GRÈCE : LA BRÈCHE RESTE OUVERTE ! par François Leclerc

Billet invité.

« Le nouveau gouvernement grec est très soutenu par la population. J’ai confiance en lui pour mettre en place les mesures nécessaires, mettre sur pied une administration fiscale efficace et ainsi tenir ses engagements ». Venant de Wolfgang Schäuble, cette déclaration a de quoi surprendre, d’autant qu’elle a été faite au journal à sensation Bild qui mène campagne sur campagne contre le soutien de la Grèce. « Il faut d’abord donner un peu de temps au gouvernement élu », a rajouté le ministre des finances allemand, qui a tenu à préciser à propos de Yanis Varoufakis : « mon homologue grec a le droit à autant de respect que les autres. Il s’est comporté avec moi tout à fait correctement ».

Un second signe de désescalade est simultanément intervenu, le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem s’avançant pour évoquer un éventuel paiement partiel de la dernière tranche du plan de sauvetage sans attendre comme précédemment décidé la fin avril, s’il était constaté un démarrage des réformes prévues dans l’accord qui a été adopté. On verra la suite…

Les dirigeants européens ont finalement dû admettre qu’ils avaient mis le gouvernement grec dans une situation impossible et que cela se retournait contre eux, ce qui en dit long sur leur maitrise de la situation. À la question « comment faire rentrer dans le rang la Grèce sans la conduire à sortir de l’euro ? », ils avaient cru trouver la solution, mais ils doivent enregistrer qu’ils se sont grossièrement trompés. Et il ne leur reste plus qu’à assouplir une politique après l’avoir voulue trop tranchée.

Avant de s’atteler à la conception d’un nouveau plan de restructuration de la dette grecque – qu’ils repoussent comme d’habitude au plus tard possible – il est apparu que les contraintes financières à court terme dans lesquelles le gouvernement grec a été placé n’étaient pas soutenables : elles le conduisent immanquablement à un défaut si elles ne sont pas revues, le contraire du but recherché ! D’autre part, ce dispositif a placé la BCE dans une situation qu’elle ne veut pas assumer, devenant celle par qui le malheur arrive si elle n’accorde pas à nouveau aux banques grecques les facilités qu’elle a interrompues, ou si elle ne déplafonne pas le montant des bons du Trésor que le gouvernement grec peut émettre.

La BCE va de nouveau être dans l’embarras, dès juin prochain, en raison des importants remboursements de titres de la dette grecque qu’elle possède, pour les avoir achetés aux banques européennes. Ceux-ci arrivent à maturité et le gouvernement grec n’a pas le premier sou vaillant pour y procéder. La BCE sera d’autant plus concernée qu’il est de l’intention revendiquée du gouvernement grec de privilégier en toute occasion le remboursement du FMI à son détriment, si cela se révèle nécessaire. Dans les négociations à venir, qui ne vont pas pouvoir tarder, l’objectif de Yanis Varoufakis va être de réduire – quelle qu’en soit la manière – les obligations d’excédent budgétaire primaire auquel le gouvernement va être soumis, afin qu’ils ne dépassent pas 1,5% cette année et 2% les suivantes. Le réalisme de ce qui lui sera opposé sera jugé à cette aune.

Mais un second aspect de la situation a été sous-estimé par les dirigeants européens, tout aussi alarmant, cette fois-ci politique. Une forte opposition au sein du comité central de Syriza a menacé tout le dispositif, conduisant Alexis Tsipras a annoncer sans concertation le vote par le Parlement de quatre projets de loi, tous destinées à soulager des effets de la crise, ainsi qu’a tergiverser à propos d’un vote destiné à entériner l’accord intervenu à Bruxelles.

Toujours dans le domaine des réussites politiques à porter au crédit des instigateurs de l’accord d’extension du plan de sauvetage, le premier ministre grec a accusé les gouvernements espagnol et portugais de chercher à mettre son gouvernement dans une situation intenable afin de ne pas avoir à assumer les conséquences électorales de sa réussite. Ce qui n’a pas manqué de susciter une virulente réaction de Mariano Rajoy, qui a demandé à la Commission de formellement réprimander le gouvernement grec… Le gouvernement allemand s’est pour sa part contenté de dénoncer « une faute » d’Alexis Tsipras, sur le thème que « cela ne se fait pas dans l’Eurogroupe ». Le service après-vente de l’accord est décidément très sollicité.

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