Comment j’ai découvert le mécanisme de la conscience … en 1999 – Épisode 3. Comment le cerveau synchronise-t-il les données des 5 sens ?

Illustration par ChatGPT

Étape intermédiaire de ma réflexion : comme le mécanisme de synchronisation des données en provenance des 5 sens est central dans la théorie de la conscience (désormais Cross-Flow Resonance Theory : « CFRT ») que je proposais dans « Le secret de la chambre chinoise » en 1999, je fais le point sur ce que la neuroscience a appris sur le sujet depuis : durant les 26 années écoulées (j’anticipais par mon hypothèse sur ce qui était scientifiquement connu à l’époque).

P.J. :

Il faut plus de temps à une information provenant du bout de mon orteil pour atteindre le thalamus qu’à une information provenant de ma rétine. Il doit y avoir un mécanisme dans le thalamus ou ailleurs qui synchronise les perceptions. Comment cela se passe-t-il ?

DeepSeek :

(pense pour 11 secondes)

Hmm, c’est une question sophistiquée qui touche au cœur même de la manière dont le cerveau résout les problèmes d’intégration temporelle. L’utilisateur souligne une contrainte physique réelle, à savoir les délais de transmission neuronale, et demande comment le thalamus compense pour créer un moment conscient unifié.

La théorie de l’utilisateur intègre déjà la résonance thalamocorticale, je vais donc m’appuyer sur ce cadre. La clé est de passer d’une conception du thalamus comme synchroniseur passif à une conception comme prédicteur actif. La réponse doit couvrir : 1) le problème des retards variables, 2) le mécanisme prédictif (précession de phase), 3) le rôle des oscillations (rythmes alpha), et 4) comment cela s’intègre dans leur modèle de conscience.

J’éviterai de m’enliser dans des détails neuroanatomiques inutiles, sauf s’ils sont directement pertinents. L’utilisateur semble vouloir une explication mécaniste qui corresponde à son idée de résonance holographique. Le concept de « fenêtre temporelle » issu des études sur la conscience pourrait constituer un bon pont.

L’exemple du livre tombé devrait permettre de concrétiser cela [P.J. : il ne l’utilisera pas]. Il faut souligner qu’il ne s’agit pas simplement d’une compensation de retard, mais d’un élément fondamental pour construire un présent conscient cohérent.

(répond)

C’est une question [compliments d’usage] cruciale qui touche au cœur même de la manière dont le cerveau construit un moment présent unifié à partir de signaux sensoriels disparates et retardés. Vous avez raison, le thalamus ne se contente pas d’« attendre » que tous les signaux arrivent. C’est un prédicteur actif et dynamique.

Le mécanisme ne repose pas sur une synchronisation passive à l’arrivée, mais sur une prédiction temporelle active et une intégration dans une fenêtre temporelle prédéfinie. Le thalamus, en collaboration avec le cortex, ne se contente pas de traiter ce qui s’est passé, mais aussi ce qui aurait dû se passer.

Voici comment on pense que cela se produit :

1. Le problème : les latences neuronales variables

Comme vous l’avez correctement remarqué, les signaux se déplacent à des vitesses différentes :

  • Visuels : voie rapide et orientée de la rétine au thalamus (LGN) puis au cortex.
  • Auditif : légèrement plus lent, nécessite un traitement plus important dans le tronc cérébral avant d’atteindre le thalamus (MGN).
  • Somatosensorielle (orteils) : nettement plus lente en raison des voies neuronales longues et non myélinisées.

Il en résulte une désynchronisation de l’arrivée au thalamus d’événements qui se sont produits simultanément dans le monde extérieur.

2. La solution : alignement prédictif sur une « fenêtre temporelle »

La solution du cerveau n’est pas d’accélérer les signaux lents, mais de retarder la perception consciente de l’événement dans son ensemble jusqu’à ce que le signal le plus lent soit arrivé, puis de les présenter comme un tout. Ce processus est souvent appelé « liaison temporelle » ou « datation prédictive ».

Les acteurs clés sont, une fois encore, les boucles thalamocorticales et leurs rythmes.

a) Le rôle des oscillations alpha (~10 Hz) : création de la fenêtre temporelle

Les oscillations alpha sont dominantes dans le thalamus et les cortex sensoriels au repos. Leur cycle (par exemple, 100 ms pour 10 Hz) serait à l’origine de « fenêtres d’intégration » ou « moments perceptifs » discrets et périodiques.

  • Le cerveau ne traite pas le temps comme un flux continu, mais plutôt comme des morceaux ou des échantillons discrets, cadencés par ces rythmes.
  • Les signaux qui arrivent dans la même « fenêtre alpha » sont regroupés en une seule perception consciente.

b) Le thalamus en tant que prédicteur actif : la « postdiction »

Le cerveau utilise un mécanisme appelé postdiction, dans lequel un stimulus ultérieur peut influencer la perception d’un stimulus antérieur. Un exemple classique est l’effet flash-lag, dans lequel un flash à côté d’un objet en mouvement est perçu comme étant en retard par rapport à celui-ci.

