LE RÉSEAU DE CONTRÔLE GLOBAL PAR LES GRANDES ENTREPRISES, par Stefania Vitali, James B. Glattfelder, et Stefano Battiston

La traduction par timiota de l’article intitulé The network of global corporate control qui a fait l’objet du billet Les maîtres du monde. À  propos de  …

LE RÉSEAU DE CONTRÔLE GLOBAL PAR LES GRANDES ENTREPRISES

Stefania Vitali, James B. Glattfelder, et Stefano Battiston
arXiv:1107.5728v1 [q-fin.GN] 28 Jul 2011

Chair of Systems Design, ETH Zurich, Kreuzplatz 5, 8032 Zurich, Switzerland,

Résumé : la structure du réseau de contrôle des multinationales affecte la concurrence sur le marché global et la stabilité financière. Jusqu’ici, seuls des échantillons nationaux modiques ont été étudiés, et aucune méthodologie appropriée n’avait été développée pour valider globalement le niveau de contrôle. Nous présentons la première investigation de l‘architecture du réseau international de propriété, accompagné du calcul du degré de contrôle détenu par chacun des acteurs globaux. Nous trouvons que les multinationales (« transnational corporations » or TNCs) forment une structure de nœud-papillon géante, et qu’une grande part du contrôle est drainée vers un cœur tissé serré d’institutions financières. Ce cœur peut être vue comme une « super-entité économique » dont l’existence soulève de nouvelles et importantes questions tant pour les chercheurs que pour les organes d’élaboration des politiques {« policy makers »}.

Introduction
Une intuition courante parmi les universitaires et dans les médias fait se représenter l’économie globale comme dominée par une poignée de multinationales (TNC = Trans National Corp.) puissantes. Toutefois, des chiffres explicites ne sont pas venus confirmer ni infirmer une telle intuition. Une enquête quantitative n’est en rien triviale car les firmes exercent un contrôle sur d’autres firmes via une toile de relation de détentions directe ou indirectes qui s’étend sur de multiples pays. De ce fait émerge le besoin d’une complexe analyse de réseau si l’on veut mettre à découvert la structure de contrôle et ses implications. Récemment, la littérature universitaire s’est penchée avec une attention croissante sur les réseaux économiques [2] que ce soit les réseaux de commerce [3], de produits [4], de crédit [5,6] de prix sur bourses [7] et de conseil d’administration/ de direction [8,9]. Cette littérature a aussi analysé les réseaux de détention d’actifs [10,11] mais a négligé la structure de contrôle à l’échelle globale. Même la littérature sur la gouvernance d’entreprise globale n’a étudié que des petits groupes d’entrepreneuriat nationaux [12].

Certes, il est intuitif que chaque grande entité multinationale a une pyramide de filiales sous elle et une palanquée d’actionnaire au-dessus d’elle. Toutefois, la théorie économique n’offre pas de modèle qui prédise comment les TNCs se connectent globalement les unes aux autres. Trois hypothèses alternatives peuvent être formulées. Les TNCs peuvent rester isolées, agrégées en coalitions séparées, ou former une composante connectée géante, plausiblement avec une structure cœur-périphérie. Pour l’instant, cette question est demeurée vierge d’enquête, nonobstant ses importantes implications pour la chose politique. Notamment, des relations de détentions mutuelles entre firmes du même secteur peuvent, dans certains cas, mettre en danger la concurrence {{libre et non faussée Note du bloggeur}} sur les marchés [13,14]. Qui plus est, le tissage de liens parmi les institutions financières a été reconnu comme ayant des effets ambigus vis à vis de leur fragilité financière[15,16].

La vérification du degré auquel ces implications se vérifient dans l’économie globalisée est per se un domaine de recherche inexploré, et est au-delà du but de cet article. Toutefois, un prérequis nécessaire à de telles enquêtes est de mettre à jour la structure du controle des multinationales ou des grandes sociétés à l’échelle mondiale. Ceci n’a jamais été accompli auparavant et est le but du présent travail.

Méthodes :

La détention {d’actif?} se réfère à une personne ou à une firme possédant une autre firme en tout ou partie. Notons W la matrice de détention, où la composante W_ij dans l’intervalle [0,1] est le pourcentage de détention du détenteur (ou actionnaire) i dans la firme j. Ceci correspond à un graphe directement pondéré {les matheux purs corrigeront merci} avec les firmes représentées comme nœuds/sommets et les liens de détention comme arcs/arêtes. Si, à son tour, la firme j détient W_jl parts de la firme l, alors la firme i possède une détention indirecte de la firme l (Fig 1A). Dans le cas le plus simple, cela revient trivialement au produit des parts de détention directe W_ij W_jl. Si nous considérons maintenant la valeur économique v des firmes (p ex les recettes d’exploitation en dollar USD), un montant W_ij v_j est associé à i dans le cas direct et un montant W_ij W_jl v_l dans le cas indirect. Ce calcul peut être étendu à un graphe générique avec des réserves {caveat} importantes à respecter toutefois [17, SI Appendix Secs3.1 3.2].

Chaque actionnaire a droit a une fraction du surplus d’exploitation de la firme (dividende), et à une voix dans le processus de décision (p. ex. des droits de votes aux AG des actionnaires). Ainsi, plus grand est la part détenue W_ij dans une firme, plus grand est le degré de contrôle associé sur cette firme, qu’on note C_ij. Intuitivement, le contrôle correspond à des chances de voir son propre intérêt prévaloir dans la stratégie de business de la firme. Le contrôle C_ij est habituellement calculé à partir de la détention avec une simple règle de seuil. L’actionnaire majoritaire a le plein contrôle. Dans l’exemple de la figure 1 C D , ceci donne C_ij =1 v_j dans le cas direct et C_ij C_jl v_l= 0 dans le cas indirect. A titre de test de robustesse, nous avons testé des modules plus précautionneux où les minorités gardent un certain contrôle (voir SI Appendix Sec. 3.1). Par analogie avec la détention, l’extension à un graphe générique est la notion de « contrôle de réseau » :

C_i \net = Somme sur j des C_ij v_j + somme sur j des C_ij c_j \net.
Ceci additionne la valeur contrôlée par i à travers ses parts dans j avec la valeur contrôlée indirectement par le réseau de contrôle j. Ainsi, le contrôle de réseau représente la quantité totale de valeur économique sur laquelle i a une influence (p ex c_i\net =v_j + v_k dans la figure 1D).

Du fait des liens indirects, le drainage vers l’amont de plusieurs firme peut avoir pour résultat que certains actionnaires deviennent très puissants. Toutefois, et particulièrement dans les graphes avec multiples cycles, la formulation détaillée ci-dessus de c_i\net sur-estime sévèrement le contrôle assigné aux acteurs dans deux cas : les firmes qui font parties de cycles (ou les structures de participation croisée, échanges d’action), et les actionnaires qui sont en amont de ces structures-là. Une illustration du problème sur un réseau simple à titre d’exemple, ainsi que les détails de la méthode, sont indiqués en SI Appendix, Secs 3.2 3.4. Une solution partielle pour les petits réseaux est rapportée dans [18]. Des travaux précédents sur les grands réseaux de contrôle ont utilisé une méthode différente de construction du réseau et ont totalement négligé cet aspect [11, SI Appendix Secs 2 and 3.5]. Dans cet article, sur la base de [11], nous développons une nouvelle méthodologie pour surmonter ce problème de surestimation du contrôle, qui peut être employée pour calculer la valeur du degré de contrôle au sein de large réseaux.

Résultats

Nous commençons par la listes des 43060 TNCs (trans national corp.) identifiées selon la définition de l’OCDE, prélevée à partir d’un échantillon d’environ 30 millions d’acteurs économiques contenus dans la base de donnée Orbis 2007 (voir SI Appendix Sec.2). Nous appliquons alors une recherche récursive (Fig. S1 et Appendix 1), qui, pour la première fois à notre humble connaissance; individualise le réseau de tous les chemins de détentions partant de et allant vers les TNCs (Fig. S2). Le réseau résultant contient 600508 nœuds et 1006987 arcs (liens) de détention (participation).

Notez que ce jeu de données diffère fondamentalement de ceux analysés dans [11] (qui n’a considéré que les compagnies listées dans des pays séparés et leur actionnaires directs). Ici, nous sommes intéressés par le réseau de participation/détention vraiment global, et plusieurs TNCs ne sont pas des compagnies répertoriées (voir aussi SI Appendix Sec.2)

