L’actualité de la crise : A LA GRÂCE DE DIEU ! par François Leclerc

Comment parer un gros coup de tabac, si ce n’est plus, sur les marchés s’il devait intervenir ? C’est ainsi que raisonnent tous ceux qui disposent d’actifs financiers et cherchent à les protéger, constatant déjà en bourse la baisse du marché des actions.

Fort de l’expérience précédente de 2008, les établissements financiers scrutent le marché des fonds monétaires (money market funds), qui s’était écroulé et ne remplissait plus sa fonction, y voient des signes de tension, et prennent leurs dispositions pour amasser du cash, des disponibilités sur des comptes à vue, ou bien des liquidités à courte maturité, le tout pour voir venir en cas de blocage. Ils s’assurent également contre le risque de défaut en achetant des CDS sur la dette américaine, comme en témoigne la hausse des taux de ceux-ci.

Tout cela permet au mieux de faire le gros dos, en espérant tenir le coup. Pour le reste, c’est à la grâce de Dieu !

La situation sur le marché obligataire reflète toutefois la contradiction dans laquelle ces établissements se trouvent. Les taux courts montent, reflétant l’accroissement des risques dans l’immédiat, mais les taux longs ne bougent que peu, expression d’un paradoxe que les commentateurs expliquent par la croyance en un accord au Congrès de toute dernière minute.

En réalité, il s’agit principalement d’autre chose. Les investisseurs n’ont pas réellement d’alternative pour placer leurs capitaux, étant donné leur masse. Le marché des métaux précieux n’y suffit pas, l’achat de terres, rares ou agricoles, ne se fait pas d’un coup carnet de chèque et est également limité en volume. Il y a aussi des limites à l’achat d’autres monnaies, dont les cours grimpent et perturbent l’économie des pays exportateurs.

La constatation s’impose : il n’y a pas, à terme, de refuge disponible hors la dette américaine. C’est pourquoi les capitaux ne désertent pas les obligations longues. Se reporter sur celles-ci, c’est gagner du temps, se donner l’espoir que les choses s’arrangeront plus tard et que le système retombera finalement sur ses pieds. On connait cela en Europe et sait ce que cela donne !

Relayées par les agences ou par la presse économique, au fil de leurs échanges avec les milieux financiers américains, il est toutefois possible de se faire une idée de la manière dont le Trésor américain voit la situation.

Il pourrait privilégier, en cas de non relèvement du plafond de la dette, son remboursement, disposant par ailleurs d’un peu de marge de manoeuvre pour tenir quelques jours de plus qu’à la date du 2 août. Spéculant ainsi sur la possibilité d’un accord de dernière heure, qui reprendrait le schéma républicain d’un relèvement en deux fois du plafond, une fois amendé.

Serait du point de vue de l’administration exclue toute formule faisant appel au fameux 14 éme amendement de la Constitution, qui laisse selon certains constitutionnalistes une porte ouverte à la seule décision du Président. Ou bien à un relais financier de la Fed, gagé sur tel ou tel actif public.

Enfin, les espoirs du Trésor reposeraient sur la possibilité que les agences n’adoptent pas la même analyse, et que seul S&P dégrade la note américaine, ce qui selon lui n’affecterait pas le marché des repo.

Le fil est ténu, l’espoir fait vivre. La Fed se préparerait de son côté à distribuer aux banques des directives.

Quoiqu’il se passe, le moteur d’un grand changement change de régime.

L’intervention massive en dernier ressort de la Fed pourra-t-elle être évitée ? Si ce n’est pas le cas, il en résultera l’injection d’une nouvelle masse de capitaux, qui chercheront leur rémunération, et également leur refuge… La bulle financière va encore enfler, porteuse de tous les dangers.

En tentant de stabiliser la situation et sauver le dollar, la Fed la déstabilisera par ailleurs. Elle en est là. « Notre monnaie, votre problème ! », ce principe qui a longtemps régit le système monétaire international n’est plus tenable. Ce système est en train de totalement perdre pied, impliquant d’en changer.

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