Petit bilan de la journée d’hier

Un samedi bien rempli : dans la matinée, colloque du parti socialiste bruxellois sur le thème de l’emploi. Son sous-titre étrange aurait dû m’alerter : « Multiplier les emplois de qualité au 21ème siècle ? C’est possible ! ». Dans l’après-midi, enregistrement de ma contribution à la video appelant à la parade de Tout Autre Chose (Hart Boven Hard) le 20 mars. Fin d’après-midi enfin et soirée, réunion des amis du Blog de PJ au café bruxellois le Vicomte.

Le colloque du PS bruxellois fut l’occasion d’un malentendu. On entendit d’abord Bruno Colmant et moi parler de l’impact sur l’emploi de la robotisation et de la logiècilisation. Notre message était le même : l’emploi disparaît, peut-être même entièrement, et à une vitesse bien plus rapide sans doute que ce qu’affirment les rapports paraissant à ce sujet aujourd’hui. Pourquoi une disparition plus complète et plus rapide ? Parce que les prévisions faites ne sont que de simples projections : elles ne tiennent pas compte du fait que des progrès seront encore accomplis dans ces domaines, elles reposent trop sur le sentiment intuitif des chercheurs qui les rédigent quant à ce qui est informatisable et ce qui ne l’est pas.

Je passe rapidement sur la demoiselle qui vint nous expliquer longuement qu’il vaut mieux – comme elle – être écologiste plutôt que socialiste. Les représentants des syndicats vinrent nous décrire eux leurs luttes visant une réduction du temps de travail. Ensuite, de Callataÿ et moi avons insisté sur l’urgence née de l’effondrement de l’emploi, d’une remise à plat de la question en tant que telle du travail et de l’emploi.

La communication finale fut celle d’une officielle socialiste de la région Bruxelles, expliquant la mise en place d’une semaine de quatre jours dans les services.

La raison m’apparaissait enfin du titre optimiste du colloque : « Multiplier les emplois de qualité au 21ème siècle ? C’est possible ! », les socialistes bruxellois l’avaient fait ! Je comprenais mieux du coup les sourires crispés qui avaient accueilli mon propre « Multiplier les emplois de qualité au 21ème siècle ? Est-ce possible ? » : « Oui ! » mais seulement – comme l’avait déjà bien vu Keynes – dans un monde devenu socialiste. Impossible dans le cadre capitaliste existant !

Le malentendu était total : dans la vision des organisateurs du colloque, la semaine de quatre jours constituait une nouvelle victoire historique du socialisme, après la journée de huit heures et la semaine de cinq jours, alors que dans la perspective développée par Colmant et moi, et de de Callataÿ dans une moindre mesure, la réduction du temps de travail dans les années à venir n’apparaîtrait pas comme une victoire du socialisme mais comme la gestion dans un cadre de misère croissante, d’une réduction inéluctable de l’emploi : la journée de huit heures avait été obtenue de haute lutte, la semaine de cinq jours, à la suite d’un âpre combat, alors que la semaine de quatre jours n’était plus elle que le partage de miettes en quantités de plus en plus chiches, abandonnées par des entreprises auxquelles la question de l’emploi était devenue indifférente, la robotisation et la logiècilisation faisant qu’elles en avaient perdu l’usage.

Le soir au Vicomte, deux questions dominèrent les débats : la première, quand la désobéissance civile se justifie-t-elle et – question liée – que signifie et qu’implique l’expression « colère légitime » ? Et, seconde question, faut-il soutenir l’initiative DiEM25 de Yanis Varoufakis ?

DiEM25, vous le savez, je suis pour : il faut aller livrer le combat là où les transnationales et la religion féroce incarnée dans la Commission européenne s’entendent comme larrons en foire : à Bruxelles, c’est là que la démocratie nous a été volée, c’est là que nous devons aller nous battre pour la rétablir.

Sur la « colère légitime », ou ce qui passe pour tel, ma propre position, c’est que la notion « répondre à la violence du système par une violence de même niveau » est une stratégie condamnée à l’échec parce que la population autour de nous demeure jusqu’ici insensible à cette « violence systémique », sans quoi elle se rebellerait. Du coup, toute violence par l’action directe ou par la « propagande par le fait », apparaîtrait aux yeux de public comme violence pure, plutôt qu’en tant que réponse légitime, comme l’imaginent leurs auteurs, qui se couperaient ainsi encore davantage de l’opinion.

Question annexe : peut-on brûler les étapes : se trouver déjà là où l’exaspération nous conduira de toute manière, inéluctablement ? À mon sens non. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas s’y préparer !

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