Billet invité
Cet article propose un regard « classique » sur un pilier conceptuel de la mécanique quantique ; en considérant comme vraie l’hypothèse de Planck qui introduisit en 1900 le quantum d’action, et s’attardant sur la définition classique de l’action. Il est implicitement supposé qu’il ne faille pas attribuer au monde des particules ou phénomènes élémentaires une ontologie spécifique de nature à épaissir leur mystère comportemental. L’échelle et l’inévitable perturbation d’une observation d’ordre macroscopique sur le monde atomique est un fait indéniable à avoir présent à l’esprit. L’auteur suspecte le formalisme quantique de découpler une interprétation « classique » d’une interprétation classique, car ce formalisme repose sur une construction mathématique abstraite crée pour la circonstance et surtout ininterprétable physiquement, ces considérations constituent « l’étrangeté » quantique. Il faut cependant remarquer que le formalisme et les évolutions qu’il a subit est entouré d’une rigueur telle que les prédicats auxquels il a donné lieu ont toujours été vérifiés, Ainsi c’est forgé l’idée qu’une physique mathématique rigoureuse fondée sur la logique Booléenne et les structures de groupes puisse devenir l’outil d’interprétation du réel, en renoncant méme a ce que une compréhension d’ordre sensible ou intuitive puisse avoir un sens.
Une interprétation classique d’ordre sensible ne trouve un sens que dans le monde macroscopique qui est le notre, le passage de l’un a l’autre constituant le thème récent de la « décohérence ».
Le concept d’action et sa signification en physique est à creuser attentivement car étonnement les variables conjuguées qui apparaissent dans la définition « classique » de l’action se retrouvent dans les « inégalités » empreintes du concept « d’anti commutativité » attribut propre à la mécanique des Matrices d’Heisenberg, Jordan et Born ; mais plus encore dans le théorème d’Emmy Noether qui traite des quantités conservées quant existe une symétrie de la quantité conjuguée (ce n’est bien sur pas le sujet ici).
La condition que fait peser sur l’action « classique » la mécanique quantique est celle de la constante de Planck qui plafonne l’action à une valeur minimale, et qu’Einstein interpréta des 1905 par les quantas de lumière. La validité opérationnelle des inégalités n’est nullement remise en question dans cet article, mais plutôt son origine conceptuelle.
Planck introduisit le quantum d’action dans la théorie du rayonnement du corps noir, comme une quantité infinitésimale et discrète d’action. On dit qu’il le fit à contre cœur « Dans un acte de désespoir ». Il s’agissait pour la thermodynamique, en ce 19e siècle finissant, de trouver un modèle mathématique collant aux observations, sur le rayonnement d’un objet physique théorique ; le corps noir, que représente assez bien un four dont l’enceinte réfractaire est portée au rouge. Le corps noir est donc une cavité parfaitement isolante porté à haute température et qui ne rayonne pas sur l’extérieur, on observe l’intérieur par un trou suffisamment minuscule dont on pourra négliger les fuites thermiques vers l’extérieur. L’intérêt thermodynamique du modèle du corps noir tenait à ce qu’il permettait d’y modéliser le rayonnement/absorption des parois portées à des températures, soit des fréquences variables, du rayonnement thermique..
L’action est une entité physique particulière conceptualisée par Lagrange, suite au théorème de Fermat sur la lumière dont les implications en physique théorique sont permanentes, que ce soit en relativité, en mécanique quantique ou en cosmologie, mais en 1900, lorsque Planck introduisit son quantum d’action les conséquences conceptuelles n’étaient encore qu’au berceau. Elle s’exprime mathématiquement sous plusieurs formes, nous retiendrons ici la définition suivante pour le rayonnement : l’action est le produit d’une énergie que multiplie un temps ou que divise une fréquence, pour une particule massique l’action est le produit de son impulsion par son déplacement.
Le théorème ou principe de Fermat portera grâce aux travaux de Maupertuis, Lagrange et Euler le nom de « Principe de moindre action », on lui a associé l’idée que la nature soit paresseuse, ce raccourci lapidaire signifie que un système clos (sans échanges avec son extérieur) évolue dans le temps en adoptant une trajectoire qui minimise ou rend nul toutes les formes d’énergie qu’il contient. Le principe de moindre action n’a jamais été démenti dans quelque domaine de la physique que ce soit.
