Les anthropologues et le « New Age »

Sir Edward Burnett Tylor (1832 – 1917) est considéré à juste titre comme l’un des pères fondateurs de l’anthropologie sociale. Il considéra que la classification des êtres humains à partir de traits physiques – comme la forme de leur crâne – ne débouchait que sur des impasses et proposa de répertorier plutôt les cultures humaines à partir de leurs institutions. L’anthropologie sociale et culturelle était née.

Tylor n’en était pas moins un réformiste convaincu que les sciences humaines s’étaient vues confiée une mission dans le déroulement évolutionniste qu’il distinguait, de l’état sauvage à la barbarie pour parvenir ensuite à la civilisation. Le rôle de l’anthropologue affirmait-il est d’éradiquer la superstition.

Qu’est-ce que la superstition ? Les croyances irrationnelles reflétant la dimension de stupidité foncière difficile à éliminer de la nature humaine, lui faisant croire qu’il existe des raccourcis exploitables dans l’ordonnancement rationnel du monde, raccourcis auxquels des initiés auraient accès.

Or le mouvement dit « New Age » né dans les années 1970 s’est caractérisé par le fait de rassembler comme son cœur de croyance un ensemble de superstitions empruntées aux peuples du monde dans leur variété. Tout ce qui a irrité à l’intérieur de chaque culture ses esprits les plus éclairés a été rassemblé par le mouvement dit « New Age » comme ce en quoi il a foi quant à lui : chamanisme, spiritisme, feng shui, que sais-je encore, la liste est infinie.

Un paradoxe réside dans le fait que j’ai pu observer que mes collègues anthropologues – trahissant la mission que leur avait confiée la figure tutélaire d’Edward Burnett Tylor – sont souvent sympathisants de ce mouvement New Age.

Comment expliquer ce paradoxe ? La raison m’en paraît simple : ce n’est pas la mission d’éradiquer la superstition qui les a conduits initialement vers l’anthropologie, ce sont au contraire les séductions liées à toutes les superstitions du monde et leurs promesses de raccourcis vers la connaissance ultime, ce que les cours austères d’anthropologie sociale et culturelle sont bien entendu très loin de garantir !

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Les missiles actuels, qu’ils tombent sur Gaza ou sur Kiev, sont très perfectionnés…

  2. Lui, il ne se gêne pas pour barrer l’accès à Wikipédia : https://korii.slate.fr/et-caetera/russie-clone-wikipedia-censure-passages-genants-bloque-acces-original-ruviki-encyclopedie-propagande-kremlin-poutine-internet

  3. @ l’arsène Qu’en feront les faiseurs de guerre ? Bonne question : comment barrer à Poutine l’accès aux IA ?

  4. Aucun doute, une étape vient d’être franchie, pas sur la notion de réponses vocales, les GPS connaissent déjà car on…

  5. Salut Jacques, ça ne devrait pas être très difficile d’affubler ta voix à celle de l’IA si tu le souhaites,…

  6. Oui, tout ça c’est bien gentil, mais le personnage en blouson de cuir noir sur la vidéo du haut est…

  7. Frans de Waal suggère, contre votre « on a suggéré », que la construction de normes sociales par les grands singes a…

  8. Quand un avocat censé ‘défendre son client’, se mue en témoin à charge pour l’enfoncer : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/au-proces-de-donald-trump-son-ancien-homme-de-confiance-devenu-son-ennemi-le-met-en-cause_6543296.html Donald a du mal…

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta