L’actualité de la crise : UNE CRISE AUTO-RÉALISATRICE, par François Leclerc

Billet invité

L’argumentation est rodée, mais pas convaincante : en mettant à disposition du système bancaire des liquidités à trois ans, en quantité illimitée et à un prix d’ami, la BCE inciterait celui-ci à acheter à nouveau de la dette souveraine et à détendre ce marché. Et le tour serait joué. Mais ce pari vaut ce qu’il vaut – c’est à dire pas grand chose – puisqu’on demande aux banques d’acheter des obligations d’État après qu’elles s’en soient délestées en catastrophe. Même en leur offrant une marge de rêve ainsi qu’une garantie – aujourd’hui – que de nouvelles décotes du type grec sont exclues pour demain. Spéculer sur le retour de l’appétit au risque des banques, alors qu’elles traversent une passe difficile et réduisent la voilure, ne manque pas d’audace.

La stratégie revendiquée n’est pas franchement nouvelle ; elle s’adapte uniquement aux circonstances, visant à obtenir des banques – une fois de nouvelles largesses accordées – qu’elles participent en retour au sauvetage des États, qui s’engagent pour leur part à devenir vertueux. C’est le mécanisme qui a été depuis le début choisi, avec le succès que l’on constate. Que doit-on chercher derrière ce plan : l’expression d’une grande ingénuité ou la certitude d’une forte mauvaise foi ?

Ainsi que le remarque dans sa dernière chronique financière James Saft, de Reuters Thomson, « Réformer le cadre budgétaire européen sans en faire autant du système financier qui a créé tout ce crédit, c’est comme si l’on demandait des engagements et faisait subir à des alcooliques des peines sévères, mais qu’on leur permettait de rester propriétaire de bars. »

Dénoncer le cadeau fait aux banques va de soi. Prédire que ce qu’il en est publiquement attendu est vain. Mais il y a pire. À supposer que l’opération fonctionne comme annoncé, elle renforcerait la dépendance réciproque des États et des banques, dont on sait qu’elle est le nœud qu’il faudrait au contraire trancher. Alors que comme conclut James Saft, « les États doivent briser la dépendance réciproque entre eux et les banques, ou bien les banques finiront par briser les États, peut-être même littéralement. »

C’est sur cette même constatation qu’est fondée la conviction que la combinaison des deux volets de la stratégie qui nous est imposée – sevrage pour les États et bar ouvert pour les banques – renforce les mécanismes à l’origine de la crise, au lieu de la régler. Avec quelle détermination et quel acharnement !

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