On peut soupçonner intuitivement ce comportement de la nature en regardant couler de l’eau sur une pente qui va onduler autour d’une ligne moyenne au grés des obstacles ou de la nature du terrain, ainsi l’eau va dépenser son énergie potentielle en ralentissant ou accélérant, c’est-à-dire modifiant son énergie cinétique, creusant le sol… etc . En ce qui concerne Fermat son principe fut formulé pour la lumière c’est-à-dire le chemin optique que va prendre un rayon lumineux pour traverser du verre.
Les formes mathématiques que prend ce principe se formulent à travers le concept d’intégrale de chemin qui utilise une méthode de calcul dite « variationnelle » ; Il s’agit dans une première étape d’exprimer sous forme différentielle la loi applicable au système considéré qui échange l’énergie cinétique et potentielle, dans ce cas il s’agit du « Lagrangien du système ». Ensuite on intègre la différentielle sur tous les parcours possibles que peut emprunter le système pour évoluer d’un état initial à un état final, le but est de trouver le parcours qui rende l’intégrale minimale ou nulle pour que le système étudié obéisse au principe de moindre action. Mathématiquement la méthode se résout heureusement plus simplement en se limitant à étudier les variations de la fonction de Lagrange, et à trouver ses extrema, pour autant que la fonction soit continue.
On peut noter qu’ en physique des particules la continuité fonctionnelle n’est plus assurée en raison de l’essence discrète du quantum d’action, c’est ainsi que Richard Feynman a été forcé dans la théorie dite Q.E.D. d’envisager tous les parcours possibles (discrets) d’échanges de photons lors de processus élémentaires. C’est du reste cette méthode qui porte le nom d’intégrales de chemins, en physique quantique.
Le principe de moindre action en mécanique classique (fonctionnelles continues, donc dérivables et intégrales), outre la formulation initiale De Lagrange-Euler a été étendu mathématiquement à d’autres énergies que celles potentielles et cinétiques, car dans la mécanique astrale il y a lieu de considérer l’énergie cinétique de rotation des planètes ; cette généralisation du Lagrangien est due à Hamilton ; l’Hamiltonienne aura son utilité mathématique dans l’étude des particules eu égard à la découverte en physique quantique des moments cinétiques orbitaux et du Spin propre à chaque particule élémentaire.
On peut souligner l’importance théorique du concept de système clos, qui par exemple, en cosmologie est un paramètre des modèles d’univers, l’univers est t’il clos sur lui même ou en échange avec un hypothétique extérieur ? Le modèle standard actuel, modèle régnant est celui d’un univers clos c’est-à-dire unique qui « fabrique » son espace temps conformément aux lois de la relativité générale. Mais il faut introduire des paramètres supplémentaires dans les équations pour modéliser théoriquement l’univers, a savoir une densité moyenne et son évolution dynamique, expansion, statique, contraction ; seules les observations et mesures peuvent les fournir.
En thermodynamique, le concept de système clos revient à dire qu’il n’échange pas d’énergie avec ce qui est défini comme son « extérieur », c’est le cas des transformations adiabatiques ou du modèle du corps noir pour lequel on escamote la manière dont il est monté en température : on le considère comme porté « à la température de x degrés kelvins » et parvenu à ce stade on l’isole par principe de son extérieur, pour n’étudier que la manière dont il rayonne sur lui même à l’équilibre.
Cette méthode réductionniste est implicitement utilisée en physique atomique, car isoler un atome de tout environnement, est une opération théorique contestable, contestation que les « Holistes » n’ont pas manqué de porter à un réductionnisme toujours suspecté
La mécanique ou plutôt physique quantique se distingue donc dans son formalisme par une rupture de la continuité fonctionnelle des phénomènes à étudier. L’élémentaire étant depuis Planck par nature discontinu (phénomènes discrets), les observations statistiquement réparties autour d’une valeur moyenne en raison d’un comportement ondulatoire ; sa construction nécessita un formalisme mathématique ad hoc. Elle passera par deux évolutions celle de la fonction d’onde de Schrödinger, de la mécanique matricielle puis du vecteur d’état. Ce formalisme doit respecter les règles suivantes :
- Non commutativité des variables conjuguées.
