La drh et Jorion, par Giliane

Billet invité.

J’ai donc lu 

La grande transformation du travail de Jorion. Exemples à la pelle : un service comptable basique : une chef comptable et une aide comptable…. qui fait les chèques (tous remplacés par des virements), qui remplit des bordereaux de cotisations et de charges (tous remplacés par les déclarations automatisées en ligne), qui saisit des factures et des écritures comptables (remplacées par les virements et prélèvements plus ou moins automatiques, etc.), qui établit les attestations maladie, chômage, retraite (toutes remplacées par des déclarations en ligne et des télétransmissions qui s’éditent directement à partir logiciel de paie…), qui turbine un bilan ou un rapport d’indicateurs (là encore édition directe à partir des logiciels de compta ou de paie etc.) Là où j’avais une comptable à temps plein qui s’en sortait tout juste, aujourd’hui un mi-temps suffit largement, voire un tiers de temps …

Mais on continue à former des bataillons de comptables (plus de 50 CV reçus pour une annonce d’un poste à mi-temps… et des CV de bac+5 !!!)

Des emplois (décents, qui permettent de vivre) : il n’y en a pas, pas un seul, plus un seul

Et les employeurs n’ont absolument pas envie d’en créer, bien au contraire… ce qui était « cotisation » est devenu « charge », ce qui était « investissement humain » est devenu « coût du travail »…

Nous on crée des emplois (20 postes en 5 ans) parce qu’on n’a pas le choix : de plus en plus de « clients », enfants de parents qui ne trouvent pas les emplois qui n’existent pas, et qui basculent dans la pauvreté, puis dans la grande pauvreté, puis dans la misère (subtilité des gradations statistiques)… l’accroissement de la misère favorise la création d’emplois de misère, mal-payés, pas reconnus, précaires car financés par la charité qui même si elle est publique n’en reste pas moins charitable c’est-à-dire teintée de bonne conscience et de conservatisme…  et puis comme ça les pauvres restent entre eux.

D’ailleurs comment réclamer de meilleurs salaires quand on passe la journée face au miroir : tant que j’ai un boulot, même pourri, même limite, je ne suis pas comme « eux » : les miséreux, les faméliques, les résignés, les indignes… on n’ose pas, on a tellement de chance déjà d’avoir un boulot, n’importe quel boulot, on se contente de réclamer de meilleures conditions de travail, ça, ça mange pas de pain et puis ça coûte pas trop cher à l’employeur : quelques mesurettes par ci par là (deux fêtes des collègues au lieu d’une, un journal d’entreprise, un audit sur les risques psycho-sociaux mené par un ergonome et un psychologue du travail… A 1500 € la journée… etc. ) qui  au passage font obtenir un petit label d’« entreprise socialement responsable », ça fait pas de mal non plus…  ça plait aux financeurs ou aux clients…

De fait, je vis de plus en plus mal les licenciements, quels qu’ils soient  (sauf ceux des cadres qui font ch..r tout le monde… ). Mais même le pauvre mec ou la pauvre nana qui emmerde ses collègues, dont tout le monde se dit « Bon débarras »… même celui ou celle là, je pense à ses gosses, à son loyer, à la merde dans laquelle il se retrouvera dans quelques mois, après avoir cherché en vain cet emploi qui n’existe pas… quand c’est une inaptitude professionnelle ça tourne au cauchemar ; même quand c’est demandé par le salarié lui-même, je vérifie qu’il a bien compris ce qui se passe et ce que signifie cette future situation… parfois et c’est une chance, les gens ont mûri un autre projet, se sont projetés dans une autre vie et partent avec soulagement, mais c’est de plus en plus rare.

C’est un grand écart permanent dans ma tête : je crois qu’il n’y a pas une réunion avec des salariés où malgré moi, je ne laisse pas passer inconsciemment que la seule vraie solution à toutes les difficultés que nous rencontrons ensemble (malaise, horaires, fatigue, absentéisme, augmentation des AT etc.) ça serait qu’ils soient tous mieux payés qu’ils ne le sont… Un éduc qui démarre (avec trois ou quatre ans d’études dans les pattes, des responsabilités ++++, des horaires d’internat fatigantes) il touche 1380 € nets par mois…. j’ai presque du mal à l’annoncer quand j’embauche…

Alors s’indigner oui, ça c’est tous les jours, tous ensemble, mais agir ??? Des fois je me dis que de ma place, je pourrais au moins témoigner…

Je devrais  peut-être me syndiquer … mais je déteste globalement les sections « cadres » des syndicats actuels… et surtout leur réfléxion est tellement insuffisante, tellement sclérosée sur les causes du désastre….

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