Je voulais écrire un billet sur le plan Geithner mais il a déjà été écrit par quelqu’un d’autre. Je ne m’en plains pas : évitons les doubles emplois.
La seule phrase de Paul Krugman que j’aurais écrite différemment :
Tout ceci est pire que décevant. En fait, cela me remplit d’un sentiment de désespoir.
Le désespoir n’est pas de mise sur le blog de Paul Jorion bien entendu, alors voici ma version personnelle de cette phrase :
C’est bien pire encore que ce qu’on aurait pu craindre mais nous sommes blindés. Une chose est sûre désormais : la solution ne viendra pas de l’administration Obama, passons à la suite. Le monde a besoin d’idées et n’attend pas : retroussons nos méninges !
[Merci à Didier et à Julien Alexandre pour la traduction !]
The New York Times, March 23, 2009
OP-ED COLUMNIST
Financial Policy Despair
By PAUL KRUGMAN
Durant le week-end, le Times et d’autres journaux ont fait état de fuites sur les détails du plan de soutien au banques de l’administration Obama qui sera officiellement présenté cette semaine. Si les éléments rapportés sont corrects, le secrétaire au trésor Tim Geithner a réussi à persuader le président Obama de recycler la politique de l’administration Bush, plus particulièrement le plan « cash for trash » (NDLR : littéralement « argent contre ordure ») proposé il y a 6 mois par le secrétaire au trésor de l’époque Henry Paulson, avant d’être abandonné.
Tout ceci est plus que décevant. En fait, cela me remplit d’un sentiment de désespoir.
Après tout, nous venons tout juste de traverser la tempête des bonus d’AIG, pendant laquelle l’administration a soutenu qu’elle n’était au courant de rien, ne pouvait rien et de toute façon c’était la faute des autres. Pendant ce temps, la même administration a échoué à lever les doutes de la population quant à l’utilisation par les banques de l’argent des contribuables.
Et maintenant, Mr Obama a apparemment donné son accord à un plan financier qui par essence repose sur l’acception que les banques sont fondamentalement saines et que les banquiers savent ce qu’ils font.
C’est comme si le président était déterminé à confirmer la perception grandissante que lui et son équipe sont largués, que leur vision économique est floue du fait des liens trop étroits avec Wall Street. Et d’ici à ce que Mr Obama prenne conscience de la nécessité de changer de cap, son capital politique aura peut-être disparu.
Parlons un instant des circonstances économiques.
En ce moment même, notre économie est tirée vers le bas par les dysfonctionnements de notre système financier, qui a du subir des pertes énormes notamment sur les mortgage-backed securities.
Les historiens de l’économie vous diront qu’il s’agît d’une vieille histoire, qui ne diffère pas de dizaines d’autres crises similaires à travers les siècles. Il y a une procédure surannée pour s’occuper des conséquences d’une défaillance financière généralisée. Ca donne à peu près ceci : le gouvernement restaure la confiance dans le système en garantissant beaucoup (mais pas nécessairement tous) les dettes des banques. En même temps, il prend le contrôle temporaire des banques fondamentalement insolvables, afin de nettoyer les comptes.
C’est ce que la Suède a fait au début des années 1990. C’est également ce que nous avons fait après la débâcle des Savings and Loans des années Reagan. Et il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas faire la même chose aujourd’hui.
Mais l’administration Obama, comme l’administration Bush, semble chercher une sortie plus aisée. Le point commun des plans Geithner et Paulson réside dans l’insistance avec laquelle les mauvais actifs sont présentés comme sous-évalués par rapport au prix auxquels ils pourraient trouver acheteurs à l’heure actuelle. En fait, leur valeur réelle serait si élevée que si leurs prix étaient fixés convenablement, les banques n’auraient plus de problèmes.
Donc le plan consiste à utiliser l’argent du contribuable pour amener les prix de ces mauvais actifs à un niveau jugé « juste ». Mr Paulson a proposé que le gouvernement achète ces actifs directement. Mr Geithner propose lui un schéma complexe dans lequel le gouvernement prête l’argent aux investisseurs privés pour que ces derniers l’utilisent pour acheter les actifs. Selon le plus proche conseiller économique de Mr Obama, l’idée est d’utiliser « l’expertise du marché » pour déterminer la valeur des actifs toxiques.
Mais le schéma Geithner offrirait un pari à sens unique : si la valeur des actifs grimpe, les investisseurs dégagent des profits, mais si la valeur des actifs baisse, les investisseurs n’ont pas à se soucier de leur dette. En réalité, il ne s’agît donc pas de laisser faire le marché. C’est simplement une manière déguisée et indirecte de subventionner l’achat des mauvais actifs.
Hormis le coût probable pour les contribuables, il y a quelque chose d’étrange dans tout ceci. D’après mes calculs, c’est la troisième fois que l’administration Obama a mis à flot une resucée du plan Paulson, avec moultes effets de manches, clamant que c’était quelque chose de complètement différent. Ca commence à ressembler à une obsession.
Le vrai problème, c’est que ce plan ne marchera pas. Certes, certains actifs en difficulté sont peut-être dévalués. Mais le fait est que l’exécutif financier a « joué » ses banques sur la croyance qu’il n’y avait pas de bulle immobilière, et la croyance connexe que les sommets jamais vus au niveau de la dette des ménages n’étaient pas un problème. Ce pari a été perdu. Et quelque soit la dose de magie financière que le plan Geithner préconisera, rien ne changera cela.
Vous allez me dire : « pourquoi ne pas appliquer le plan et voir ce qu’il advient? ». Ce à quoi je répondrais que c’est une perte de temps : chaque mois de crise économique se solde par une perte de 600.000 emplois.
Cependant, au rang des choses importantes on retiendra la façon dont Mr Obama gaspille sa crédibilité. Si le plan échoue, comme ce sera probablement le cas, il est peu probable qu’il parviendra à convaincre le Congrès pour obtenir la rallonge pour faire ce qu’il aurait du se décider à faire plus tôt.
Tout n’est pas perdu : les gens souhaitent que Mr Obama réussisse, ce qui signifie qu’il peut encore secourir son plan à la rescousse des banques. Mais le temps est compté.
Copyright 2009 The New York Times Company
55 réponses à “Administration Obama : passons à la suite”