L’ÉLECTRONUCLÉAIRE N’EST PAS DANS LES MOYENS D’EDF, par François Leclerc

Billet invité.

Quel est le véritable coût de l’électro-nucléaire, qui a toujours été présenté comme l’un de ses avantages ? Au moment de tirer le trait, EDF trouve en France des expédients pour diminuer le montant de l’addition, car elle s’annonce plus lourde que prévue alors que l’entreprise révèle sa grande fragilité financière. D’une main la durée de vie des centrales est prolongée, de l’autre leur démantèlement est retardé.

Comme Roberto Boulant l’a déjà signalé, EDF vient d’annoncer par surprise qu’elle allait retarder « de plusieurs décennies » le démantèlement de six centrales de la filière graphite-gaz qui sont arrêtées depuis plus de vingt ans, à ce jour, au prétexte d’un changement de méthode dont la nécessité vient d’être tardivement découverte ainsi que du besoin d’un retour d’expérience. Cela reporte la fin de l’opération au siècle prochain ! La nouvelle approche technologique qu’elle entend adopter n’est selon elle pas au point, et il lui faut du temps pour qu’elle puisse être utilisée. C’est ainsi qu’elle entend traduire l’engagement qu’elle a pris d’y procéder « dans les meilleurs délais », dans le but de lisser les coûts.

Il a déjà été établi par la Commission européenne l’insuffisance des provisions d’EDF pour financer le démantèlement des centrales, dont celles qui concernent le stockage des éléments hautement contaminés de leurs installations. Ce qui conduit à se poser une question : si les estimations financières de départ ont été à ce point trompeuses, pour la bonne cause si l’on peut dire, qu’en est-il des assurances selon lesquelles les technologies qui n’existent pas vont être nécessairement trouvées quand le moment sera venu ? Surtout lorsque, comme dans le cas de Fukushima, les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu !

Il n’est question ces temps-ci que de l’irresponsabilité de ceux qui reportent sur les générations futures les charges qu’ils ne veulent pas assumer. Mais l’exemple le plus parfait de cette fuite en avant n’est pas à trouver ailleurs que dans la filière électro-nucléaire. Ses coûts de recherche et de développement ont été pour partie pris en charge par le budget de l’État, ceux de la fin de sa vie semblent destinés à connaître le même sort. Les consommateurs ne pouvant absorber le véritable coût de l’électro-nucléaire, sans même compter celui des aventures douteuses et dispendieuses du type menées par Areva ou du réacteur de la troisième génération, ce sont les contribuables qui seront mis… à contribution.

Le principal avantage de la filière électro-nucléaire est que ceux qui l’ont décidée ont disparu et que ceux qui devront la stopper ne sont pas nés. Cela s’appelle la dilution de responsabilité et rappelle celle du risque procuré par les produits issus de la titrisation. Il y a décidément plus de points communs entre la finance et l’électronucléaire que l’on pourrait croire au premier abord.

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