Jusqu’où la folie ?, par Corinne Lepage

On pouvait lire il y a quelques jours dans un article publié dans The Guardian :

David Jane, responsable du placement en actions chez M & G – qui contrôle plus de 170 milliards de £ au nom de petits investisseurs – précisait qu’il en coûtait désormais seulement 1 £ par jour pour spéculer sur 1 million £ de devises.

Les sommes en cause font frémir.

Quotidiennement, le montant global échangé sur les marchés des changes (ndlr : Forex en anglais, contraction de Foreign Exchange) oscille autour de 4 « trillions » de dollars, 90% étant de la spéculation pure.

Les taux d’intérêt historiquement bas permettent en effet aux spéculateurs de faire des paris valant plusieurs milliards d’euros à un coût proche de 0.

« Vous pouvez actuellement vendre à découvert des euros pour un coût quasi nul puisque le cost of carry ou coût prélevé sur les positions maintenues ouvertes a chuté. C’est l’une des conséquences inattendues de l’assouplissement quantitatif (en anglais : quantitative easing) et de l’action des banques centrales à travers le monde visant à maintenir les taux d’intérêt bas », souligne David Jane.

Cette situation est gravissime car elle permet de mettre en péril non seulement la Grèce mais derrière elle toute la zone euro, sans que ceux qui spéculent ne courent en réalité de véritables risques.

Ainsi, grâce à l’endettement que les gouvernements leur ont fait consentir, les citoyens européens ont non seulement permis la spéculation qui se retourne aujourd’hui contre eux, mais les taux très bas de la banque centrale alimentent encore davantage la spéculation.

Jusqu’où faudra-t-il aller pour qu’enfin des mesures coordonnées soient prises par le G20 ou a minima par l’Europe pour que les spéculateurs perdent et les États, c’est-à-dire les citoyens, gagnent ?

Pourtant, les possibilités existent. D’abord, une solidarité européenne autour de la Grèce par un emprunt gagé par les Européens, qui ferait baisser les taux d’emprunt de la Grèce. Ensuite et surtout, réglementer très strictement les ventes à découvert, ce qui pourrait se faire dès lors que la volonté politique l’exigerait. Mais en est-il ainsi ? Les traders londoniens dominent le marché, les cinq premiers acteurs du marché des devises en 2009 ont été la Deutsche Bank, Union de Banques Suisses (UBS), Barclays Capital, Royal Bank of Scotland (RBS) et Citibank. On peut donc douter d’une quelconque volonté de s’opposer sérieusement à de tels intérêts.

Et pourtant, dans une situation où la crise économique ne cesse de croître – malgré la méthode Coué ambiante –, il est plus qu’urgent d’intervenir pour sauver la zone euro et commencer à prendre de vraies mesures pour soumettre le système financier aux besoins de l’économie et à l’intérêt du plus grand nombre.

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