Chine : « Traverser le gué en tâtant une pierre à la fois »

Teng Hsiao-Ping avait dit à propos de l’exploration chinoise du capitalisme qu’il initiait : « Traverser le gué en tâtant une pierre à la fois ». C’est-à-dire, que l’on garderait un pied dans le communisme et que l’on essaierait de voir prudemment si tel ou tel aspect du capitalisme marche ou ne marche pas, en se réservant toujours la possibilité de revenir un pas en arrière si telle ou telle pierre du gué se révèle trop branlante. À la chinoise : sans confiance aucune accordée à une théorisation quelconque : par essais et erreurs uniquement !

J’avais rappelé cela il y a cinq ou six ans à un groupe d’anthropologues de retour de Chine qui m’assuraient, croix de bois, croix de fer, que le communisme en Chine, c’était fini, f – i – fi, n – i – ni, fini !

Le moment est venu de s’en souvenir avec les pertes de 8,5 % aujourd’hui à la Bourse de Shanghai. Pourtant, cela fait quelques semaines qu’elle et celle de Shenzhen fonctionnent sur un mode communiste bien davantage que capitaliste : interdiction des ventes à découvert et menaces à prendre au sérieux (si vous voyez ce que je veux dire) à l’égard des contrevenants, enquêtes ouvertes sur les traders faisant preuve de « mauvais esprit » (entendez « qui se comportent comme s’ils pensaient que le marché pouvait baisser »), extorsion de fonds exercée par le gouvernement sur la personne des gros gagnants des années récentes, intervention massive du gouvernement – par agence interposée – sur les marchés, interdiction de vendre faite aux détenteurs de gros portefeuilles d’actions et suspension de la cotation des actions de plus de la moitié des sociétés cotées en Bourse, etc.

Que va-t-il se passer ? On va encore essayer comme cela une semaine ou deux à mon avis, pas beaucoup plus. Si ça ne marche pas, pas d’entêtement : on dira que l’eau est trop haute sur le gué et on fera demi-tour. On aura pris du capitalisme ce qu’il avait provisoirement à offrir : un outil de modernisation de l’un ou l’autre secteur, tout comme le communisme en Russie, qui avait apporté – on s’en souvient – l’électricité.

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