Le ministère de la Justice américain laisse entendre que Donald Trump est l’agent d’une puissance étrangère hostile, le 15 juillet 2018 – Retranscription

Bonjour, nous sommes le dimanche 15 juillet 2018, et aujourd’hui ma vidéo a un titre un peu long, mais c’est dans le but précis de lui donner une formulation sans la moindre ambiguïté.

Le ministère de la justice américain laisse entendre que Donald Trump est l’agent d’une puissance étrangère hostile. Je répète : Le ministère de la justice américain laisse entendre que Donald Trump est l’agent d’une puissance étrangère hostile.

Mon titre est un peu long ; je crois qu’il est assez précis. J’ai essayé de lui enlever toute ambiguïté, et si vous lisez ou si vous avez lu les commentaires qui ont été produits aux États-Unis par la presse – j’en ai lu pas mal – vous aurez remarqué qu’il y a une différence entre ce que je dis là dans ce titre et ce que dit la presse américaine.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une inculpation qui a été publiée peu de temps après midi heure locale aux États-Unis, vendredi, et qui inculpe douze fonctionnaires de l’État russe appartenant tous à l’un de deux services du département du contre-espionnage de l’armée russe. Ces 12 personnes sont inculpées sur des chefs d’accusation extrêmement précis, leur nom est mentionné et leurs actes, les actes qu’ils ont posés, des actes hostiles aux États-Unis, sont présentés de manière extrêmement détaillée.

En quoi consistent ces actes hostiles aux États-Unis ? C’est le piratage de différents mails de gens impliqués dans la campagne électorale de Hillary Clinton en 2016, mais également l’accès à des systèmes de vote numérique aux États-Unis.

Onze personnes sont impliquées dans le piratage et la diffusion d’informations piratées, et une personne est impliquée dans l’accès au système de vote numérique américain.

Il s’agit d’une accusation extrêmement grave : c’est une ingérence, une intgérence délibérée dans les élections américaines en vue de faire perdre Mme Clinton, et – vous en tirerez la conclusion qui s’impose – qui est que cela favorise M. Donald Trump.

J’ai lu le rapport – ce n’est pas un rapport, c’est une inculpation – un texte de 29 pages que j’ai lu hier. J’ai fait des remarques dans un petit texte où j’ai mentionné, entre autres, des choses annexes comme l’utilisation par ceux qui sont appelés « les conspirateurs » dans l’inculpation du ministère de la justice américain, l’utilisation de « jetons numériques », encore appelés « cryptomonnaies » (essentiellement le bitcoin mais aussi d’autres monnaies) pour des transferts, aussi le fait que l’inculpation (sans mentionner le nom de cet organisme, Wikileaks – l’appelle « organisation N°1 » mais il s’agit de manière assez transparente de Wikileaks – je suppose que le fait de ne pas mentionner son nom est pour s’occuper de ça par ailleurs, ou ailleurs que dans cette inculpation de douze fonctionnaires [russes].

Si l’on en croit une correspondance qui est citée, il est clair que l’intention de Wikileaks en diffusant ces documents mettant à l’avant des dissensions entre Hillary Clinton et Bernie Sanders, et en particulier des manœuvres déloyales pour empêcher Bernie Sanders de se retrouver être le candidat [Démocrate à la présidentielle] – le texte des échanges fait entendre clairement qu’il ne s’agissait pas en atteignant Hillary Clinton d’avantager Bernie Sanders mais d’avantager Donald Trump.

Qu’est-ce que je lis dans cette inculpation ? J’y lis quelque chose, comme je l’ai dit, de différent de ce que voit la presse américaine. Alors je vais peut-être commencer par vous parler de ce que voit, de ce sur quoi se focalise la presse américaine : c’est le fait qu’il est indiqué dans ce rapport que les opérations principales ont débuté un jour précis, quelques heures après une déclaration de Donald Trump, déclaration que je vais d’abord vous lire en anglais pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, de doute sur ce qui est dit, et que je traduirai ensuite librement à ma manière, en français pour que puissiez comprendre si l’anglais ne vous est pas familier. Voici ce que dit donc, ce jour de juillet 2016, M. Trump :

– Russia, if you are listening, I hope you’ll be able to find the thirty thousand mails that are missing. I think you will probably be rewarded mightily by our press.

– Russie, si vous m’écoutez, j’espère que vous aller trouver les 30 000 emails qui manquent. Si vous le faites, je pense que vous serez très probablement récompensés d’une belle manière par notre presse [la presse américaine].

Ce que les commentateurs américains voient dans cette inculpation, c’est une inculpation indirecte de M. Trump, en disant que d’une certaine manière, les Russes ont fait, à la suite de l’appel de M. Trump, ont fait dans la même journée, ont suivi ses ordres en allant pirater les boîtes du conseil, non : du comité d’organisation de la campagne de Mme Hillary Clinton. Et donc, qu’il y aurait dans cette inculpation, en pointillé, une confirmation d’une collusion entre M. Donald Trump et les Russes.