Topologie du réseau

Le calcul du degré de contrôle nécessite une analyse préalable de la topologie. En terme de connectivité, le réseau consiste en beaucoup de petites composantes connectées, mais la plus grande (3/4 des nœuds {!}) contient tous les grandes TNCs en termes de valeur économique, totalisant 94,2% des recettes d’exploitations totales (Tbl1). En sus de es statistiques usuelles de réseau, deux propriétés topologiques sont les plus pertinentes pour le point central de ce travail. La première est l’abondance de cycle de longueur 2 (participation croisées) ou plus (Fig. S7 et SI Appendix Sec.7), qui sont des motifs bien étudiés dans la gouvernance d’entreprise (corporate governance)[19]. Une généralisation consiste à considérer une « composante fortement connectée (SCC), c’est à dire un jeu de firmes au sein duquel chaque membre détient directement et/ou indirectement des actions chez tous les autres membres. Ce type de structure, observé jusqu’ici seulement dans de petits échantillons, a pour explication notamment les stratégies anti-OPA-inamicale, la réduction des coûts de transactions, le partage du risque, l’accroissement de la confiance et les groupements d’intérêts {style GIE}. Quelle que soit son origine, toutefois, ce type de structure affaiblit la concurrence sur le marché[13 14]. La second caractéristique est que la plus grande composante connectée ne contient qu’une seule composante fortement connectée (= SCC) (1347 nœuds). Ainsi, comme le web WWW, le réseau TNC a une structure en nœud-papillon [21] (Fig.2a). Ces particularités sont que la composante fortement connectée ou core, est très petite comparée aux autres sections du nœud papillon, et que la partie hors-section est significativement plus grande que la partie en-section avec tubes et excroissances (Fig.2B and Tbl 1). Le core est aussi très densément connecté, avec des membres ayant en moyenne, des liens vers 20 autres membres (Fig. 2 CD). LE résultat de tout cela, c’est qu’environ 3/4 de la propriété des firmes du core reste dans les mains des firmes de ce même core. En d’autre termes, ceci est un groupe tissé serré de sociétés qui, ensemble, détiennent une majorité d’action de chacune d’entre elles.

Notez que l’analyse inter-pays de [11] a pour sa part trouvé que seuls quelques-uns des réseaux de détentions nationaux sont topologiquement des nœuds papillons, et que, notamment, pour les pays anglo-saxons, les principales composants fortement connectées (SCC) sont grosses comparées à la taille du réseau.

Concentration du degré de contrôle

L’analyse topologique faite jusqu’ici ne considère pas la distribution de valeur économique des firmes.

Nous calculons donc le degré de contrôle du réseau que les acteurs économiques (TNCs inclus) gagnent en comparaison de la valeur des TNCs, et nous attaquons la question de savoir à quel point ce contrôle est concentré, et qui sont les détenteurs de contrôle en haut de la liste. Il faut dire ici que bien que les universitaires aient depuis longtemps mesuré la concentration de la fortune et du revenu [22], il n’y a pas d’estimation préalable à notre étude du degré de contrôle. En construisant une courbe du type des courbes de Lorenz permet d’identifier la fraction eta* des détenteurs prépondérants qui détiennent de façon cumulative 80% du control total du réseau.

Ainsi, plus petite est cette fraction, plus forte est la concentration. En principe, on pourrait s’attendre à ce que l’inégalité dans le degré de contrôle soit comparable à l’inégalité des revenus telle qu’on la constate parmi les ménages et les firmes, puisque les actions de la plupart des sociétés sont publiquement accessibles dans les marchés boursiers d’action.

En contraste avec cela, nous trouvons qu’à eux seuls, les 737 détenteurs prépondérants cumulent 80% du contrôle sur la valeur de toutes les TNCs (voir aussi la liste des 50 détenteurs prépondérants dans la Table du SI –supplementary information). Le niveau correspondant de concentration est eta_1*=0,61%, à comparer avec eta_2*=04,35% pour la même quantité relative aux ressources d’exploitation.

D’autre comparaisons qui font sens incluent par exemple : la distribution de revenus dans les pays développés, qui se caractérise par eta_3*~5-10% [22], et les revenus de sociétés dans Fortune1000 {les gens fortunés NdT} (eta_4*~30% en 2009). Ceci signifie donc que le degré de contrôle du réseau est bien plus inégalement distribué que la fortune. En particulier, les acteurs du haut de la liste détiennent un contrôle 10 fois plus important que ce qu’on attendrait sur la base de leur fortune. Ces résultats sont robustes vis à vis des choix de modèles utilisés pour estimer le degré de contrôle, voir Fig.3, et Tbls S2 S3.

