L’INSTABILITÉ POLITIQUE ALLEMANDE, UNE NOUVELLE DONNE ? Par François Leclerc

Billet invité.

L’optimisme ne règne pas dans les sphères politiques allemandes, en dépit d’une situation économique en soi favorable. Les excédents commerciaux 2017 vont dépasser les 250 milliards d’euros de l’année passée, l’équilibre budgétaire ayant été atteint depuis 2014, les marges financières dont le futur gouvernement dispose sont substantielles, mais la coalition Jamaïque qui devrait hériter de cette situation ne prend toujours pas corps.

En quatre semaines, les négociations n’ont quasiment pas fait de progrès. La conclusion de la phase exploratoire des discussions menée entre ses quatre composantes, initialement fixée au 16 novembre, est repoussée à la fin du week-end. Et on ne compte pas les passages entre crochets figurant sur le brouillon d’accord de 61 pages qui a fuité dans la presse allemande.

Le ton n’est pas à l’optimisme dans la presse, qui déborde de commentaires sur les différentes formules de coalition minoritaire possibles sur le papier. Car la perspective de nouvelles élections agit comme un repoussoir, de crainte d’une nouvelle progression de l’AfD d’extrême-droite déjà forte de ses 92 députés au Bundestag. À moins qu’il n’en résulte le même résultat que pour les précédentes, impliquant de reprendre les négociations là où elles avaient été arrêtées…

Si la solution d’un gouvernement minoritaire prévalait, de profondes divisions n’en devront pas moins être surmontées, que ce soit à propos du climat et de l’énergie, ou de la politique d’immigration. On s’interroge à ce propos sur l’absence de référence à la politique européenne dans le brouillon d’accord divulgué, comme si ce sujet très épineux avait été mis entre parenthèses, et non plus entre crochets, gardé pour d’ultimes négociations avec le FDP, qui est opposé à ce qu’une nouvelle mission soit confiée au Mécanisme européen de stabilité (MES). Cela laisse en blanc la réponse qui doit être apportée aux propositions de relance de l’Union, de la Commission, ou du gouvernement français.

Sur la politique énergétique, les dirigeants allemands héritent des décisions d’Angela Merkel et sont pris en tenaille entre la décision d’abandonner totalement l’électronucléaire en 2022, le soutien à une industrie reposant à 40% sur le charbon et les objectifs de réduction de gaz à effet de serre à échéance de 2020 et de 2030, qui ne pourront pas être tenus dans ce contexte.

À propos des réfugiés, les conservateurs de la CDU, la CSU et le FDP préconisent une politique restrictive et l’instauration d’un plafond limitant leur accueil, dont les Verts ne veulent pas entendre parler, plaidant pour la reprise des regroupements familiaux pour les réfugiés syriens et afghans.

Une telle situation dépasse le sort qui va être réservé à Angela Merkel, qui reconnait que les négociations ont pris un tour « très dur » et qui se trouve le dos au mur. Les partis de gouvernement, en pratiquant l’alternance ou en se coalisant, ont longtemps assuré à l’Allemagne une stabilité politique qui ne semble plus être dans ses moyens. La démonstration n’est plus à faire : la crise politique européenne n’épargne pas les situations qui semblaient les mieux assises.

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