Bonjour, je suis technicien, mon travail consiste à régler des problèmes dont je ne suis, la plupart du temps, pas la source. Acheteur arque-bouté sur une spécification rédigée par un ingénieur hors-sol ou un stagiaire plein de bonne volonté, marteau-piqueur pour écraser les mouches (très puissant mais totalement inefficace), normes pléthoriques et contradictoires, … C’est mon lot quotidien et je ne suis certainement pas le seul, on finit par s’habituer à repérer la majorité des problèmes avant qu’ils n’explosent.
Lors du premier pic épidémique, la saturation du système hospitalier a obligé les responsables de la santé publique à déplacer des malades vers d’autres centres hospitaliers dans des régions peu ou pas contaminées pour ne pas avoir à choisir entre les malades qui seront soignés et ceux qui ne le seront pas.
Lors du second pic rebelote on déplaçait à nouveau des malades d’une région dans l’autre.
Déplacer le problème me semble être une solution de dernier recours et j’ai l’impression que l’on tend à la systématiser. On déplace donc des malades, du matériel et du personnel dans des conditions adaptées à la va-vite et avec un risque de propagation des contagions. La France a créé si j’en crois les chiffres, 24% d’unités de réanimation en plus, ce qui signifie qu’on a saupoudré sur l’ensemble du territoire du matériel de réanimation sans lits ni personnels compétents supplémentaires. L’argument opposé étant toujours le même : ça coûte cher est on ne l’utilise pas assez. Ma première interrogation est la suivante : Pourquoi ne pas avoir créé quelques unités mobiles, certaines équipées « seulement de lits » et accompagnées de personnels mobilisés et d’autres de réanimations complètes ? Le matériel existe et la mutualisation des moyens semble un gain évident, mais visiblement on n’est pas pressé de le développer à l’échelle qu’il convient.
Mon deuxième point concerne l’échelle justement. Dans un monde qui, vous en conviendrez, est en contraction, la synergie n’est plus seulement une notion justifiant la suppression d’emplois, mais un outil majeur de réponses aux problématiques à venir. Dans ce contexte, l’Europe a une occasion majeure de démontrer son caractère indispensable et d’établir son propre modèle.
Petite digression en forme de constat : l’Europe telle qu’elle a été conçue ne parait absolument pas viable, on a déposé la statue de notre divinité directement sur le sol et on a vaguement tenté de lui faire tenir le socle sur la tête. Suite à ce péché originel l’histoire récente ressemble à une vaste suite de « comment sauver l’Europe ? » et « comment rendre l’Europe plus sociale ? » alors que c’est sans doute les deux versants d’un même problème. Aujourd’hui le sol s’ameublit et la statue ne tient plus debout que par une somme d’intérêts particuliers qui oblige une forme de solidarité de façade aux coulisses sans pitiés. A l’heure où certains s’interrogent sur le besoin d’une Europe de la défense, je dis OUI et une Europe de la Défense Sanitaire de toute urgence, sans doute notre dernière chance de pousser un socle Social sous la statue.
Une Europe de la défense sanitaire donc avec une force de projection capable de mutualiser les hôpitaux d’urgences, les personnels soignants, l’intendance etc… Il nous faut également une véritable stratégie de traque du/des virus, de confinement et de vaccination établi par des mathématiciens et des gens de terrain au moins à l’échelle du continent (la répartition égalitaire des doses n’est pas une stratégie, avec les limitations de production cela ressemble même de plus en plus et encore une fois à du saupoudrage). J’insiste un peu sur les gens de terrain. Depuis quelques années dans les milieux de la maintenance, du démantèlement et des travaux dangereux des entreprises développent des algorithmes d’optimisation et de choix ; pour développer ces algorithmes il faut comme vous vous en doutez des mathématiciens et des informaticiens, mais également, aussi et surtout les connaissances et les compétences des gens du terrain (il faut bien nourrir les algos !). Il nous faudrait également, on peut toujours rêver, un Donald Henderson pour chapeauter le tout.
J’ai comme beaucoup de gens ici (j’espère) un sentiment d’urgence qui me taraude, la situation sociale et économique est explosive et la réponse de l’État ressemble à s’y méprendre à une série de tour de vis liberticides et répressifs. La gestion elle, est au fil de l’eau et toujours dans la réaction, ce qui est le plus sûr moyen d’avoir toujours un coup de retard sur les évènements (j’attends avec impatience que notre nouveau haut-commissaire au Plan me donne tort). En fait il me semble qu’il nous reste 1 an pour réagir et démontrer qu’on peut faire les choses autrement. En juin les élections régionales devraient donner le ton avant la présidentielle de 2022, mais il sera alors beaucoup trop tard.
Les techniciens attendent les cahiers des charges, merci de ne pas perdre tout le temps en comptes d’apothicaires !
Cordialement !
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