Sédition !, le 1er octobre 2020.
Bonjour, nous sommes le 1er octobre 2020.
Hier, dans la journée, je ne vous ai pas parlé de la confrontation plutôt que du débat ayant eu lieu entre M. Joe Biden, candidat du Parti démocrate, et M. Donald Trump – j’hésite un peu désormais quand je dis « Monsieur » – représentant du Parti républicain.
Pourquoi hésiter à utiliser même le mot « Monsieur » ? Vu la façon dont ce personnage s’est conduit durant ce supposé débat. Il a complètement débordé le reporter modérateur de Fox News, pourtant bien disposé à son égard, M. Chris Wallace.
Et donc, voilà, ça a été une bagarre, une bagarre entre braillards, l’un plus ou moins « présidentiel », comme l’a fait remarquer l’éditorialiste du Guardian, M. Joe Biden, et puis l’autre, étant au niveau, voilà, d’une rixe dans un bar ou d’une bagarre dans a back alley, dans une ruelle sombre et mal fréquentée.
Alors, oui, bon, on n’était pas… Ce qui était clair, c’est qu’il n’était pas question pour M. Trump d’essayer d’obtenir des électeurs supplémentaires : il s’en fiche.
Il s’en fiche, il l’a dit : le résultat des élections, ça ne l’intéresse pas : « Il n’y aura pas de transition : il suffira de se débarrasser, a-t-il dit, des votes par correspondance ».
Donc, c’est ça qu’il va faire, c’est ça qui est prévu. Comme il y a beaucoup plus de Démocrates qui votent par correspondance parce qu’ils habitent plutôt des grandes villes, etc., parce qu’ils sont plus prudents vis-à-vis de la Covid-19 – les partisans de M. Trump considérant que ça n’existe pas, que c’est un complot du Deep State – les comptes sont vite faits. Au lendemain de l’élection, ce seront essentiellement des Républicains qui auront voté en se rendant aux isoloirs et donc – c’est comme ça qu’il l’a prévu – il n’y aura pas de transition, de transfert de pouvoir.
Il n’y aura pas de transfert de pouvoir. C’est simple. Mais ça, il l’avait déjà dit avant et j’en ai parlé à ce moment-là. Hier, avant-hier, ce qu’on a surtout retenu, c’est la question de M. Chris Wallace quand il évoque les milices suprémacistes blanches, plus ou moins, je dirais, bras armé du Ku Klux Klan, les « Proud Boys » : les garçons fiers, et qu’il commence par ne rien dire et puis, un petit peu acculé après avoir botté en touche une ou deux fois, il dit : « Qu’est-ce que je leur dis ? Je leur dis de ne pas bouger et d’être prêts ».
Bon, le président des Etats-Unis qui dit à une milice suprémaciste blanche de ne pas bouger et d’être prêts. Même ceux qui n’avaient encore rien entendu jusque-là [rires], là, quand même, un certain nombre de gens l’ont alors entendu.
Alors, dans la journée d’hier, les commentateurs : « seditious ! ». « Sédition », être séditieux, etc., on voit apparaître ce mot le 30 septembre 2020, on le voit apparaît à propos de M. Trump.
Je suis allé voir, je suis allé faire un peu de recherches pour ma petite vidéo. Quand est-ce que j’ai utilisé pour la première fois le mot « sédition » à propos de M. Trump ? C’était le 18 août 2017. Qu’est-ce qui s’était passé ? Eh bien, déjà, il y avait eu donc des manifestations de milices suprémacistes blanches à Charlottesville qui protestaient contre le déboulonnage d’une statue d’un général confédéré, donc un général de l’armée de la partie du pays qui avait fait sécession en 1861 et qui étaient donc des partisans de l’esclavage et qui ont perdu de cette guerre-là.
Mais, dans la période des années 1870, on a permis au sud de retrouver sa fierté. Mais ces statues, des généraux confédérés, ce n’est pas nécessairement à cette époque-là qu’on les a mises, à la fin du 19e siècle : il y en a beaucoup qui ont été érigées dans les années 20 et dans les années 30, qui étaient aussi des années, comment dire, de confrontation entre les populations aux États-Unis.