Je n’y lis pas cela. Parce qu’il s’agit, il peut s’agir, et cela sans doute a été entendu à l’époque de cette manière là par quasiment tout le monde, comme une boutade. Ce n’est pas prudent, bien entendu, pour un candidat à une présidentielle, de faire appel officiellement, voila, à une puissance étrangère pour se mêler des élections dans son pays… ce n’est pas prudent, mais je ne pense pas qu’il s’agisse là d’un crime; ni non plus de la preuve d’une collusion. On pourrait même dire que s’il y avait eu véritable collusion, jamais il n’aurait dit une chose comme celle-là… encore que connaissant M.Trump maintenant comme on le connaît, il n’est pas certain qu’il se conduise de la manière… selon le sens commun et qu’on puisse en tirer des conclusions de ce type-là.

Qu’est-ce que j’en tirerai moi comme conclusion de cette inculpation ?

Autre chose, autre chose… C’est peut-être parce que j’ai grandi dans un bouillon de culture juridique (rires), parce que mon père était juriste, et s’occupait en particulier de sa spécialité (c’était d’enseigner le droit public, il était haut-fonctionnaire et se trouvait dans des cabinets ministériels, etc.), que souvent à l’heure du déjeuner, à l’heure du diner, on entendait des histoires, des interprétations de type juridique et autres…

Moi j’y entends autre chose. J’y entends une mise en demeure de M. Trump, pour lui dire : « Indépendamment de ce que vous pourrez dire devant un jury si vous y êtes appelé, indépendamment de cela, si vous ignorez cette inculpation de fonctionnaires russes à partir de maintenant, et en particulier à partir de lundi, quand vous rencontrez [M. Poutine], là, la collusion sera évidente. » C’est-à-dire que M. Trump est mis en demeure de changer du tout au tout son comportement.

Il est probable qu’il ne fera pas. Il est probable qu’il ne fera pas parce qu’il avait été avisé de cette inculpation avant qu’elle ne soit annoncée, comme étant probable, par M. Rod Rosenstein qui est le numéro deux du ministère de la justice aux États-Unis, et cela ne l’a pas empêché d’annoncer que lundi, quand il verrait M. Poutine, il ferait comme il a fait dans d’autres occasions, il dira « Poutine mon gars, est-ce que c’est vrai ce qu’on raconte chez nous ou bien est-ce que tu es le gars honnête que j’imagine que tu es ? ». Bon. Je paraphrase librement, il n’a pas encore prononcé les paroles mais ce que je dis là va dans le sens de ce qu’il a dit précédemment.

C’est-à-dire que s’il ignore, M. Trump, s’il ignore, à partir de lundi, le fait que des fonctionnaires russes sont impliqués dans une déstabilisation majeure du système démocratique américain, à partir de ce moment-là, s’il ne se conduit pas comme il est attendu, c’est-à-dire demander à M. Poutine l’extradition de ces 12 fonctionnaires inculpés, à ce moment-là, il se révèle comme étant ce que l’inculpation laisse entendre, qu’il est l’agent d’une puissance étrangère, et non seulement d’une puissance étrangère mais d’une puissance étrangère hostile puisque elle a posé des actes qui sont à proprement parler des actes de guerre, dans le cadre des nouvelles guerres qui sont les nôtres aujourd’hui, qui sont des guerres numériques. L’accès à des comptes secrets, le fait de répandre certaines informations, avec la complicité ensuite de Wikileaks, le fait de gagner l’accès au système de vote, au système numérique, ce sont des actes agressifs, et ce sont des actes d’ingérence dans un pays qu’un pays, bien entendu, ne peut pas tolérer.

Alors, je termine là-dessus, j’espère que vous avez compris ce que je dis. Je crois que mon titre est très très clair. J’espère que vous avez compris aussi la distinction, la différence que je fais – et je n’ai vu personne d’autre dans les commentateurs que j’ai pu lire dans la journée hier, personne d’autre qui fasse la distinction que je fais : il ne s’agit pas pas tant de collusion entre M. Trump et son équipe et les Russes dans la période qui précède vendredi, il s’agit plutôt de mise en place d’un système qui établira une fois pour toutes sa collusion de fait avec la Russie s’il se conduit de manière amicale envers M. Poutine lundi, c’est-à-dire dans 24h.

Voilà. J’ai voulu dire cela de manière assez claire. Il y aura un texte – parce que j’ai des amis qui ont l’amabilité de retranscrire ce que je dis – c’est un complément du billet que j’ai fait hier, mais il dit de manière beaucoup plus claire que ce que je laissais entendre simplement, qu’il y a dans cette inculpation qui a eu lieu vendredi par le ministère de la justice, il y a sous-entendu le fait que M. Donald Trump, Président des États-Unis, est l’agent d’une puissance étrangère hostile.

Voilà ! Merci.

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