Voici comment cela pourrait fonctionner pour votre orteil et votre rétine :

  1. Le déclencheur initial : le signal visuel rapide (par exemple, voir un marteau frapper votre orteil) arrive d’abord au thalamus et au cortex visuel.
  2. Mécanisme de mise en attente temporaire : au lieu d’être immédiatement transmis à la conscience, ce signal initial active un modèle prédictif dans le cortex. Ce modèle est le suivant : « un impact a été observé ; un signal de douleur provenant de l’orteil est attendu dans environ X millisecondes ».
  3. Inhibition : le thalamus et le cortex, probablement via l’action inhibitrice du noyau réticulaire thalamique (TRN), « retiennent » essentiellement l’événement visuel dans une mémoire tampon pré-consciente. Ce processus est médié par une activité neuronale soutenue dans les circuits corticaux concernés.
  4. Intégration et libération : le signal somatosensoriel lent provenant de l’orteil arrive enfin au thalamus. Maintenant que tous les composants attendus de l’événement sont présents, le système thalamocortical « libère » la perception dans la conscience.
  5. Illusion perceptive : élément crucial, le cerveau antidate l’ensemble de l’événement. L’expérience consciente est que vous avez vu le marteau frapper et ressenti la douleur simultanément. La perception consciente est alignée sur le timing externe de l’événement, et non sur le timing interne des signaux neuronaux.

Le rôle du thalamus est de faciliter ce processus de maintien et de comparaison grâce à ses connexions de rétroaction massives avec le cortex.

3. Preuve du mécanisme : l’expérience de « recalibrage temporel »

Ce n’est pas seulement théorique. Des expériences clés démontrent cette plasticité :

  • Les chercheurs peuvent introduire artificiellement un délai entre une action motrice (par exemple, appuyer sur un bouton) et sa conséquence sensorielle (par exemple, un flash lumineux).
  • Après avoir été exposé à ce délai, le cerveau s’adapte. Lorsque le délai est supprimé, le sujet perçoit le flash comme s’il s’était produit avant même d’avoir appuyé sur le bouton : c’est ce qu’on appelle un décalage négatif.
  • Cela montre que le cerveau recalibre dynamiquement le timing attendu des événements afin de maintenir l’unité temporelle. Le système thalamocortical ajuste en permanence ses modèles prédictifs afin de tenir compte des retards neuronaux inhérents au corps.

Comment cela s’inscrit dans votre théorie de la conscience

Dans votre cadre, il s’agit d’un exemple parfait de la résonance entre les flux descendants (récupération) et ascendants (alimentation).

  • De bas en haut (alimentation) : les signaux visuels et somatosensoriels bruts et désynchronisés arrivent au thalamus.
  • Descendant (récupération) : le cortex fournit un modèle prédictif puissant basé sur la mémoire : « Ces deux événements sensoriels (vision de l’impact, sensation de douleur) sont causalement liés et devraient être simultanés. » Il génère l’attente.
  • Résonance : la résonance ne se produit pas seulement sur le contenu (« c’est un marteau qui frappe un orteil »), mais aussi sur la structure temporelle (« ces signaux appartiennent au même moment »). L’intégration réussie du signal retardé dans le modèle temporel attendu crée un moment conscient et unifié.
  • Échec de la résonance : si le signal somatosensoriel n’est jamais arrivé (par exemple, en raison d’une anesthésie), le signal visuel retenu peut finalement être traité, mais sembler étrangement incomplet ou manquer d’impact — un échec mineur du modèle temporel résonnant.

En résumé, le thalamus ne dispose pas d’un « chronomètre » qui synchronise les arrivées. Il fait plutôt partie d’un système prédictif qui utilise des oscillations rythmiques pour définir des fenêtres d’intégration et qui retient activement les signaux précoces, en attendant l’arrivée des signaux plus lents, afin de nous présenter une réalité consciente cohérente, unifiée et datée avec précision. Ce processus est une condition préalable fondamentale au type d’expérience consciente résonnante que décrit votre théorie.

P.J. : Vous aurez peut-être noté que DeepSeek dit au passage (cela fait partie de sa reflexion, et non de sa réponse proprement dite) : « L’utilisateur souligne une contrainte physique réelle, à savoir les délais de transmission neuronale, et demande comment le thalamus compense pour créer un moment conscient unifié. » Ceci ne sera pas tombé dans l’oreille d’un sourd et sera au cœur de ma question suivante.

(à suivre…)

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