L’éclaireur, par Lazarillo de Tormes

Billet invité.

L’éclaireur au sein d’une armée est une fonction qui se distingue car elle combine deux caractéristiques mutuellement exclusives dans d’autres fonctions du même corps: une vulnérabilité maximale et des aptitudes cognitives aigües. Derrière l’éclaireur, les premières lignes recèlent de la vulnérabilité sans l’expertise – la chair à canon – et, plus à l’arrière encore, l’état-major de l’expertise sans la vulnérabilité.

Il y a en quelque sorte un tribut à vouloir pénétrer le premier un monde non encore cartographié ce qui est terrible car le salut de l’espèce ne se trouve pas ailleurs que dans ces territoires inexplorés.

La décision ultime de Stefan Zweig symbolise à l’extrême cette vulnérabilité, celle d’Aaron Swartz en 2013 ou de Socrate il y 2500 ans s’inscrivent dans la lignée. Notons tout de même que leur présence parmi nous est un fait, ils nous inspirent toujours malgré le temps qui passe.

Être résolument à contre-courant est le stade premier de l’isolement par rapport à la masse inconsciente. Crier dans le vide ajoute une couche à la frustration – le mythe Cassandre – ou à l’angoisse – voire certaines facettes de la paralysie du sommeil. L’oppression enfin peut apparaître et devenir insupportable au point que l’expression ultime de la liberté peut être le choix de la mort. Dans l’inconscient collectif espagnol, on fait référence à la bataille de Numance où après quinze mois de siège par les troupes romaines, les survivants mettent le feu à la ville et se suicident pour mourir libres.

Notons que l’oppresseur parfois n’hésite pas sciemment à exploiter cette vulnérabilité (Le FBI a tenté de pousser Martin Luther King au suicide) pour asseoir sa domination et pérenniser le status quo.

Casser l’isolement en suscitant un sentiment d’appartenance qui permette de réaliser qu’être minoritaire ne signifie pas être seul peut être une solution. Les impacts à partir de cette prise de conscience sont potentiellement énormes sur le plan de la créativité et de l’épanouissement de l’individu, du groupe auquel il adhère et, dans le meilleur de cas si ce noble dessein est la finalité, de la collectivité dans son ensemble.

Voir en particulier la partie peer networks – réseau entre pairs – qui sont un peu mon dada du moment. En effet les progrès scientifiques gigantesques combinés avec l’effondrement du capitalisme, donc l’émergence inéluctable d’alternatives, mettent le sujet des réseaux entre pairs comme mode d’organisation de sociétés dans lesquelles chacun a sa place dans la dignité et la contribution sous les feux de la rampe.

Paul Jorion est en ce sens un éclaireur et la transition que les évènements de 2007 l’ont forcé à opérer en créant la plateforme p2p qu’est son blog, un cas d’école admirable.

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