Et donc, lors de ces manifestations, un manifestant avait utilisé sa voiture pour se lancer dans la foule des contre-manifestants et il avait tué la contre-manifestante Heather Heyer. Et moi, j’avais dit à l’époque : « M. Trump, on vous rappellera un jour la mort de Heather Heyer ».
Eh bien, ce n’était pas plus tard que dans la journée d’hier où les gens ont… Parce que, qu’est-ce qui s’était passé ? Qu’est-ce qui s’était passé à la suite de Charlottesville ? Là, on avait déjà demandé à Trump de faire un commentaire et, là aussi, il avait d’abord botté en touche et, finalement, il avait dit : « Il y a des gens bien des deux côtés ». Bon, et ça, ça avait déjà provoqué des réactions en particulier dans l’armée. Il y avait au moins une demi-douzaine de généraux qui avaient pris la plume aussitôt sur Twitter ou en faisant des déclarations à la presse en disant : « Le pays que nous défendons, ce n’est pas un pays de suprémacistes blancs, ce n’est pas les États-Unis que nous défendons ! ».
Que pensent ces généraux des affirmations en ce moment de M. Trump qui n’a pas l’intention d’abandonner le pouvoir quel que soit le résultat des élections et qu’il a une armée prête au moins sous la forme de milices suprémacistes blanches ? Je ne sais pas. Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je suppose qu’ils ne sont pas moins courroucés qu’ils ne l’étaient à l’époque : en 2017. La différence, c’est que la population, elle a réagi hier. Les gens commencent à se rendre compte qu’on est à la veille d’un coup d’état du Président, disposant, bien entendu, de pouvoirs présidentiels pour assurer son absence de transfert de pouvoir par la suite. Qu’est-ce que ça va donner ? On ne sait pas.
Trois ans entre le fait que, moi, je prévienne en employant le mot « séditieux », et trois ans de plus aux Américains qui n’en croient pas leurs oreilles, qui n’imaginent pas, la plupart n’imaginent pas qu’un coup d’état fascisant suprémaciste blanc soit possible dans leur pays. Et pourtant, la réalité, elle est là, maintenant : devant leurs yeux !
Pourquoi ? Pourquoi 30 à 40 % de gens prêts à soutenir Trump ? Pourquoi 30 à 40 % de gens qui ne sont pas concernés par la manière dont il s’est conduit durant ce débat et qui, au contraire, je suis sûr, ont poussé des cris de joie en le voyant brailler, en disant : « C’est moi le chef et puis fermez vos gueules ! », etc. ?
Pourquoi 30 à 40 % de beaufs – je reprends l’expression du regretté Cabu – dans un pays ? Je crois que, d’une certaine manière, la population Blanche qui est toujours dominante aux Etats-Unis, a l’impression que le pouvoir lui échappe d’une certaine manière. De différentes manières.
Ceux qu’on appelle les « Asiatiques » dans les recensements américains, c’est un autre mot pour ceux qu’on appelait « Jaunes » autrefois. Parce qu’un Iranien ou une Iranienne, n’est pas considéré comme un Asiatique aux États-Unis, ils ou elles sont considérés comme des Blancs dans les recensements. Cette minorité dite « asiatique » aux États-Unis, c’est maintenant le groupe de la population qui est le plus riche : plus riche que les Blancs. Qu’est-ce qu’ils représentent ? Ils représentent de l’ordre de 4 % de la population. Ce n’est pas grand-chose par rapport auxautres minorités.
Qu’est-ce que ça nous dit ? La manière dont les recensements américains sont faits, c’est compliqué. Pourquoi ? Parce qu’on commence par faire une distinction fondée sur la langue, ce qui est vraiment très très hypocrite mais enfin bon. On commence par distinguer les Hispaniques et les non-Hispaniques : il y a beaucoup d’astuces… Moi, je serais, là-bas, je serais considéré comme un « Blanc non-hispanique ».
Bon, voilà : première distinction faite : Hispaniques, 12,5 %, non-Hispaniques, 87,5 %.
Maintenant, quand on regarde les Blancs, parmi les non-Hispaniques, ils représentent 69 % de la population et parmi les Hispaniques, ils représentent 47,9 % de la population.