Discussion

Le fait que le contrôle (de la valeur) soit concentrée dans les mains de peu de détenteurs du haut de la liste ne détermine pas si et comment ils sont interconnectés. Ce n’est qu’en combinant la topologie avec le classement par degré de contrôle que l’on obtient une pleine caractérisation de la structure de contrôle. Une première question à laquelle nous sommes maintenant en mesure de répondre est de savoir si les acteurs du haut de la liste sont situés dans le « nœud-papillon ». Comme le lecteur l’aura sans doute déjà suspecté, les acteurs les plus puissants tendent à appartenir au « core ». En réalité, la position d’une TNC dans le réseau ne compte pas. Par exemple, une TNC choisie aléatoirement dans le « core » a 50% de chance  d’être aussi elle-même parmi les détenteurs de haut de liste, à comparer à, par exemple, 6% pour la « section d’entrée » (arcs amont)  (Tbl. S4). Une seconde question concerne la part que chaque composante {élément de la partition} du nœud-papillon détient au  juste.  Nous trouvons que, malgré sa petite taille, le core détient collectivement une large part de tout le réseau de contrôle. En détail, près de 4/10 du contrôle sur la valeur économique des TNCs dans le monde est détenue, via un réseau complexe de relations de propriété, par un groupe de 147 TNCs dans le core, qui a presque un contrôle complet sur lui-même. Les détenteurs du haut de la liste dans le core peuvent alors être considérés comme une  « super-entité » économique dans le réseau global des (grandes) sociétés. Un point supplémentaire pertinent à ce point est le fait que ¾ du core est constitué d’intermédiaires financiers. La Fig.2 D montre un petit sous-ensemble d’acteurs biens connus en finance, ainsi que leurs liens, fournissant ainsi une idée du degré d’enchevêtrement de tout le core.

Cette découverte remarquable soulève au moins deux questions  qui sont fondamentales pour la compréhension du fonctionnement de notre économie.

Primo, quelles sont les implications pour la stabilité financière globale ? Il est notoire que les institutions financières établissent des contrats financiers tels que le prêt ou les crédits de produits dérivés, avec d’autres institutions. Ceci permet de davantage diversifier le risque, mais, en même temps, cela les expose à la contagion [15]. Malheureusement, les informations sur ces contrats ne sont pas habituellement divulguées pour des raisons stratégiques. Toutefois, dans divers pays, l’existence de tels liens financiers  est corrélée avec l’existence des relations de possession croisées [23].

De ce fait, sous l’hypothèse que la structure du réseau de possession soit une bonne proxy (indication, augure) pour celle du réseau financier, cela implique que le réseau financier global est aussi très intriqué.

Des travaux récents ont montré que losqu’un réseau financier est densément connecté, il devient très susceptible au risque systémique [24,16] . En fait, alors que dans les temps de croissance, le réseau semble robuste, dans les moments plus difficiles, les firmes vont vers la cessation de paiement simultanément.

Cette propriété de « tranchant du couteau » [25,26] a été tout à fait visible durant le récent épisode de gros remous financiers.

Deuxio, quelles sont les implications pour la concurrence sur les marchés ?  Du fait que beaucoup de TNCs dans le core ont des domaines d’activités qui se recouvrent, le fait qu’ils soient connectés par des relations de possessions  pourrait faciliter la formation de blocs, qui seraient alors des obstacles à la compétition de marché [14]. De façon remarquable, l’existence d’un tel core au sein des marchés globaux n’avait pas jusque-là été documentée, et ainsi, jusqu’à maintenant, aucune étude scientifique ne démontre ou n’exclue que cette super-entité ait jamais agit comme un bloc. Toutefois, quelques exemples suggèrent que ce n’est pas un scénario si peu probable. Par exemple, des études précédentes ont montré que même des structures à faible participation croisée, au niveau national,  peuvent affecter la libre concurrence dans des secteurs tels que l’aviation commerciale, l’industrie automobile et l’acier, ainsi que dans le secteur financier [14,13]. Mais en parallèle, des institutions antitrust (p ex le UK office of Fair Trade), dans le monde entier, surveillent de près les structures de détention à l’intérieur de leur propres frontières nationales. Le fait que des jeux de données internationales ainsi que des méthodes pour traiter de grands réseaux ne soient devenus disponibles que très récemment peut expliquer pourquoi cette concentration découverte ici a pu ne pas être détectée pendant si longtemps.

Deux questions méritent d’être évoquées ici en quelque détail. On peut se demander ce que vaut l’idée d’assembler des données de propriétés venant de pays dotés de cadres légaux hétérogènes. Toutefois, des travaux empiriques antérieurs montrent que de tous les déterminants possible affectant les relations de détention dans des pays différents (p ex les règles d’imposition, le niveau de corruption, le cadre institutionnel, etc.), seul le niveau de protection de l’investisseur est statistiquement pertinent {corrélé}[27]. En tout état de cause, il est remarquable que nos résultats sur le niveau de concentration soient robustes par rapport aux trois modèles différents utilisés pour inférer le degré de contrôle à partir des données sur  la détention {du capital}. La seconde question concerne le contrôle que les institutions financières exercent effectivement. Suivant certains arguments théoriques, en général, les institutions financières {privées} n’investissent pas en capital {actions : equity shares} pour exercer un contrôle {elle se restreindraient au courtage etc ?}. Toutefois, il y a aussi des preuves empiriques que l’opposé soit vrai [23, SI Appendix, Sec. 8.1]. Nos résultats montrent que, globalement, les détenteurs du haut de la liste sont au moins en position d’exercer un contrôle considérable, soit formellement (p. ex. en votant dans les AG et les conseils d’administration), ou par des négociations informelles.

