Franc suisse : Est-ce à nous de régler la note de ceux qui recherchent « une bonne affaire » et ne la trouvent pas ?, par Michel Leis

Billet invité.

A la marge de l’importante variation du cours du franc suisse liée à la décision de la banque centrale helvétique de supprimer son taux plancher face à l’Euro, on apprend qu’un certain nombre de crédits immobiliers en Pologne (entre 20 et 40%  selon les sources) sont rédigés en Francs Suisses ou indexés sur le cours du Franc Suisse. C’est probablement la partie émergée de l’iceberg, je soupçonne que d’autres pays sont aussi impactés, en particulier dans les anciens pays du bloc de l’Est.

De deux choses l’une :

Ou ces personnes qui ont souscrit ces crédits l’on fait en connaissance de cause, faisant ainsi un pari sur l’avenir. On voit aujourd’hui les conséquences et c’est une piqure de rappel de plus : ces paris sont une forme de spéculation qui devrait être interdite, comme toute spéculation.

Ou ces personnes ont souscrits un crédit sur la base d’un argumentaire soigneusement préparée par les banques dans lequel les clients ont vu leur intérêt immédiat sans être en mesure d’apprécier les implications d’un tel engagement. En ce cas, on ne peut parler de consentement éclairé qui devrait être la base de tout contrat.

Comme d’habitude, les banques qui détiennent de tels crédits vont constater des défauts de paiement, ce qui veut dire pour les individus des saisies et autres expulsions, alors que pour beaucoup, il s’agissait juste de se mettre en sécurité (l’une des principales motivations des individus dans l’achat immobilier). Si le phénomène devait prendre de l’ampleur, il est probable que l’on fera appel à la « solidarité » nationale pour socialiser les pertes et accroitre encore la dette des Etats, sommés de mettre la main au portefeuille au nom du risque systémique.

Il me semble que si l’Europe prenait réellement ses responsabilités, les crédits rédigés en devises étrangères pour l’achat de biens sur le territoire national devraient être interdits avec effet immédiat. L’encours pour les crédits déjà souscrits devrait être converti en monnaie locale en retenant le cours des changes en vigueur à la souscription du crédit. Les pertes seraient constatées immédiatement par les banques sans pour autant déclencher une cascade de drames humains.

Il est difficile de savoir si les individus qui ont souscrit de tels crédits l’ont fait de manière éclairée, mais ils ont en tous les cas cherchés à réaliser une bonne affaire. Cette recherche permanente, au nom du droit des consommateurs, encouragée sans relâche par Bruxelles n’est pas forcément une démarche très citoyenne. Elle permet aux entreprises dominantes de multiplier les occasions de faire du profit, grâce à une créativité sans borne et un accès sans limite aux marchés internationaux. Une contribution volontaire et obligatoire (mais raisonnable) de ces citoyens pourrait servir de leçon : la recherche à tout prix de bonnes affaires se fait souvent au détriment d’autrui.

L’Europe n’est pas l’Islande. Au nom de la libre circulation des hommes et des capitaux (surtout des capitaux), de telles pratiques ne seront pas interdites. Dans le discours de darwinisme social généralisé qui prévaut en Europe, il est normal que ceux qui ont commis des erreurs soient pénalisés… Du moins tant que ce sont des citoyens isolés…

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