Les gens d’origine « noire », soit que ce soient des gens qui ont immigré -leurs grands-parents ou leurs parents – d’Afrique : des gens qui sont venus délibérément, volontairement, soit que ce soient des descendants de gens qui sont venus enchaînés à fond de cale parce qu’ils avaient été vendus comme esclaves, ça représente de l’ordre de 14 % de la population.
Alors, « Some other » ! Ça, c’est extraordinaire ! Moi, je me posais la question : je me demandais comment est-ce qu’on appelle exactement les Amérindiens qui habitent aux États-Unis et qui sont venus d’Amérique centrale ? Ça, c’est le grand mouvement, je dirais, la grande migration qui a eu lieu depuis la fondation des États-Unis.
Les « Peaux rouges », les Amérindiens locaux, ont été exterminés, mis dans des camps qu’on appelle des réserves, sont morts de différentes exactions de la part des Blancs ou de maladies. Ils ne représentent plus grand-chose dans la population. Mais la population amérindienne d’Amérique centrale est remontée petit à petit pour trouver du travail en général, de manière légale ou non, en traversant la nuit le Rio Grande.
Cette population-là, donc, on part des 12,5 % d’Hispaniques [aux États-Unis] et, à l’intérieur de cette population, donc 47,9 % de Blancs et 42,2 % d’Amérindiens à proprement parler. Et comment sont-ils appelés dans les recensements américains, des États-Unis ? Ils sont appelés « Some other » : quelque chose d’autre !
Alors ça, je trouve cela absolument extraordinaire : ils représentent donc au moins 7 % de la population des États-Unis et il n’y a pas de nom pour eux. On les appelle pas d’un nom. On pourrait les appeler comme on les appelle les descendants des Amérindiens qui vivaient dans le pays : on pourrait les appeler « Native Americans ».
Mais « Native Americans », ça voudrait dire qu’ils soient nés aux États-Unis, ce qui n’est pas toujours le cas pour ces gens qui sont considérés comme « Hispaniques ». Donc, de l’ordre de 8 % de la population aux États-Unis : des gens qui sont clairement des descendants des Aztèques, des Mayas, des Toltèques, des Nahuatls, qui sont des Nahuatls ou des Lacandon – sont appelés « Some other » = « quelque chose d’autre ». Voilà !
Qu’est-ce que tout ça veut dire ? Tout ca veut dire que les populations « blanches » ne sont pas rassurées. Les électeurs de Trump sont Blancs et une part considérable d’entre eux sont des gens qui sont, dans l’âme, des suprémacistes blancs. Pourquoi est-ce que ce n’est pas apparu avant ?
Ce n’est pas apparu avant parce que, je dirais, il y avait des filtres, des filtres qui empêchaient que des personnages comme Trump ne puissent même accéder à l’élection présidentielle. Et là, ça n’a pas marché. Là, ça n’a pas marché !
Est-ce que c’est une influence de la… là, je vais dans le sens de M. David Lynch qui considère… qui a fait ce feuilleton Twin Peaks pour essayer de rendre un petit peu, comment dire ? de sens à la télévision, qui considère que la télévision a tué pratiquement le pays [cf. Twin Peaks ACTUALLY EXPLAINED (No, Really)].
Il est possible qu’il y ait un peu, je dirais, de la thèse de David Lynch dans le fait qu’une vedette de la téléréalité, et dont on sait maintenant que les seuls sous qu’elle avait, le seul argent qu’il avait, c’était son salaire de supposé milliardaire professionnel qu’il n’était pas, à la télévision, c’est peut-être un des méfaits de la télévision qu’un personnage de téléréalité puisse devenir président des États-Unis et puisse se conduire en braillard et en personnage séditieux, en personnage qui dit très clairement non seulement qu’il ne reconnaîtra pas le résultat des élections mais, en plus, qui nous annonce que des milices de suprémacistes blancs sont ses troupes. Voilà !
Qu’est-ce que ça va nous donner ? Rien de très beau, j’en suis convaincu, et une grande partie des Américains en sont convaincus depuis hier, depuis qu’ils ont vu leur président mener campagne électorale mais pas vraiment mener campagne électorale, tonitruer et dire : « Ne vous inquiétez pas, je serai là encore dans 4 ans et ce sera pas par les urnes parce que ça sera par un autre moyen ! ».
Allez, à bientôt !

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