- Respect du déterminisme.
- Prise en compte de tout le protocole de la mesure.
Le concept de non commutativité fonde l’apport d’Heisenberg en 1927 à la mécanique quantique via l’approche matricielle qu’il développa avec Jordan. Deux mesures d’observables sont anti-commutatives (ce n’est pas le cas de tous les observables) si l’ordre dans lequel elles sont faites influe sur les valeurs mesurées ; ce que l’on peut formaliser sous la forme (écriture non quantique) ab-ba ≠0, a et b étant les valeurs des observables physiques A et B.
Le formalisme abstrait ne fait que traduire le fait que la valeur obtenue lors d’une mesure a un caractère statistique réparti de façon probabiliste sur une courbe en cloche de Gauss ; il n’y a donc pas de raison que lors de mesures successives la même valeur soit obtenue, c’est la moyenne des valeurs obtenues au bout de n mesures qui importe. On peut comprendre cela de manière intuitive à travers l’expérience des fentes d’Young ou l’on envoie un par un des électrons ; la manifestation sur l’écran d’un électron ne peut être prédite que de manière probabiliste ce que formalise la fonction d’onde à travers l’amplitude de probabilité. Mathématiquement le phénomène global peut s’écrire sous la forme simplifiée générale de l’équation de Schrödinger, en faisant grâce au lecteur de la forme canonique qui utilise les imaginaires.
n.Aj= ∑1,n│aj²â”‚, aj étant une amplitude de probabilité et Aj la valeur de l’observable, et n le nombre de mesures
Le symbole ∑ traduit le caractère discret des mécanismes quantiques la sommation ne pouvant plus se faire par une intégration classique, l’élément différentiel n’ayant plus de sens physique, ce qui constituait un renoncement tragique pour Planck, comme déjà évoqué précédemment.
La discontinuité de Planck, intervient mathématiquement au niveau de la quantification de l’action, h (la constante de Planck ) est une constante et a la dimension (physique) d’une action. Cela est capital car si d’aventure Planck avait quantifié l’énergie du rayonnement la physique quantique n’aurait pas pu voir le jour, retenons donc que l’action est quantifiée, c’est-à-dire n’existe que comme un multiple de h, l’énergie du rayonnement pouvant prendre toutes les valeurs continues possibles comme explicité en infra.
Le concept d’action
La mécanique classique, Newtonienne définissait l’action sous la forme dérivable et continue suivante. (les 3 définitions sont dimensionnellement équivalentes, A étant l’action.
A= E.t (avec E pour l’énergie, t pour le temps ou durée)
A= p. x (avec p pour la quantité de mouvement ou impulsion p= m.v ; x la position sur l’axe ou s’exerce l’impulsion )
A=mt.σ (mt= moment cinétique = mvr ; σ = angle de rotation).
Dans le cas d’un rayonnement quantifié selon Planck les 3 relations se réduisent à :
- h= E/η η=1/T pour un phénomène périodique.
