Le dernier baromètre de la confiance politique Cévipof (II), par Michel Leis

Billet invité.

Dans la dernière livraison du baromètre de la confiance politique Cévipof, (d’après un sondage réalisé du 25 novembre 2013 au 12 décembre 2013) réalisé par Opinionway sur la confiance politique, une courbe me semble essentielle, celle qui reflète la perception par les citoyens du fonctionnement de la démocratie. C’est une véritable rupture à laquelle on assiste : en moins de 5 ans, on est passé de 50 % de citoyens à moins de 30 % qui pensent que la démocratie fonctionne encore « très bien » ou « assez bien ». La présentation de la courbe en arrondi tend à minimiser la brutalité du message : nos concitoyens ne croient plus en la démocratie. 

Bien sûr, on peut toujours soupçonner un intérêt politique à cette présentation. Après tout, Opinionway a été largement soupçonné de collusion avec le pouvoir politique au temps du Sarkozisme, et il est de l’intérêt de l’opposition d’illustrer un fonctionnement défaillant du pouvoir politique. Le fonctionnement même des sondages induit un biais dans les réponses et tend à simplifier une appréciation sûrement plus complexe de la situation.

Mais à mon sens, cette dégradation reflète la perception avec retard par les citoyens d’un changement de régime qui a commencé il y a déjà longtemps. Imperceptiblement, nous sommes passés dans un régime qui hésite entre l’oligarchie et l’aristocratie. Aristocratie de par la perception qu’ont d’eux-mêmes les dirigeants économiques : une élite qui oeuvre pour le « bien commun » et qui doit donc détenir le pouvoir. Oligarchie de fait et mouvante, qui se fonde sur une capacité à établir des rapports de forces où la proximité avec le pouvoir, le statut (en particulier vis-à-vis des médias) et les relations de dépendance sont les moteurs d’une décision prise par le pouvoir politique au seul profit des oligarques. 

Pour le citoyen, la tentation est grande de substituer au fonctionnement de la démocratie celui des groupes de pression, le pouvoir de la rue et des médias comme moyens d’établir un rapport de force favorable. Mais quand les pigeons et autres bonnets rouges obtiennent ce qu’ils veulent, des manifestations importantes comme celle anti « mariage pour tous » restent sans résultats. L’impression qui en résulte est encore plus désastreuse, les rapports de forces ne semblent fonctionner que dans un seul sens. En réalité, dans les deux cas, une minorité cherche à imposer à une majorité ses vues, mais la distance ou la proximité avec le pouvoir fond la différence. Cet épisode illustre une fois de plus l’état des rapports de forces réels dans notre société

La prise en compte par les citoyens de l’absence actuelle de démocratie est un risque majeur. Elle légitime de fait les discours populistes et extrémistes qui semblent redonner une voix aux citoyens. La confusion s’instaure entre le courage politique nécessaire pour rétablir la démocratie et la démagogie, servant les objectifs de quelques tribuns. Ce courage fait défaut à notre personnel politique, entérinant une forme de suicide collectif inédite dans notre histoire.

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