La DÉMOCRATIE EN CHINE selon la propagande, par DD & DH

Billet invité.

Les gouvernants chinois développent depuis quelques années une théorie de la démocratie « sinisée » qu’ils opposent à nos coups de règle sur leurs doigts. Il est tout à fait évident et indiscutable que ce qu’ils baptisent de ce nom n’est pas de la même nature que l’AOC dont nous sommes les gardiens ! La liberté individuelle n’est pas garantie en Chine, dans le domaine de la justice subsistent de non négligeables poches de pur arbitraire (disparitions, arrestations à l’heure du laitier) qui ne sont pas sans rappeler nos « lettres de cachet » de l’Ancien Régime, l’Internet et autres sources d’information « extérieures » sont maintenus dans les clous par un pouvoir sourcilleux. Bref, nous aurions tendance à dire qu’il s’agit d’une pure et simple contrefaçon. A titre documentaire, il nous semble toutefois intéressant de regarder d’un peu plus près la teneur de leur discours. Voici une affiche qui a fleuri dans les villes chinoises à l’automne dernier, au moment du 19ème Congrès (il n’y avait là rien de fortuit) :

Cette affiche rend compte assez clairement de la façon dont les Chinois sont conviés à aborder cette notion, très neuve pour eux, de « démocratie » à la chinoise. Car les mots « min zhu« , caractères écrits très gros signifiant « souveraineté du peuple « , n’offrent aucune équivoque : c’est bien de « démocratie » qu’il est question. Regardons le dessin d’abord : nous voyons en premier plan un objet qui nous est familier puisqu’il s’agit d’une urne électorale (c’est écrit dessus ! Du reste, la Chine en fabrique pour nous !). Accourent vers elle des Chinois des deux sexes et de tous âges. On aperçoit derrière eux ces nouvelles constructions façon manoirs à tourelles qui font fureur dans la région (très très riche) de Hangzhou. Une banderole sur fond rouge appelle les larges masses de tous les villages à prendre part au vote. Parce qu’on vote en Chine ? Mais oui, certains Chinois votent, et ce dans certaines conditions et limites. Disons tout de suite que le suffrage universel qui désigne les représentants de la volonté générale n’est envisagé qu’à l’échelle modeste des villages et petits bourgs et dans le cadre des décisions intéressant les affaires locales. A peu près au même niveau que nos conseils municipaux. L’idée qui sous-tend cette conception restrictive du droit de vote est que la Chine est trop vaste, trop peuplée et que sont trop disparates les situations régionales pour que le citoyen lambda puisse se prononcer en claire connaissance de cause sur des options de portée très large et des choix engageant l’avenir du pays tout entier. Appeler les gens à voter uniquement à propos de problèmes qu’ils connaissent et pour ou contre des candidats qu’ils peuvent côtoyer, dont ils ont pu d’expérience évaluer les capacités d’écoute et de décision, dont ils peuvent juger le train de vie (pas de montre de luxe à leur poignet !) et à qui ils pourront demander des comptes apparaît à la majorité des Chinois comme une solution sage. Ne s’agit-il pas là de la copie pure et simple de la démocratie première du nom, AOC s’il en est, la démocratie athénienne, si l’on prend en compte qu’un village chinois d’aujourd’hui est peu ou prou l’équivalent en superficie et habitants de l’Athènes du Ve s. av. notre ère ? Revenons à notre affiche : le cartouche vertical sur fond rouge sombre résume laconiquement les caractéristiques fondamentales de ce régime dit « démocratique » : « Suprématie du peuple. Pouvoir et responsabilité partagés« . Pas de mention de Droits de l’Homme, comme on pouvait s’y attendre. Quand on évoque cette lacune des Droits de l’Homme à des membres du PCC, ils répondent que le premier droit, peut-être pas suffisant mais en tout cas nécessaire, de tous les hommes est de se voir assurés les moyens d’une vie décente et que devenir citoyen à part entière suppose d’abord d’avoir pu satisfaire ses besoins matériels de base et de jouir d’un niveau d’éducation suffisant. Ce à quoi promet de s’employer en mettant les bouchées doubles la Résolution du 19ème Congrès. Pour une Chine encore trop pauvre, le premier pas vers une démocratie est l’accès de tous à la dignité et à des lendemains qui ne feront plus peur. C’est la teneur du texte écrit petit en colonnes verticales lues de droite à gauche : il définit en trois phrases cette démocratie à la chinoise.

« La démocratie qui assure une forme de société belle et bonne est la plus haute aspiration du genre humain. (à noter l’expression « belle et bonne » –mei hao– utilisée à deux reprises dans ce texte qui n’est autre que le « kalos kagathos » des Grecs)

La vraie démocratie est celle où le peuple est réellement le maître du pays.

Cette souveraineté du peuple est le noyau dur de notre système et c’est la force du socialisme que d’être la garantie politique qui assure au peuple une vie meilleure et plus heureuse« .

Pure propagande que cette affiche ? Bien sûr. Mais la marche entamée est réelle, les Chinois sont de plus en plus  nombreux à vivre au quotidien le mieux-être matériel (ils ne crachent pas encore dessus comme les blasés aisés des pays gâtés !) et, n’ayant jamais eu vent (en 4000 ans d’Histoire) de la politique pleine de débats, d’affrontements et de polémique comme nous l’entendons, ils ne débusqueront aucun oxymore dans cette « démocratie socialiste » si elle garantit rapidement l’accès à une vie moins précaire ! Après, on verra. Une pierre à la fois pour garder le pied sûr dans la traversée à gué !

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