Au-delà de la pertinence de ces résultats pour l’économie et l’élaboration de politique, notre méthodologie peut être appliquée pour identifier les nœuds clés dans n’importe quel réseau concret au sein duquel une quantité scalaire (p. ex. des ressources ou l’énergie) coulent le long de liens pondérés orientés (des arcs pondérés). D’un point de vue empirique, une structure en nœud-papillon avec un cœur (« core ») très petit et très influent est une observation nouvelle dans l’étude des réseaux complexes. Nous conjecturons qu’elle puisse être présente dans d’autres sortes de réseaux où le mécanisme « les riches deviennent plus riche » sont à l’œuvre {mécanisme d’instabilité …} (bien que la configuration d’attachement préférentiel par degré {help sociologue : ça fait référence à groupe social caste corporation ?}[1] à elle seule ne produise pas un nœud-papillon). Toutefois, le fait que le cœur soit si densément connecté pourrait être vue comme la généralisation du « phénomène du club des riches » avec un contrôle du degré {clubs à cooptation, même interrogation que ci-dessus sur « degree »}[28,3, SI Appendix Sec.8.2]. Ces questions ouvertes en relation avec notre étude pourraient sans doute être appréhendées en introduisant le degré de contrôle dans un « modèle de fitness »[29] d’évolution des réseaux

Remerciements

Nous remercions F. Schweitzer et C. Tessone pour leur précieux retour, D. Garcia pour l’élaboration des figures 3D, et le programme Cuttlefish utilisé pour le dessin des graphes.

Partager :

114 réponses à “LE RÉSEAU DE CONTRÔLE GLOBAL PAR LES GRANDES ENTREPRISES, par Stefania Vitali, James B. Glattfelder, et Stefano Battiston

  1. […] traduction plus complète du début de l’article scientifique est disponible sur le blog de Paul […]

  2. Avatar de narvic
    narvic

    Il ne me semble pas très pertinent de continuer à désigner le système ainsi décrit sous le terme de « capitalisme ». Celui de « socialisme privé » me semble nettement plus adapté, puisque nous sommes bien devant un phénomène de « propriété collective des moyens de production » (même si le collectif est réduit à un petit groupe d’acteurs lié par des participations croisées).

    Appeler ça du capitalisme revient, ce que Fernand Braudel n’a cessé de dénoncer, à confondre le capitalisme et l’économie de marché.

    Or, toujours selon Braudel, il n’y a, à proprement parler, de capitalisme que là où il y a des capitalistes, c’est à dire ce type si particulier (et rare) d’entrepreneurs qui font un usage si particulier de leur capital, acceptant une prise de risque considérable pour maximiser leur profit. C’est ce qui conduit d’ailleurs ces capitalistes a toujours privilégier les opérations sur les marges de l’économie de marché (marchés émergents, nouvelles ressources, innovations technologiques, etc.), et non sur son coeur. Et c’est ce qui explique le rôle moteur et dynamisant qu’ils ont sur l’ensemble de l’économie (cf. aussi Schumpeter).

    Ce portait du capitaliste, dont l’essence même est la spéculation à la marge, est l’antithèse de celui de… l’assureur, dont l’essence est, à l’inverse, la réduction du risque par la mutualisation (et la mutualisation, c’est une forme économique socialiste et non capitaliste!).

    Si l’on cherche bien, il y a fort à parier que l’on trouve finalement parmi ces fameux 147, bien peu de capitalistes réels, et au contraire beaucoup… d’assureurs authentiques!

    Ce qui ne fait que confirmer l’intuition de Schumpeter dès 1945 (dans « Capitalisme, socialisme et démocratie »): le capitalisme est sans cesse repoussé à la marge d’une économie de marché qui s’organise de plus en plus sous une forme, si ce n’est « socialiste », du moins de plus en plus « socialisée ».

  3. Avatar de Merl Mokeur
    Merl Mokeur

    Le mythe de la liberté et de l’autonomie totales de l’individu est soigneusement entretenu dans l’idéologie capitaliste à usage des salariés (90% des actifs) qu’il faut individualiser et dresser les uns contre les autres: travailleurs manuels versus intellectuels, travailleurs nationaux vs travailleurs immigrés, jeunes vs vieux, hommes vs femmes etc.

    Les dominants eux sont fortement organisés dans leur classe, y compris idéologiquement par la majorité des media qu’ils contrôlent, même si la concurrence joue entre eux. Depuis longtemps la classe capitaliste au sens large(entrepreneurs et apporteurs de capital) est divisée en plusieurs fractions: petite bourgeoisie des entrepreneurs individuels dont beaucoup sont des travailleurs indépendants proches des travailleurs qualifiés (8% des actifs); moyenne bourgeoisie des dirigeants de PME de 10 à 500 salariés environ(1% des actifs); la grande bourgeoisie autrefois principalement industrielle et commerciale est aujourd’hui dominée par sa fraction financière parasitaire qui prélève un tribut de plus en plus lourd sur le reste de la société. Le grand capital financier intègre toutes les composantes de la finance : banques, assurances, Bourses, finance off shore, paradis fiscaux… Ces compartiments étanches jusqu’au début des années 80 ont été réunifiés par l’oligarchie financière: banques de dépot, d’affaires, assurances, finance off shore sont dirigés par les mêmes et l’assurance est tout aussi capitaliste que la banque. Ces conglomérats forment la majorité des 147 groupes interconnectés.

    F.Braudel distingue économie de marché des petits et moyens entrepreneurs et grand capitalisme. Cette distinction est toujours valable. J.Schumpeter a mis en valeur le rôle essentiel de l’entrepreneur mais a sous-estimé la dynamique de la concentration du capital et des grandes sociétés ainsi que le rôle de l’Etat stratège. Son livre paru au plus noir de la guerre en 1942 est incapable de rendre compte de l’évolution postérieure.

    Le problème actuel est celui d’une véritable régulation du capitalisme financier, à l’échelon européen et international si c’est possible mais aussi national de façon à le mettre au service de l’économie réelle

  4. Avatar de narvic
    narvic

    @ Merl Mokeur

    Un petit topo SVP, pour mon instruction perso, pour m’expliquer en quoi l’économie de l’assurance, privée comme publique, càd y compris la sécurité sociale (idem pour la banque de dépôt, la collecte de l’épargne privée comme publique, càd y compris le livret A) relèvent du capitalisme et pas d’une économie de marché socialiste, ou socialisée. Juste pour ma gouverne. 😉

    Par ailleurs, dixit Merl Mokeur « la classe capitaliste au sens large » : point de divergence manifeste entre nous. 😉 Pour moi, il n’existe pas de « classe capitaliste au sens large ». En tout cas, je ne la vois nulle part. Déjà parce que « classe capitaliste », mais surtout because « au sens large ». Les capitalistes restent des individualités, dont les conditions d’éclosion ont plutôt tendance à se raréfier de nos jours, d’ailleurs. C’était pas Braudel qui disait que les seuls vrais capitalistes subsistant à son époque étaient… les trafiquants internationaux de cocaine? Des vrais capitalistes, eux! Les autres? Des assureurs!

    De même votre identification entre « classe capitaliste » (encore faut-il qu’elle existe) et bourgeoisie est abusive (quoique fort commune depuis K. Marx, et chez ceux qui le rabâchent sans l’approfondir ni l’actualiser). S’il est vrai que les capitalistes émergent de préférence dans la bourgeoisie, il y a loin à faire de la bourgeoisie elle-même une classe capitaliste, alors qu’elle n’aspire dès qu’elle le peut qu’à devenir rentière et à se notabiliser (cf. la « noblesse de robe »).

    En revanche, il existe une classe socialiste, partagée chez nous entre public et privé, là où elle n’était que publique chez les soviétiques. Tout ça rejoint largement d’ailleurs, à mes yeux, la technostructure de Galbraith.

    Bref, pour réactualiser Marx qui en a très sérieusement besoin, un bon mix Schumpeter/Braudel/Galbraith (avec un peu de Baudrillard pour l’analyse de la société de consommation, et du Bourdieu pour la reproduction) est très intéressant à développer. 😉

  5. Avatar de narvic
    narvic

    Un mot de plus: considérer aujourd’hui des François Pinault ou Bernard Arnault comme des capitalistes, pourquoi pas, à la rigueur. Mais des héritiers comme Arnaud Lagardère, Elisabeth Badinter, les enfants Dassault, Peugeot ou Liliane Bettencourt, c’est pas sérieux. Bourgeois? Certes. Capitalistes? Certainement pas!

    1. Avatar de béber

      vous donner une définition qui vous est propre au mot « capitaliste  » pour soit , défendre une vision particuliére du capitalisme , soit pour embrouiller les pistes.
      Un capitaliste est soit un détenteur de capitaux , soit Il est compris comme synonyme de libéral .
      Ceci dit , un libéral est soit quelqu’un de tolérant , soit il est compris comme synonyme de capitaliste.
      En fait, il est logique que les théories économiques soient confuses tant le vocabulaire économique est à sens multiples.

  6. Avatar de Jean-Michel Pouré
    Jean-Michel Pouré

    Très bon article, mais on pourrait faire l’avocat du diable en précisant ceci :

    Les fusions entre acteurs et les accords anticurrentiels permettent de maintenir des prix de vente élevés, destinés à dégager de forts profits. Le problème, c’est que la maintient de profits élevés permet aussi à de nouveaux entrants de pénétrer le marché.

    En d’autres termes : quand vous contournez les lois, quand vous passez des accrords entre amis, vous verrez toujours apparaître de nouveaux concurrents. On peut prendre pour exemple : la téléphonie (Free mobile), la grande distribution (Aldi, hard-discount), les systèmes d’exploitation (Android).

    Par ailleurs, il faut être conscient que les entreprises ont une durée de vie « finie ». A part certaines organisations (les églises), toutes les entreprises finissent par mourir. Les grandes entreprises d’aujourd’hui sont nées il y a 20 à 50 ans. Les entrerprises leader dans le train n’ont pas créé l’automobile, les entreprises leader dans l’automobile n’ont pas créé l’aéronotique, etc … Les familles de produits connaissent leur heure de gloire, puis leur déclin. Les grandes innovations viennent rarement de leaders, précisément parce que les leaders sont trop préoccupés par la défense de leurs intérêts, que par la réponse aux besoins des consommateurs.

    Pour toutes ces raisons, je ne partage pas votre point de vue.

    A long terme, tout ce que peut espérer un groupe passant des accords anti-concurrentiels, c’est le déclin puis la mort.

    A mon avis, la source du problème est le manque de respect des lois et règlements. Si la sanction d’un accord anti-concurrentiel était 10 années de prison pour les dirigeants, l’économie serait bien plus efficace. Pour moi, la crise est un problème purement juridique.

  7. Avatar de Runn
    Runn

    Merci pour cette traduction !

    Je trouve qu’il manque une information quant à la fragilité du réseau d’influence sous-jacent.

    Par exemple, le type de réseau décrit est typique de l’industrie automobile où des grandes marques fabricantes de voiture possèdent à 90% des entreprises qui fabriquent des carters de moteur, qui ont une filliale pour réaliser les moules de ces carters. Ainsi toute la chaine est sensible à la santé du secteur automobile.
    Qu’en est il du réseau d’influence des 147 ? Est ce que les secteurs industriels sont diversifiés ou n’a t on affaire qu’à quelques secteurs, comme l’automobile, la chimie et la pharmacie ?

    De mémoire, il existe (ou a existé) en France une loi qui interdit à une entreprise d’avoir un client qui représente plus de 60% de son chiffre d’affaire afin de limiter les risques de trop grande dépendance client-fournisseur, je pense que cette loi comptabilise ces 60% en fonction de l’entreprise qui réalise l’achat, pas en fonction du groupe industriel alors que la négociation des prix est bien réalisée à ce niveau là. Est ce qu’actualiser cette loi à la dimension des groupes industriels ne serait pas une (petite) partie de la solution ?

  8. Avatar de Omar Yagoubi
    Omar Yagoubi

    pour info, où l’on parle de cette étude (et le lien de Paul)
    http://www.bastamag.net/article1719.html

  9. […]  Le blog de Paul Jorion  propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  10. Avatar de Runn
    Runn

    D’autres travaillent dans le sens de l’identification de ce réseau global
    http://www.bastamag.net/article1744.html

  11. […] constatent aussi que les acteurs les plus puissants ont un niveau de contrôle supérieur à ce que laisserait entendre leur    fortune […]

  12. […] estudo completo, em inglês, encontra-se aqui e, em francês, aqui. Share this:TwitterFacebookLike this:LikeBe the first to like this post. Published: 24/09/2011 […]

  13. […]  Le blog de Paul Jorion propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  14. […]  Le blog de Paul Jorion propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  15. Avatar de Incognitototo
    Incognitototo

    Oui, vraiment intéressant ! C’est bien de prouver scientifiquement ce que tout le monde sait intuitivement, ou parce qu’il a eu comme moi, les organigrammes des filiales de grandes entreprises sous les yeux, et que je n’en revenais pas de l’imbrication des entités et des effets de leviers démultipliés pour que seulement quelques-uns décident…

    Juste un chiffre, la capitalisation boursière de la première banque chinoise est de 238 milliards de $ (environ 183 milliards d’€), ce qui veut dire (si on respecte le ratio haut bancaire d’engagement possible) que sa puissance d’intervention financière est à peu près de 1 830 milliards d’euros : soit, 96 % de notre PIB !!!… Et plus du double, si on se réfère au ratio bas !!!!!!