- h= p.x
- h= mt.σ ( h est la constante de Planck)
On appelle quantités physiques conjuguées (2à2) les 6 quantités physiques calculables que défini mathématiquement l’action. On constate dans la relation (1) que l’énergie du rayonnement devient E=hη la fréquence η pouvant prendre (théoriquement) toutes les valeurs de 0 à ∞ l’énergie du rayonnement est théoriquement continue de 0 à ∞. Cette relation est celle qu’Einstein dériva du quantum d’action pour le Photon. Dans la relation (2) des lors qu’avec De Broglie l’on attribue un caractère ondulatoire à une particule de matière, la position devient la longueur d’onde associée à la particule matérielle d’impulsion p. La relation (3)
Les inégalités d’Heisenberg
La constante de Planck h est donc une action minimale, si bien que toute entité physique ayant la dimension d’une action ne peut que lui être supérieure ou au minimum égale. Prenons la relation (2) dans le cas d’un électron qui lie position et quantité de mouvement. Selon Heisenberg la nature quantique de la particule ne permet pas de lui attribuer une position précise (observable sur l’écran) autre que sous forme probabiliste, si bien que contrairement à la mécanique classique, l’imprécision d’une mesure devient un attribut quantique, que cet attribut soit ontologique ou d’ordre observationnel ; ce renoncement constitue ce que j’ai déjà désigne par un « pragmatisme » propre à l’école de Copenhague. Cela résulte me semble t’il du dualisme onde-corpuscule qui préside depuis 1905 à la construction quantique. Si bien que le couple de variables conjuguées est indéterminé lors d’une mesure, et ne peut pas se concevoir comme déterminé avant la mesure qui est le paradigme quantique (opération de mesure). Le couple (x.p) grandeurs physiques réelles échappe ainsi à la logique Aristotélicienne du tiers exclu qui présidait à la physique classique. L’incertitude Δp ou Δx attachées à l’électron (particule ponctuelle si il en est) n’est plus dans la mécanique d’Heisenberg ce qui entache d’erreur l’appareillage (et s’écrivait par exemple sous forme de résultat = p+/-Δp) ; mais une condition qu’impose l’être quantique au réel.
On a pu croire que cette attitude rendait la physique quantique indéterministe mais il n’en serait rien, l’équation de Schrödinger étant selon M.Bitbol strictement déterministe.
En définitive la relation d’indétermination d’un couple de variables conjuguées s’écrit dans le cas (2) :
Ñ›/2 ≤ Δp .Δx ( Ñ› étant la constante de Planck réduite).
Il en va de même pour (1) et (2).
Remarquons à cette occasion que la mécanique quantique stipule clairement une sorte de floue de flottabilité du réel, qui ne se réduit qu’à l’instant de la mesure, d’où l’importance dans le formalisme du concept d’observable et du protocole de la mesure. C’est la le cœur de l’argument EPR, qui consistait pour Einstein à soutenir que dans le cas ou la valeur d’un observable pouvait être prédite à coup sur et sans la mesure (perturbatrice) il existait un élément de réalité, contrairement à la mécanique quantique qui ne pouvait l’attribuer qu’à l’instant de la mesure.
Objection au paradigme
Je fais valoir ici que sur un strict formalisme mathématique, et en dehors de toute position de principe, sur l’opposition quantique/classique les expressions Δp, Δx ont une dimension physique d’impulsion et de position, si bien que leur produit a la dimension d’une action, ce que ni Newton, ni Heisenberg ne peuvent contester.
En acceptant le concept d’une action minimale, le quantum de Planck, il est nécessaire que l’action Δp .Δx ne soit pas inférieure au quantum d’action, les inégalités d’Heisenberg en résultent ainsi directement, sans autre considération que l’homogénéité dimensionnelle de l’équation.
Il reste cependant un point à régler concernant la valeur de la constante d’action car dans les équations d’Heisenberg elle est égale à Ñ›/2= h/4Ï€ au lieu de h valeur pleine de Planck.
Dans le rayonnement du corps noir le quantum d’action h est déduit d’un rayonnement spatial, les inégalités au contraire modélisent un déplacement linéaire ( sur un axe ou un rayon de cercle) .
Il semble convenable d’y répondre par réduction de la constante de l’angle solide 4Ï€ stéradian pour passer d’un modèle spatial à un axe, en divisant h par /4Ï€.
Outre une voie d’accès plus directe aux inégalités, je tiens à faire valoir une remarque à ceux qui s’y référent constamment pour parler de l’énergie du vide. Si l’énergie du vide est mathématiquement concevable via l’inégalité :
h/ 4π ≥ E/η
Son inobservabilité viole de plein fouet l’édifice quantique, tant qu’on ne peut la mesurer d’une manière directe ou indirecte ; elle reste un fantôme quantique, c’est-à-dire virtuelle.
154 réponses à “LES INEGALITES D’HEISENBERG SONT-ELLES UN PARADIGME QUANTIQUE ?, par Bernard Laget”