees-sans-leur-consentement-grosses-inquietudes-quant-a-la-protection-de-la-vie-privee

              A tous les héros qui ont acheté une Tesla: Elun vous remercie pour vos partouzes sur la banquette arrière (y’a de la place dans une Tesla), il a maintenant assez d’images pour vous faire chanter!
              Poutine n’aura pas ce problème, il roule toujours dans une vieille Lada…

    2. Avatar de un lecteur
      un lecteur

      La techno GPT nécessaire au maintien du capitalisme comme système de domination (structurant) doit maintenant digérer, assimiler la classe moyenne sup. pour garder son momentum « concentrationnaire », pyramidale, de cavalerie de lemmings sans tête.
      Le gras qui servait de protection entre les super-riches et les gueux en disparaissant va enfin les mettre à nu.
      J’espère qu’enfin on verra, sur les calicots du peuple en révolte, le faciès des plus grosses fortunes de France et de Navarre. Le poisson pourrit par la tête.

  2. Avatar de Tout me hérisse
    Tout me hérisse

    Quelle chance objective aurait un système, basé sur le socialisme, de s’imposer et survivre dans un monde dominé par le système capitaliste ?
    Lors de l’élection de F.Mitterrand en 1981 et la constitution d’un gouvernement d’union de la gauche, cela a abouti à une fuite des capitaux et un tas de mesures initiées par les capitalistes afin de faire échouer cette expérience.
    Il en est ainsi encore maintenant pour Cuba qui possède une constitution résolument socialiste mais de ce fait, est en butte à son grand voisin capitaliste, accompagné de ses affidés, qui ne rêve qu’à un changement de régime au nom de la ‘démocratie’…
    https://shs.hal.science/halshs-03890773/file/2022%20-%20Cuba-une-nouvelle-Constitution-pour-une-nouvelle-ere.-M.-Fatin-Rouge-Stefanini-03-2022.pdf
    Il faudrait donc beaucoup de courage, être puissant pour se faire respecter et surtout, ne pas hésiter à prendre des mesures efficaces pour contrer les décisions des capitalistes mondialisés.
    Mais un autre écueil est susceptible de survenir, en l’occurrence, la prise du pouvoir économique par des hauts fonctionnaires se muant en oligarques à leur seul bénéfice et enrichissement personnel, comme cela a pu être observé dans certains pays se revendiquant communistes ou socialistes 😠

    1. Avatar de ilicitano
      ilicitano

      @ Tout me hérisse

      Un des points forts du capitalisme est la libre circulation des capitaux.
      L’UE a mis en place cet avantage que ce soit intra-européen ou mondial.

      Il permet entre autres ,la spéculation à l’échelle mondiale, la fuite face à un problème bancaire par exemple (ex: Sillicon Valley Bank aux USA, Crédit Suisse),les investissements à l’étrangers,……….

      Des possibilités de régulation peuvent être faites.
      Un pays peut très bien bloquer un bank run pour les déposants.

      Les hauts fonctionnaires se muant en oligarques : je suppose que vous faite référence à la Russie.
      Suite à l’effondrement et la disparition du régime soviétique , la nouvelle équipe en place dirigée par Elstine a appliqué de 1990 à 1999 certains principes du Consensus de Washington avec la privatisation des biens publics russes au profits de nouveaux riches que sont devenus les oligarques.
      Cette situation s’est aussi appliquée dans des pays qui étaient sous mainmise soviétique.

      Pour rappel ,Le Consensus de Washington est un ensemble de mesures économiques libérales, mises en place durant la période Reagan pendant l’effondrement de l’URSS qui a vu la victoire du capitalisme occidental sur le communisme soviétique.
      Forte de cette victoire, des mesures du Consensus de Washington, de la main mise du $ sur les échanges internationaux , de l’extra-territorialité à l’échelle mondiale des décisions de justice , les USA ont eu un avantage indéniable sur l’ensemble de l’économie ,
      Cependant il y a actuellement un bataille planétaire entre les blocs pour affaiblir chacun des blocs.

    2. Avatar de Garorock
      Garorock

      C’est déja un peu le cas. On sait bien que la haute fonction publique est dominée par une caste qui pratique l’entre-soi à outrance et préfère l’inertie du clientellisme aux réformes pour le bien de la population.
      Si un gouvernement de gauche digne de ce nom laissait à son arrivée au pouvoir les rènes de la haute fonction publique aux diplomés des grandes écoles; il aurait perdu d’avance.

      1. Avatar de ilicitano
        ilicitano

        Sans oublier le pantouflage, dont les exemples sont multiples, avec ses allers-retours public/privé et les conflits d’intérêts induits.
        Les énarques et les X se débrouillent bien sur le sujet.

        1. Avatar de Garorock
          Garorock

          Même Macron ne peut pas y toucher à ces gens là.
          Alors il va falloir un bon plan, à gauche, pour y parvenir.

          1. Avatar de ilicitano
            ilicitano

            Il est un des éléments qui fait fonctionner le système.
            Enarque ,haut fonctionnaire, inspecteur des finances , rapporteur de la commission Atali, banque Rothschilds, secrétaire de l’Elysée et ainsi de suite.
            Il a pantouflé.

          2. Avatar de Pascal
            Pascal

            Le PR peut quand même agir sur un grand nombre de nominations dans la haute fonction publique :
            https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Article_13_de_la_Constitution_de_la_Cinqui%C3%A8me_R%C3%A9publique_fran%C3%A7aise
            Le problème restera toujours le fait que l’ensemble de ces hauts fonctionnaires sont formés, formatés au biberon du néolibéralisme. Il s’agira de trouver les perles rares et qui plus est compétentes.
            Vaste programme, comme disait Charles !

            1. Avatar de timiota
              timiota

              Jérôme Guedj, énarque par exemple (PS tendance Génération.s si je dis pas de bêtise).

              1. Avatar de Pascal
                Pascal

                Désolé, je n’ai pas de pouvoir de nomination !😂😉
                Mais je pense aussi qu’il y a aussi dans la haute fonction publique des hommes et des femmes qui prennent conscience de la dissonance cognitive dans laquelle leur formation les a conduit au regard des catastrophes environnementales, sociales et humaines. Il est nécessaire de garder confiance dans les capacités de l’être humain !😉

            2. Avatar de ilicitano
              ilicitano

              Après les hauts fonctionnaires (ENA devenu INSP, ENS,..), si je me souviens bien, doivent « théoriquement » 10 ans à l’Etat.
              L’ensemble des privatisations des sociétés publiques françaises a aussi contribué au pantouflage.
              https://fr.wikipedia.org/wiki/Privatisations_en_France

              Une petite remarque ,au passage :
              L’ensemble des privatisations en France a commencé en 1986/87 sous Chirac et sur tous les gouvernements suivants.
              Et comme par hasard , c’est à peu près au même moment du Consensus de Washington et ses dix commandements du néolibéralisme.

              1. Avatar de Pascal
                Pascal

                Sous Chirac Président et Lionel Jospin Premier Ministre ! Mais inutile de remuer le couteau dans la plaie.
                C’est aussi en 1981 que les USA fabriquent les « Youngs leaders » sans doute par peur de l’arrivée des Socialistes en France ! 😉
                Et quand on regarde la liste des youngs leaders français, le spectre politique est très large, du PS au FN, seule la gauche du PS semble y échapper. Tout ça, ça créé du lien et du conditionnement. Le lobbying politique ne date pas d’hier.

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