Bruno Iksil : ce qui s’est vraiment passé (VII) Les différences de prix étaient voulues

Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.

Les différences de prix étaient voulues. Le protocole spécifique du CIO jouait un rôle stratégique pour la firme pourtant

Mais revenons donc à cet énorme portefeuille de protection de la banque logé au CIO [Chief Investment Office] qui consommait trop de VAR [Value at Risk] à cause de prix de traders de l’IB qui étaient mal accordés entre eux même s’ils étaient tous communiqué vers 17h00 heure de Londres. Les contrôleurs des risques de JP Morgan décelèrent ici un signe manifeste que les prix de l’IB recélaient des erreurs de jugement de la part des traders qui les fournissaient. La cause était vite trouvée : ces traders ne cotaient souvent qu’un instrument chacun et pas tous les instruments employés par le CIO de façon concertée. C’était fatal : ils avaient d’autres chats à fouetter à 17h00 chaque jour plutôt que de perdre leur temps en discussions virtuelles sur des corrélations qui ne les regardaient pas et sur lesquelles ils n’avaient pas d’avis. Leurs clients attendaient leur prix sur leur instrument de prédilection, point final. À sa manière chaque trader était indépendant de l’autre mais cela donnait un résultat chaotique au final qui conduisait à une surestimation de la VaR de JP Morgan.

La firme se devait de faire quelque chose pour elle-même. À la manière du négatif d’une pellicule photographique, ou d’un miroir sans tain, les contrôleurs de risques demandèrent que le CIO fournisse des prix concurrents, intuitifs, subjectifs qui permettent de fournir des prix synchronisés entre les instruments employés dans le portefeuille de protection. Ils ne cherchaient pas le prix de mark-to-market ici. Ils cherchaient d’une part un jeu de prix harmonieux pour ensuite ajuster légèrement les prix des traders de l’IB. D’autre part, ils cherchaient du coup à évaluer l’incertitude intrinsèque de la valorisation officielle de la firme. Cette évolution là se produisit fin 2006 avant même que ce portefeuille de protection de la firme ne devint énorme. Le protocole du CIO se définira au gré des événements de la crise de 2007-2008 et des instructions qui amèneront ce portefeuille à peser 40% de toute la firme à lui seul. À chaque fin de mois les ajustements liés au CIO feront bruyamment grincer les dents dans les rangs de l’IB. Malgré l’énorme effet de diversification que cette protection apportait, elle était perçue souvent comme un trouble-fête. Les ordres étaient clairs pourtant de part et d’autre : chacun savait son rôle ici. Artajo avait été clair dès le début de son arrivée au CIO. Iksil et son comparse de l’époque qui faisait la valorisation reçurent l’ordre maintes fois de ne suivre ni le consensus de marché, ni les pratiques standards du marché.

Comme expliqué plus haut, le fait n’avait rien de nouveau car en octobre 2006, c’est le département des risques de JP Morgan lui-même qui fit la première requête dans ce sens. Le but dans tout cela? Le CIO se devait de filtrer les incohérences des marchés et filtrer le « bruit » qui pouvait polluer la mesure de performance de ces positions aussi complexes que stratégiques. La survie de la banque en dépendait car ainsi on pouvait voir venir par avance une montée des tensions au-delà du chaos environnant. Voilà un argument massue de plus… Iksil témoigne de la chose devant toutes les autorités depuis 2013 avec force anecdotes et références à des événements précis qui corroborent ce fait. Les documents écrits existent. Le FBI est passé par là entre autres pour vérifier tout cela. Personne n’a essayé de contrer les récits d’Iksil sur ce thème au cours des 6 témoignages qu’il a fournis et des 40 journées au total qu’il a consacrées à répondre aux questions.

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