Le colloque Walter Lippmann : aux origines du « néo-libéralisme », par Serge Audier (IX), « La cité libre » de Lippmann : libéralisme concurrentiel ou social ?

Le colloque Walter Lippmann : aux origines du « néo-libéralisme », préface de Serge Audier – Penser le « néo-libéralisme », éditions Le bord de l’eau, 2012. Madeleine Théodore nous propose un résumé en plusieurs parties de cette réflexion essentielle. Ouvert aux commentaires.

Le livre de Walter Lippmann : « La cité libre » (1937), fut très diversement reçu aux Etats-Unis et dans les autres pays. Certains le jugèrent incohérent. D’autres, comme Max Lerner, fervent partisan du New Deal, y virent sa condamnation.

Dewey remarque plus subtilement que « Lippmann identifie étrangement toute forme de socialisme et de collectivisme avec le socialisme d’Etat ou de gouvernement, et donc avec un contrôle d’en haut des activités des groupes et des individus par le moyen de la bureaucratie ».

Cependant, des catholiques américains et des hommes de gauche le reçurent favorablement, comme Arthur Schlesinger, éminence grise des milieux rooseveltiens, pour qui le livre de Lippmann revenait à faire une surprenante et précise description des politiques de New Deal de 1937.

En France aussi, Jean-Marcel Jeanneney, futur ministre du général de Gaulle, admire le travail de Lippmann et établit une analogie entre sa pensée et celle de Proudhon, surtout par sa foi dans cette règle suprême : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fît ». Gaëtan Pirou, affirme qu’« en lisant « La Cité libre », on avait plus d’une fois l’impression que la presque totalité du New Deal pourrait être insérée dans l’agenda du libéralisme ».

Il y eut cependant des lectures plus conservatrices, comme celle du très libéral Pierre Lhoste-Lachaume, qui présente la « Cité libre » comme une apologie de la division du travail et de l’économie concurrentielle, une lecture commune aux universitaires tenants de l’anti-libéralisme et de l’anti-capitalisme, néo-bourdeusiens et néo-foucaldiens se rejoignant ici.

La lecture de la « Cité libre » par von Hayek sera sélective et lacunaire. Il mentionnera à peine Lippmann dans « La Route de la servitude » (1944), juste pour étayer les propos des conservateurs de Chamberlin et Voigt. Von Hayek ne mentionnera Lippmann que sur le thème du constitutionnalisme et de la « rule of law » qui veut que la loi soit le principe de gouvernement, plutôt que la volonté des gouvernants. Il ne dira rien sur l’agenda du libéralisme et ses propositions concernant la taxation progressive et les droits sur les successions. Cette mutilation mènera à l’affirmation par les rares historiens du néo-libéralisme d’une filiation de Lippmann vers von Hayek.

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