    L’illusion du « pouvoir politique » a vécu, et d’une certaine façon, c’est tant mieux que les réalités se dévoilent au grand jour….
    Reste qu’en terme de propositions pour mettre fin à cette dictature oligarchique qui ne dit pas son nom, il y a encore du boulot de cohérence à faire, pour réunir tous ceux qui s’y opposent…

  16. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    Si j’étais intéressé comment récupérer la chose, avec beaucoup de gras aussi à la suite

  17. […]  Le blog de Paul Jorion propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  18. […] traduction plus complète du début de l’article scientifique est disponible sur le blog de Paul Jorion. […]

  19. […] Inside Job Corruption de députés européens Cleveland contre Wallstreet LBO : Leverage Buy Out 737 maîtres du monde La famine qui produit des bénéfices Plan d’aide à la Grèce ← La Finance (1/3) : […]

  20. […]  Le blog de Paul Jorion propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  21. […] paru sur PLoS One en anglais (« The Network Of Global Corporate Control ») ou traduit en français par Timiota sur le blog de Paul […]

  22. […] du lion dans ces 147 multinationales. Ils constatent aussi que les acteurs les plus puissants ont niveau de contrôle supérieur à ce que laisserait attendre leur fortune […]

  23. […] Le blog de Paul Jorion propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  24. […] du Monde Diplomatique – Septembre 2011 page 22 et 23 – Ibrahim Warde, cité par Blablalain le 8 septembre 2011 à 14:33 sur le blog de Paul JORION : […]

  25. […]  Le blog de Paul Jorion propose une traduction en français de la présentation détaillée de l’étude. […]

  26. Avatar de Ivan
    Ivan

    Un petit commentaire technique:
    Il me semble que la traduction approprié de « directed weigted graph » est « graphe orienté pondéré ».
    Un graphe orienté est un graphe dont les sommets sont reliés par des arcs orientés ( http://algo.developpez.com/faq/images/graph1.gif ).
    Tandis que dans un graphe non-orienté la relation A ->B est équivalente à B -> A ( http://algo.developpez.com/faq/images/arbrecouvrant.gif ).
    Ici nous sommes bien dans le cas d’un graphe orienté: A -> B signifie que A détient un pourcentage de B.
    Le graphe est aussi pondéré car l’information de « détention » n’est pas seulement qualitative ( A détient une part de B ou ne la détient) pas mais aussi quantitative A détient tant de pour-cent de B. Ainsi chaque arc possède un poids qui indique ce pourcentage ( http://algo.infoprepa.epita.fr/images/thumb/c/c5/1-graphevaluereferenceparcours.png/750px-1-graphevaluereferenceparcours.png -les poids ne sont pas ici des pourcentage et ont une autre interprétation, mais l’esprit du graphe pondérés ^^ est là- ).

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Je pense que on peut vous retransmettre le docu word d’origine que j’avais fait pour itérer…

      Merci (cf les accolades que j’avais laissées pour les experts comme vous)

  27. […] de Paul Jorion LE RÉSEAU DE CONTRÔLE GLOBAL PAR LES GRANDES ENTREPRISES, par Stefania Vitali, James B. Glattfelde… La traduction par timiota de l’article intitulé The network of global corporate control qui a […]

  28. […] LE RÉSEAU DE CONTRÔLE GLOBAL PAR LES GRANDES ENTREPRISES, par Stefania Vitali, James B. Glattfelder, et Stefano Battiston  […]

  29. Avatar de Chipote
    Chipote

    Il tout de même étonnant que le chiffre de 147 sociétés soit si proche du nombre de Dumbar…
    qui est la « limite cognitive du nombre de personnes avec lesquelles un individu peut avoir des relations stables » selon ce dernier.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_Dunbar

    1. Avatar de Chipote
      Chipote

      Ces 147 multinationales auraient-elles atteint leur « seuil d’incompétence »? Selon certaines études sur les réseaux sociaux, le nombre de 150 contacts maximum serait corroboré dans son rôle de plafond pertinent…
      http://www.numerama.com/magazine/18932-la-taille-du-cerveau-determine-le-nombre-d-amis-sur-twitter.html

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta